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DES DOCVMENTS
HISTORIQVES
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REVVE
DES DOCVMENTS
HISTORIQVES
SIXIEME ANNÉE
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REVVE
DES DOCVMENTS
HISTORIQVES
SVITE DE PIÈCES CVRIEVSES ET INÉDITES
PVBLIÉKS AVEC
DES NOTES ET DES COMMENTAIRES
PAR
ETIENNE CHARAVAY
ARCHIVISTE PALEOGRAPHE
SIXIÈME ANNÉE
PARIS
CHARAVAY FRERES C. MOTTEROZ, IMPRIMEVR
5i, Rue de Seine Rue du Four, 54 bis
1879
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REVUE
DES
DOCUMENTS HISTORIQUES
PIERRE MICHON
DIT L'ABBÉ BOURDELOT
Pierre Michon, né â Sens le 2 février 1610, était fils d'un chirur-
gien et descendait, par sa mère, de Théodore de Bèze. Il vint étudier la
médecine à Paris, auprès de ses oncles maternels, Jean et Edme Bour-
delot, dont l'un était maître des requêtes de Marie de Médicis et l'autre
médecin de Louis XIII. Ceux-ci l'adoptèrent et lui donnèrent leur nom.
En 1637 il fut attaché en qualité de médecin à la personne du prince
Henri II de Condé, mais il ne fut reçu docteur qu'en 1642. Neuf ans
plus tard, en i65i, Saumaise le fit appeler à la cour de Suède : Bour-
delot donna ses soins à la reine Christine, qui le prit pour premier
médecin et lui fit obtenir l'abbaye de Massay. Ayant reçu du pape
Urbain VIII les dispenses nécessaires pour posséder des bénéfices et
s'étant engagé à exercer gratuitement la médecine, il ne fut plus connu
désormais que sous le nom d'abbé Bourdelot.
Bourdelot aimait les lettres et, dès 1645, dans l'hôtel de Condé, où
TOME 1. 1
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2 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES
il logeait, il tenait des réunions de savants et d'écrivains. Aussi, lors-
qu'il fut à la cour de Suède, entretint-il une correspondance active avec
ses anciens commensaux. De plus, il savait faire valoir auprès de sa
souveraine les œuvres et la personne des lettrés français. Ménage et
Côstar étaient parmi ceux-là. Ménage avait une réputation presque
universelle de savant et d'e'rudit, grâce à ses Origines de la langue
française. Pierre Costar passait pour un écrivain de haut mérite, et les
beaux-esprits de l'hôtel de Rambouillet le comparaient à Balzac et à
Voiture et vantaient ses moindres productions.
Cependant Christine avait abdiqué la couronne en 1654 et s'était
retirée à Rome. Là, prise d'ennui, elle profita de sa liberté pour venir
en France (i656). Bourdelot l'accompagna. Le séjour de la reine fut
court cette fois; Tannée suivante, elle revint, mais, sur l'invitation de
Mazarin, elle dut s'arrêter à Fontainebleau. Elle s'installa dans le châ-
teau, en attendant l'autorisation de se rendre à Paris. C'est pendant ce
séjour qu'elle fit tuer, le 10 novembre 1657, son grand écuyer, Monal-
deschi, qu'elle accusait de trahison. La nouvelle de ce meurtre fut mal
accueillie à la cour de France et l'invitation de venir à Paris fut dif-
férée (1).
Dix jours après ce tragique événement Bourdelot écrivit à Ménage
pour lui dire combien la reine Christine avait goûté son dernier ouvrage,
sans doute les Poemata, publiés en i656. Puis, parlant du meurtre de
Monaldeschi en termes singuliers, il demanda à Ménage son avis sur
cette sanglante exécution, ce qui montre combien Christine craignait
d'être désapprouvée. On sait que la disgrâce de la reine de Suède dura
peu; Christine obtint la permission de venir à Paris; elle arriva
le 24 février i658 et fut logée au Louvre, dans l'appartement du
cardinal Mazarin.
Monsieur,
Nostre voyage à Paris se diffère, mais je ne puis différer à
vous doner avis de la bonne réception que la Reine de Suède
a faitte à vôstre livre. Elle, qui n'a pas acoustumé d'admirer
beaucoup de choses, ne s'est peu tenir de dire qu'elle n'a
jamais veu persone avec une si grande variété de doctrine,' qui
(ij Cf. les Mémoires de Mademoiselle de Mootpensier et de Madame de Motteville.
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PIERRE MICHON, DIT l'à'BBÉ BOURDELOT 3
escrive de touttes matières exactement et délicattement. Elle a
receu la lettre et les œuvres de M. Costar. Elle leut la lettre
en présence de M. Gilbert et demoy. Il y a des endroits fort
délicats et très bien escris. M. de Gillebert(i), entre les mains
de qui elle fat mise, y doit avoir fait réponse, car il n'apartient
qu'à un autheur célèbre d'entreprendre de répondre à un au-
theur d'un mérite si sublime. Sa Majesté a souvent entre les
mains les livres de M. Costar, et, en vérilé, il a toutte l'élo-
quence et le tour galand de Balzac et de Voiture. Il a peut
estre plus de doctrine. C'est un jugement que je laisse aux
doctes, sur tout à vous, qui estes le maistre des doctes et le
dictateur des gens de lettres. Vous estes Tune des curiosités
qui attire la Reine à Paris, mais j'ay peur qu'un malheur
arivé d'une trahison punie ne nous retarde. Si tant estoit,
vous fériés bien un tour à Fontainebleau. Après que le Roy y
sera venu, il n'y aura rien à craindre, car Régis ad exemplum
totus componitur orbis. Je voudrois bien vous avoir entre-
tenu sur toutte l'avanture du Monaldeschi, sur ce qui s'en est
dit, mais sur tout sur ce que vous en dittes. Vous estes
omniscive jurisconsulte, historien, politique. Mandés moy
quelques nouvelles de Madame la Marquise d'Orvilers et
asseurés M r et M° la présidente Amelot (2) de mes obéis-
sances. C'est une persone toutte à vous qui vous en prie.
J'espère que l'affaire que vous scavés et où vous avés fait des
merveilles se terminera à Fontainebleau. Témoignés bien ma
gratitude à l'homme de la rue de l'Eperon et asseurés noz
amys de mes services. J'ay receu du préadamite de grands
baisemains pour M 1 " 8 Launay et Bouillaud (3) et pour vous. Je
croy qu'on l'aura à Paris, où il désire venir ardemment,
(1) Gabriel Gilbert, poète dramatique, né versjôio, mort vers 1680, était secrétaire des
commandements de Christine de Suède. H fit une Rodogvne, comme Corneille, et, avant
Racine, une Phèdre, sous ce titre bizarre : Hippolyte, ou le garçon insensible.
{*) Charles Amelot, seigneur de Gournay, président au Grand Conseil, né en i6ao, mort
en 1671.
(3) Probablement Ismael Boulliau, le célèbre astronome.
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4 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES
comme tout fideile chrestien doibt faire. Il baise aussi les
mains à M. Falmonet (?). Rendes luy tous ses bons offices,
comme aussi à M" de la Motte le Vayer père et fils (1), les
véritables images de la candeur. Adieu, c'est
A Fontainebleau, ce 20 novembre 1667.
A Monsieur, Monsieur l'abé Ménage, demeurant au cloistre
nostre Dame près du puis, à Paris.
Bourdelot quitta le service de Christine et revint à Paris, où il recom-
mença ses réunions littéraires. Il mourut dans cette ville le 9 fé-
vrier i6S5, à l'âge de soixante-quinze ans.
(1) François de lt Mothe- Le- Vayer, écrivain et philosophe, membre de P Académie fran-
çaise, né en i588, mort en 1673. — Il n'eut qu'un fils, l'abbé Le Vayer, auteur d'une
traduction de Ftaus, mort en 1664. C'est à cet abbé que Boileau dédia sa IV* satire.
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MICHEL DE. CHAMILLART
Michel de Chamillart, contrôleur général des finances en 1699 et
ministre de la guerre en 1701, avait recueilli tout à la fois l'héritage
de Colbert et de Louvois. Il n'avait ni les talents ni l'intelligence néces-
saires à ces importantes fonctions, mais son honnêteté, sa modestie et
son esprit borné (1) lui valurent et lui conservèrent la faveur du Roi, qui
se complaisait à diriger et à instruire son ministre (2). C'est sous l'admi-
nistration de Chamillart qu'éclata cette guerre de la succession d'Es-
pagne, qui amena la coalition de toute l'Europe contre Louis XIV.
Jamais, depuis Charles VII, la France n'avait été si en péril. Menacée
de démembrement, dévastée par la guerre et par la famine, elle sem-
blait bien près de sa ruine. Le vieux roi n'en conserva pas moins une
fermeté et une grandeur dignes d'admiration. Actif et vigoureux, mal-
gré son grand âge, c'était au retour de parties de chasse qu'il s'enfermait
dans son cabinet avec Chamillart et qu'il dressait des plans de cam-
pagne et expédiait des ordres à ses généraux. En 1 708 il résolut de
mettre son petit-fils le duc de Bourgogne à la tête de l'armée de Flandre.
Ce prince partit le 14 mai, passa par Cambrai, où, malgré la défense
du Roi, il causa longuement avec son ancien précepteur Fénelon, et
rejoignit à Valenciennes le duc de Vendôme (3). Le début de la cam-
pagne fut heureux. Gand fut enlevé par surprise (4 juillet) et Bruges
occupé peu après, mais le 1 1 juillet l'armée essuya, à Audenarde, un
grave échec, et elle battit en retraite dans le plus grand désordre. Les
conséquences de ce revers furent désastreuses. L'Artois et la Flandre
furent envahis. Le duc de Marlborough et le prince Eugène investirent,
le 1 1 août, Lille, que le maréchal de Boufflers était venu défendre.
Pendant ce temps le duc de Vendôme et le duc de Bourgogne restaient
inactifs à Lawendeghen, derrière le canal de Bruges. Louis XIV, que
le siège de Lille préoccupait fort, donna l'ordre au duc de Vendôme de
(1) Louis XIV ne s'abusait pas sur les talents de son ministre. Il dit on jour au maré-
chal de Berwick : « Chamillart croit en savoir beaucoup plus qu'aucun général ; mais il
n'y entend rien do tout • [Mémoires de Berwick, coll. Micbaod, t. XXXII, p, 394).
(s) Mémoires de Saint-Simon, éd©« Régnier, t. II, p. a3o.
(3) Mémoires de Saint-Simon, t. VI, p. aS.
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6 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES
marcher an secours de cette ville! Celui-ci se décida enfin à se rappro-
cher du maréchal de Berwick. Les deux armées opérèrent leur jonc-
tion le 3o août, mais Berwick, qui croyait de sa dignité de ne pas
servir sous les ordres du duc de Vendôme, refusa désormais tout com-
mandement et se borna à rester auprès du duc de Bourgogne (i).
Malgré ces dissensions, on marcha vers Tournay, où on passa l'Escaut
le 2 septembre, pour arriver deux jours après à Mons-en-Puelle.
Cependant, à la cour, l'anxiété était extrême. On s'attendait à une
bataille décisive contre Marlborough, chargé de protéger l'armée qui
assiégeait Lille. On savait que les ennemis, qui ne pouvaient tirer leurs
approvisionnements que de Bruxelles et d'Ostende, seraient en grand
péril si on réussissait à intercepter leurs convois, et on ne doutait pas que
le duc de Vendôme ne manœuvrât en conséquence. Le Roi avait prescrit
aux évêques de faire des prières publiques ; la duchesse de Bourgogne
passait ses nuits à la chapelle et les femmes qui avaient leurs maris à
l'armée ne bougeaient plus des églises. Madame de Maintenon avait
consulté le maréchal de Villars sur les moyens de sauver Lille, et celui-ci
avait conseillé, par sa lettre du 23 août, soit de s'emparer d'Audenarde,
pour couper la retraite à l'ennemi, soit de livrer une bataille, rappelant
la grande maxime de Turenne « qu'il faut combattre pour sauver les
places importantes, parce que si vous ne combattez pas pour les pre-
mières, il faut, malgré que Ton en ait, combattre pour les secondes (2). »
Louis XIV expédiait de nombreux courriers pour hâter le moment de
la bataille. Il envoya même Chamillart juger en personne de la situa-
tion. Le ministre quitta secrètement Versailles le vendredi 7 septembre
à huit heures et demie du soir, et arriva à Mons-en-Puelle le lendemain
soir à six heures (3). Aussitôt il assembla un conseil de guerre et récon-
cilia Berwick avec Vendôme, et ce dernier avec le duc de Bourgogne.
Le 9, il alla reconnaître, avec les généraux, les retranchements des
ennemis ; mais, après une marche inutile et une canonnade plus violente
qu'efficace, il fallut renoncer à rien entreprendre de ce côté contre
Marlborough. L'armée française battit donc en retraite et vint camper
le 17 près de Tournay. Ce même jour Chamillart repartit et il arriva
le lendemain 18 à Versailles, pendant le souper du Roi. Celui-ci tra-
vailla avec son ministre jusqu'à son coucher. De nouveaux plans furent
conçus, d'après les renseignements apportés. On conclut à la nécessité
(1) Cf. Mémoires de Berwick et de Saint-Simon.
(3) Mémoires de Villars, coll»» Michaud, t. XXXIII, p. 172.
(3) Mémoires de Saint-Simon, t. VI, p. 1 38 ; — Mémoires de Berwick, p. 399.
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MICHEL DE CHAMILLART 7
d'intercepter les convois destinés à ravitailler les assiégeants. Chamil-
lart transmit, le 25 septembre, au duc de Vendôme les instructions
royales à ce sujet. Voici le texte de cette importante dépêche (1) :
A Versailles, ce 25 septembre 1708.
J'ai rendu compte au Roy, Monseigneur, de ce que vous
aviés pensé pour vous raprocher de Lisle par la plaine en
profitent de Pesloignement de l'armée du duc de Malborouck,
envoient deux ou trois mil hommes pour raser une partie de
leurs lignes et faisent marcher diligament l'armée que com-
mande M* le duc de Bourgogne. Sa Majesté est persuadée
que le succès de ce projet estant incertain et laissent aux enne-
mis les moiens de tirer leurs convois, dont il semble qu'ils
ont un besoin très pressent, rien n'est plus capital que de
suivre le projet que vous avés fait de leurs couper toute com-
munication avec Ostende et Bruxelles. Je croi cette dernière
place trop esloignée d'eux pour leur fournir les secours dont
ils ont besoin. Pour le costé d'Ostende, j'advoiie qu'il me
fait trembler. Je voudrés bien sçavoir par M r ,le comte de la
Motte lui mesme qu'il ne craint plus rien et que les trouppes
qui sont à ses ordres, jointes à la difficulté formée par les
inondations, oste aux ennemis touts les moiens de commu-
nication que j'apréhende avec tant de raison, car la prise de
Lisle en dépend, ou la levée du siège.
Si vous pouvés, Monseigneur, donner quelque secours à
M r le maréchal de Boufflers, il en fera un bon usage. Je doute,
par ce que vous avés vu vous-mesme sur les propositions que
je lui avois faittes, que vous puissiés faire entrer ceux que
vous enverrés. Vous devés du moins bien faire reconnoistre
les passages par lesquels vous croirés pouvoir faire pénétrer
les trouppes que vous lui destinerés. Je souhaite autant que
je l'espère que M« r le duc de Bourgogne n'aura pas moins
d'esgard à tout ce que vous lui proposerés pour le bien du
(t) Cette lettre fait partie d'une collection qui sera vendue prochainement.
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8 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES
service que M r le Mareschal de Barwick aura de defférence
pour vos sentiments. Je lui escris dans des termes qui lui en
font connoistre l'utilité. Il me paroist qu'il en est persuadé.
Si la blessure du Prince Eugenne est considérable (i) et
qu'il n'arive point de convois d'Ostende ni de Bruxelles, vous
verres le siège languir pendant quelques jours et se lever
ensuitte. De sçavoir ce que deviendra Tannée ennemie, c'est
dont on ne peut vous répondre. Je ne sçaurés croire que lors-
qu'ils voudront se retirer chés eux, ils ne trouvent pas moien
de passer. Ils n'ont besoin que de ponts et je croi qu'ils en
ont à la suitte de leur armée. Peut estre sera-t-elle en bien
mauvais estât après avoir mangé nostre pais. A cela près
qu'ils en fussent dehors et Lisle deslivré, vous auriés bon
marché de Menin et de Courteray, s'ils prenoient ce parti là,
peut-estre mesme d'Oudenarde, car il y a toute apparence
qu'il y reste fort peu de munitions. Tout dépend de la com-
munication avec Ostende, dont vous me permettrés de vous
dire que vous devés faire esgallement vostre objet principal,
comme de Bruxelles.
M r le mareschal de Tessé verra de près les mouvements
d'Italie (2). Je croi que les Vénitiens demeureront neutres
jusques à la paix. Je lui ferai part de ce que vous pensés sur
les offres que l'on pourroit leurs faire.
Je suis, Monseigneur, avec un très profond respect,
Vostre très humble et très obéissant serviteur
/rU^/u^
(1) Je n'ai pas trouvé, dans les Mémoires, la mention de cette blessure du prince
Eugène. C'était, sans doute, un faux bruit. L'illustre capitaine fut blessé, l'année suivante,
à Malplaquet.
(2) Le maréchal de Tessé avait été nommé plénipotentiaire du Roi à Rome et pour toute
l'Italie, et il était parti pour sa mission le i» septembre. (Cf. Mémoires de Saint-Simon,
t. VI, p. n5etu6.)
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MICHEL DE CHAMILLART 9
Depuis ma lettre escritte, Monseigneur, le Roy m'a ordonné
de vous dire que si les ennemis ne tirent aucuns convois
d'Ostende ni de Bruxelles, ils se trouveront dans une néces-
sité absolue de se retirer et qu'ils ne peuvent passer Y Escaut
ni le canal de Bruges sans s'exposer à une perte entière de
leur armée. Mais sa Majesté se persuade qu'ils pourroient,
en prennent une prompte résolution, vou6 gagner de quelques
marches, s'ils se déterminoient à marcher du costé de Cam-
bray. Vous auriés bien plus de chemin à faire qu'eux pour
leurs barrer l'entre Sambre et Meuse. C'est une vetie qui peut
estre esloignée et qui peut se raprocher, dont vous ferés
usage, si le cas y eschet. Je m'acquitte de l'ordre que j'ai
receu.
Cette dernière phrase semble indiquer que Chamillart n'approuvait
pas les ordres du Roi. Quoi qu'il en fût, les instructions données au duc
de Vendôme demeurèrent sans effet (1). Le comte de la Mothe, dont
Chamillart attendait si impatiemment des nouvelles, attaqua avec des
forces considérables, le 28 septembre, à Winindall, un convoi venant
d'Ostende, mais l'expédition fut si mal conduite, que les Français furent
repousses et que le convoi vint ravitailler larméede Marlborough (a).
Aussi, malgré une défense héroïque, le maréchal de Boufflers dut capl*
tuler dans Lille le 22 octobre tyoB. Le mois suivant, la retraite de
l'armée du duc de Vendôme termina cette désastreuse campagne, qui
ne fut que le prélude des terribles revers que la France essuya pendant
les années suivantes et dont elle ne se releva que par U victoire de
Denain.
0) Vuici le jugement ponc sur le duc de Vendôme par les Mèmoiret du duc de Nomtl-
iet, toit. Michaud. t. XXXIV, p 106 ;
* Vendôme joignait à ses talens militaire* et à son courage héroïque d*t déliuti tr*t
dungtrcuji, la négligence et la mollesse hors de radian, et une »cgmïv« confiance qui
emptfchwt de prévoir les dangers, de prendra tonte» Le» mesure* convenable*. •
U] Mémoires de Saint-Simon, t. VI, p. 55?. — Mémoires Je Berwick, p« 400,
TOME L
,VjO
gle
FRÉDÉRIC III
ROI DE NAPLES
Vers la fin de l'année 1493 Charles VIT! se prépara à conquérir le
royaume de Naples, dont il revendiquait la souveraineté. Le vieux roi
de ce pays, Ferdinand I w , déploya une grande activité pour résister à
cette invasion, mais il ne put supporter tant de fatigues et de préoccupa-
tions, et il succomba le 25 janvier 1494, laissant la couronne à son fils
aîné, Alphonse II. Celui-ci, désespérant sans doute de pouvoir résister
aux Français, abdiqua le pouvoir en faveur de son fils Ferdinand II,
le 23 janvier 1495, et se retira en Sicile, où il mourut le 19 novembre
suivant, au moment d'embrasser la vie monastique. Pendant ce temps
Ferdinand II défendait bravement ses États, mais, abandonné par ses
sujets, il quitta Naples, où Charles VIII entra triomphalement le 22 fé-
vrier 1495. Mais, lorsque ce dernier repartit pour la France, Ferdi-
nand II, revenu d'Ischia, où H s'était réfugié, parvint à rentrer dans
Naples le 7 juillet 1495. Il mourut le 7 septembre de Tannée suivante.
Il ne laissait pas d'enfants, et son oncle Frédéric III (1) recueillit cette
succession, peu enviable, d'ailleurs. Pendant les cinq ans que ce prince
passa sur le trône, il n*eut que misères et déceptions. Menacé par les
Français, il sollicita le secours de son parent Ferdinand le Catholique,
mais ce souverain, tout en envoyant des troupes commandées par Gon-
xalve de Cordoue, conclut avec Louis XII un traité secret par lequel
ces deux monarques se partageaient le royaume de Naples. Au moment
(1) Frédéric III était le «•oond i]« de Ferdinand I** et le frère d'AlphûOK IL
FREDERIC III, ROI DE NAPLBS I I
décisif le traité fut divulgué et Frédéric III, obligé de se défendre à la
fois contre ses alliés et contre ses ennemis, dut céder à la force. Juste-
ment indigné de la trahison des Espagnols, il se soumit, en août i5oi,
à Louis XII, qui lui donna un sauf-conduit pour se rendre en France.
Là, Frédéric III reçut un accueil courtois de son vainqueur, qui lui
assura cinquante mille livres de rente sur le duché d'Anjou, à condition
de ne pas quitter )a France (i). Le roi déchu résida, dès lors, au Plessis-
lez-Tours. C'est de ce château qu'il écrivit à Anne de Bretagne la lettre
suivante, qui témoigne des égards qu'on avait pour Frédéric III (2) :
Madame, je me recommande tant et si humblement que
faire puis à vostre bonne grâce.
Madame, j'ay sceu plusieurs foiz par mon chambellan et
mesmes par mon secrétaire, présent porteur, le bon vouloir
que avez à moy et le bon et gracieux recueil et responce que
leur faites quant ilz vont devers vous pour mes affaires, dont
très humblement . et de tout mon cueur vous mercie. Car,
Madame, je vous asseure que vous estes tout le confort et
espérance de moy, de ma femme (3) et de mes enfans (4), qui
très humblement se recommandent à vostre bonne grâce.
Madame, ma maladie de goûte m'est, Dieu mercy et vous,
bien alégée, et treuve vostre maison tant belle et plaisant que
merveilles. Touteffoiz ma femme s'est trouvée depuis sept ou
huit jours encza chargée de maladie de rains et de reyme,
mais, Dieu mercy, il luy est fort amendé, et font mes enfans
bonne chière.
(1) On trouve dans le Loyal serviteur (coll. Mi chaud, t. IV, p. 5ia) ce passage sur
l'arrivée du roi de Naples en France : « Il fut reçeu très bien du Roy; et luy fut baillé la
duché d'Anjou et d'autres terres, suyvant la composition faictc, et dont il a jouy jusques
à sa mort. Depuis, sa femme ne rat pas trop bien traictéc, dont il me semble que ce fut mal
fait, et pour une femme de roy a esté depuis ▼eue en grande nécessité. •
(2) L'original de cette pièce est actuellement en ma possession.
j (3) Isabelle, dite Eléonore, fille de Pierre de Baux, duc d'Andria, seconde femme de
< Frédéric IU.
(4) Les enfants de Frédéric m étaient : Ferdinand, duc de Calabre ; Alphonse, dit l'in-
ant d'Aragon ; César et deux filles. Les quatre derniers seuls devaient être avec leur
père, car le duc de Calabre était prisonnier en Espagne. (Cf. Art de vérifier les dates.)
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Il REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES
Vous suppliant* Madame* qu'il tous plaise nous avoir
toujours en vostre bonne recordation et souvenance, et me
mander de vostre bonne prospérité et santé.
Madame, je prie au benoist filz de Dieu vous donner très
bonne vie et longue. Escript au Plessi le pénultième jour de
juing.
^^è&jtf}i\jww£ frfrjfwiy
Bord ier.
A la Royne.
Frédéric III île survécut pas longtemps à sa défaite. Il mourut au Ples-
sis-lès-Tours, d'une fièvre quarte, le 9 novembre 1 504, Il n'avait que
cinquante-deux ans (1). Il fut inhumé dans le couvent des Minimes
et ce fut Saint François de Paule qui reçut le corps. Aucun des enfants
du second lit ne laissa de postérité, mais une fille, Charlotte, que Fré-
déric III avait eue de sa première femme, Anne de Savoie, fut mariée,
en 1 5oo, à Gui XVI de Laval et lui laissa un fils et deux filles. Une
"d'elles, Anne, épousa, en 1 5i 1 , François de La Tremoille, prince de
Talmont, et c'est par cette illustre maison que s'est perpétuée la des-
cendance des rois de Naples de la maison d'Aragon.
(1) On lit dans le Loyal terpiteur, p. 55a : « On dit an mourut dorop Fédérie d'Arre-
goa, an Plessis-1e*-Tours, jadis roy de Naples, qui fut le dernier delà lignée de Pierre
d'Arragon, lequel sans raison ny moyen usurpa le dit royaulme de Naples. »
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MADEMOISELLE CLAIRON
Claire-Josèphe-Hippoly te Legris de Latude, née à Saint- Wanon de
Condé (Flandre), en 1723, embrassa , dès sa jeunesse, la carrière
théâtrale, où elle s'illustra sous lé nom de mademoiselle Clairon. Dès
Tâge de douze ans, en 1 736, elle monta sur les planches, et Tannée
suivante elle fut engagée au théâtre de Rouen, d'où elle alla à Lille, à
Gand et à Dunkerque. Ce qu'elle fit pendant ces années de Jeunesse, il
ne faut en demander le secret ni aux violentes exagérations du pamphlet
qu'un amant éconduit publia contre elle (1), ni aux vertueuses protes-
tations des Mémoires que Clairon rédigea dans son âge mûr (2). Suivant
l'auteur de l'Histoire de Fretillon, la jeune comédienne se livra à
toutes les débauches, avec l'approbation de sa mère ; selon les Mémoires,
elle ne prit un amant que tard et seulement pour échapper à un ma-
riage qu'on voulait la forcer de contracter avec un malotru. Seule, la
correspondance de Clairon pourrait soulever le voile et nous foire
connaître la vérité. Mais que sont devenues ces feuilles où la future
tragédienne épanchait les secrets d'un cœur trop ardent? La plupart
ont été détruites, mais non pas toutes. J'ai eu l'heureuse fortune de
retrouver quatre de ces lettres d'amour. Les trois premières, d'un style
ardent mais d'une écriture malhabile et d'une orthographe fantaisiste,
ont été adressées au baron de Besenval, capitaine dans le régiment des
gardes-suisses. Elles furent scellées d'un cachet représentant deux tour-
terelles, avec cette devise caractéristique : Virons unis»
Clairon, âgée de dix-huit à vingt ans au plus, avait, on le voit, payé
(1) Histoire de mademoiselle Cronel dite fretillon, actrice de la Comédie de Rouen
écrite par elle-même; La Haye, 1740, in-ia en 3 parties. — Ce pamphlet est orné d'un
portrait de fantaisie an-dessous duquel on lit ces quatre rers ;
SUnpUciter tibl me, quodcumqne est, dicere oportet;
Nature est quonism, semper aperta mihi.
Quisquis habet nummos securâ naviget aurft :
Quod peto si dederit, qnod petit accipiet
(s) Mémoires SHyppolite Clairon et réflexions sur tart dramatique publiés par elle-
même; Paris, Buisson, an VII, in-8.
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r
14 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES
son tribut à l'uniforme. Ce n'est pas impunément qu'on obtient des suc-
cès dramatiques dans une ville de garnison. Son amant, d'ailleurs,
était jeune et brave; dès l'âge de neuf ans, il était entré dans le régi-
ment des gardes-suisses, dont son père était colonel, et i treize ans il
avait fait la campagne de 1735. D'un caractère violent (1), il était jaloux,
et sa liaison avec Clairon ne fut sans doute pas sans orages. Ses amours
ne l'empêchèrent pas de poursuivre brillamment sa carrière militaire;
il devint général et joua un rôle dans les premiers événements de la
Révolution française.
A l'époque de ces folles amours, mademoiselle Clairon n'avait pas
encore débuté à la Comédie-Française. Ses lettres sont donc antérieures
à 1743, date de ses débuts. La première, écrite le 25 novembre à Be-
senval, est des plus curieuses. La dernière phrase surtout est caracté-
ristique et justifierait peut-être l'épigramme de Saint-Foix contre
Clairon (2) :
Pour la fameuse Frétillon
On a frappé, dit-on, un médaillon ;
Mais, à quelque prix qu'on le donne,
Fût-ce pour douze sous, fût-ce même pour un,
Il ne sera jamais aussi commun
Que le fut jadis sa personne.
Ce ving cinq novembre.
Tu ne dois pas estre étoné si je cherche à te prouver à quel
point tu m'es cher, et tu me le deviend de plus en plus. Je
suis au désespoir que tu n'ais pas voulu me permetre d'aler
te voir à Lisle. Quel que plaisir que Ton s'éforce de me faire
goûter, je sens bien qu'il me menque quel que chose. Je suis
persécuté, mais je te promest que c'est très inutilement. Aucun
de ceux que je vois ne merevien. Il et très certain que tu m'as
gattélegout. Je suis très lié avec M r de Gustine, et cependent
je le trouve plus mausade de jour en jour. Je conte aller à
Paris dans peux. J'en resens un plaisir extrême puis que je
suis sure de rt voir. Si tu veux en cor le redoubler, mende
(1) Cf. lt notice d'Alex.-Jos. de Ségor placée en tête des Mémoires du baron de Besen-
val, publiés chez Boisson en i8o5, 3 roi. in-8.
(s) Correspondance de Grimm, lettre du i5 février 1765.
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/
^.
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f. •
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MADEMOISELLE CLAIRON l5
moi que ton impasience est egalle à la mienne. Mais je crains
de te demender plus que tu ne peut promette, mais n'inporte.
Le moindre désir de ta part fais plus pour moi que tous le
reste du monde. Je suis au désespoir que tu ne te porte pas
mieux. Ménages toi. Je te le demende en grâce. Pour moi
cela va assé bien.
Adieu, cher amis. Donne moi souvent de tes nouvelles.
Elles me fond un plaisir que je ne puis t'exprimer. Je ne sais
pas comme cela ce fait : j'ais plus de plaisir maintenent à
oestre fidelle, sans même que tu le désire, que je n'en avoîs
autre fois à faire une infidélité.
Clairon.
A Monsieur, Monsieur le baron de Besenvald, cap* dans le
rég* des gardes suisse, à Lisle.
La seconde mentionne une rupture avec un de ses amants et donne
un rendez-vous à Besenval (i).
Cher amis, je conte avoir le plaisir de te voir vendredi.
J'ais ronpu avec Monsieur de Fierville. Je t'en dire les raisons
lors que je te veray. J'irés finir mon année à Dunkerque, où
je pourés peuestre avoir le plaisir de te voir. Je te pris de me
garder le segret. Je n'ais pas le tens de t'en écrire davantage.
Adieu jusqu'à vendredi. Je te conjure de m'aimer toujour.
Clairon.
A Monsieur, Monsieur le baron de Besenvald, cap 1 dans
le rég* des gardes suisse, à Douay.
La troisième, dont je ne connais malheureusement qu'un fragment,
semble témoigner d'une certaine froideur dans leurs relations, au moins
de la part du jeune capitaine.
Cher amis, tu m'a rendu la vie par la letre que tu m'as
écrite. Je n'espérois plus recevoir de tes nouvelles ; tu dois
(i) Ces deux lettret ont été vendues en 1878. Elles font maintenant ptrtie de la belle
collection de M. Alfred Morrison, de Londres.
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l6 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES
l'avoir vu par ma dernière. Je conte t'aler remercier dans
peu de ne m'avoir donné que la peur de ton changement. Au
nom de Dieu ne me mest plus à de pareilles épreuves ; je
t'aime trop pour n'en pas estre alarmé...* Je te charge de
bien des choses, mais quelque obligation que je te puise
avoir, nous ceron toujour en reste, car ton amour est bien
inférieur au mien (i)
\
La quatrième lettre est, je crois, postérieure aux premières (2). Elle
est adressée à un autre de ses amants, le comte de Pontvelle, à qui elle
avait fait une infidélité. Ce comte de Pontvelle ne serait-il pas Antoine
de Ferriol, comte de Pont de Veyle, qui fut plus tard l'ami de ma-
dame Du Deffand?
De Fontainnebleaux, ce 27 septembre.
J'ai étai obligé de partir dimanche parce que j'ai joué hier
mardy dans la petitte pièce. Je suis bien fâchés de n'avoir pas
pu vous voir. La conversation que nous avons eu ensemble
m'a soulagé. Je suis plus tranquil à présans et je sans que je
suis bien loin d'estre ce que l'on vouloit que je fuse. Je suis
partie sans voir l'homme que vous scavez et je croit que je ne
le vairai pas davantage à mon retour. Je vois bien que mon
heur n'est pas encor arivée, puis que l'idée de tout abandon
m'a causé tant de penne. Ce que j'ai soufert ne ce quonsoit
pas. J'ai eu le cœur déchiré. La penne que j'ai du vous Caire
a étai mon plus grand chagrin. Vos sentiments pour moi
doivent estre efacé. Je le sans, mais au moins je mérite votre
amitiée. Ne me la refusé pas. Dans tous cesy je suis plus
malheureuse que coupable. Donné moi des nouvelle de votre
(1) Cette lettre, qui trait trois pages fo-40, t fait partie de la cottection Dolomieu et
elle a été vendue en 1843. Je publie ce fragment d'après le catalogue. (Cf. V Amateur
d'autographes, «• 57, p. 137.)
(3) L'original de cette lettre est entre met mains.
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MADEMOISELLE CLAIRON 17
santé et soyé seur que malgré tous ce qui c'est pacé, elle m'a
toujours étai bien chère.
Monsieur, Monsieur le comte dé Pontvelle, dans le fau-
bourg Saint-Honoré, à Paris.
A la suite de ces piquantes épîtres de la jeunesse de Clairon, j'en
publie une autre qui date de la période où la grande tragédienne était
au comble delà gloire. Elle est adressée au comte André de Schouvalof,
qui fut si longtemps le Mécène des artistes et des littérateurs. L'impé-
ratrice de Russie, Elisabeth, avait fait demander à mademoiselle Clairon
de venir à sa cour et de transmettre la même proposition à Lekain et
à Préville. Celle-ci, tout en remerciant la souveraine de ses avances,
explique qu'elle n'est pas maîtresse d'elle-même et qu'elle ne pourra
sans doute pas obtenir du roi la permission de se rendre à Saint-Péters-
bourg. En même temps elle refuse prudemment de se compromettre
avec ses supérieurs en transmettant à ses camarades les propositions de
l'impératrice.
Monsieur,
Si j'étois maîtresse de moi-même, Pétersbourg seroit bien-
tôt ma patrie. L'admiration de toute l'Europe pour votre
auguste souveraine, la tendresse vive et respectueuse que je
vois sans cesse pour elle dans le cœur de tous les Russes que j'ai
le bonheur de conoitre, ce que j'entens publier tous les jours de
son goût pour les arts et les talens, de sa justice, sa bienfai-
sence, son humanité, tout me fait croire que c'est sous ses
loix qu'il faut vivre pour être parfaittement heureux.
Quel seroit mon bonheur, si mes foibles talents pou voient
un jour l'intéresser, ou du moins la distraire. L'excès de
mon zèle me permet de l'espérer. C'est une gloire qu'il faut
que je vous doive, Monsieur, mais pour réussir, il faut pren-
dre une autre route que celle que vous me proposez.
Quoiqu'on vous aye mandé, je ne suis point libre ; et je
ne puis quitter le spectacle, ni ma patrie, sans la permission
du Roy. Il est vrai que, lassée de mon peu de fortune et des
dépences inmences que je suis forcée de faire, j'ai menacée de
tome 1. 3
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l8 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES
quitter tout à fait, si Ton ne mefaisoit pas un sort plus heureux.
Lorsqu'un suget important demende sa retraitte, il faut,
pour l'obtenir, qu'il promette de ne jamais jouer ailleurs, ou
que Ton refuse de soulager sa misère.
Je n'ai rien voulu prometre.
Mes plaintes ont été seues du Roy qui, en m'acordant une
somme d'argent, a daigné me faire dirtf par mes supérieurs,
que mes talents lui étoient agréables, qu'il ne vouïoit pas
m'accorder mon congé, et qu'à la paix il s'ocuperoit lui-même
de mon sort;
Cet espoir et de nouvelles marques de bontés me forcent à
prendre patience. Il n'est qu'un seul moyen de me servir.
Depuis deux ans, par des raisons trop affligeantes à rapeller,
le Roy n'est pas venu au spectacle, et celon toutes les apa-
rences ni viendra de lontems ; on ne le prive donc d'aucun
plaisir en me demendant ?
C'est à lui que j'apartiens inmédiattement, non au public.
Il lui ait donc possible de me prêter?
On a déjà fait des démarches infructueuses, me direz- vous?
Cela est tout simple : M r de Lhopital a écrit à M r de Bernis
que l'Impératrice aimoit le spectacle, et qu'il croyoit qu'on
feroit bien de me donner la permission d'aller en Russie. Cela
étoit beaucoup trop vague pour être accordé. Il faut, pour
obtenir mon congé, faire écrire ou parler à M™* de Pompa-
dour, et dire positivement que l'Impératrice me désire.
Cette voie seulle peut me faire avoir la liberté de m'absen-
ter un an. Si je l'obtiens, j'ose vous demender, Monsieur,
qu'il ne soit pas question de marché; je veux prouver que
l'amour de la gloire peut baucoup plus sur moi que l'intérêt
Si j'ai le bonheur de réussir, il ceras bien plus flateur pour
moi de tenir un bienfait des bontés de l'Impératrice, que de
ne devoir mon bien être, quelqu'il soit, qu'à un engagement.
Quand aux s™ Lekain et Préville, il m'est impossible de me
mêler d'eux, je me perdrois dans l'esprit de mes supérieurs.
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MADEMOISELLE CLAIRON 19
D'aillieurs, je n'ai point ouï dire qu'ils voulussent quitter ;
ils ne le pouroient pas plus que moi, et je suis sure que
d'en demander plusieurs empêcherait qu'on en acordat
aucun.
Je réclame l'amitié que vous avés bien voulu me témoigner,
Monsieur, pour obtenir la prefference sur tous mes cama-
rades; vous la devez, à l'attachement que je vous ay voué, et
à la retonnoissance éternelle que je vous promets.
Comme on le voit par le fac-similé ci-dessus et par celui d'une des
lettres au baron de Besenval, l'édriture de mademoiselle Clairon se
modifia sensiblement. Incorrecte et gauche d'abord, elle devint régu-
lière. Depuis, elle ne varia plus, et celle de la lettre au comte de Schou-
valof est la même que celle de la touchante supplique que Clairon,
vieille, pauvre et malade, adressa sous la République au ministre
Chaptal, pour obtenir un secours (1). La célèbre tragédienne, qui avait
longtemps joui de dix-huit mille livres de rente, se trouva, dans sa
vieillesse, presque réduite à la misère. Elle mourut à Paris le j8 jan-
vier i8o3, à l'âge de quatre-vingts ans.
(1) Cf. V Amateur d'autographes, n° 57, p. i38, n* 7 de l'article Clairon dans le
Manuel.
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EXÉCUTIONS DE BRIGANDS
EN VERMANDOIS (1479-1480).
Les deux quittances suivantes mentionnent la pendaison, par l'exé-
cuteur de la haute justice de Noyon, de cinq brigands et « aguecteurs
de chemins. » Ces brigands, qui faisaient partie de la garnison d'une
petite ville du Vermandois, Bohain(i), étaient au service du duc d'Au-
triche, Maximilien, époux de Marie de Bourgogne et adversaire de
Louis XI. Ils profitaient de la trêve qui existait entre les Français et
leurs ennemis pour détrousser les passants, et ils exerçaient cette lucra-
tive industrie entre Faillouel (2) et Saint-Quentin.
Par devant moy Charles Grelot, tabellion royal, demou-
rant à Chauny, fu présent en sa personne maistre Regnault
de Faverolles, exécuteur de la haulte justice, demourant à
Noion, et recongnut avoir eu et receu de ma très redoubtée
dame madame la duchesse d'Orléans (3), par les mains de
honnorable homme Jehan Laffrene, son receveur audit
Chauny, la somme de soixante solz parisis pour son salaire
d'avoir exécuté à la justice dudit Chauny ung nommé Adin
Lengles, brigant et aguecteur de chemins, natif de Bran-
court (4), estant de la garnison de Boshaing, tenant le party du
duc d'Autriche, ennemy et adversaire du Roy nostre sire,
lequel avoit esté prins es bois de Faillouel. De laquelle somme
(1) Bohain est situé à 22 kilomètres de Saint-Quentin et fait actuellement partit du
département de l'Aisne.
(2) Village du département de l'Aisne, faisant actuellement partie de la commune de
Frières.
(3) Marie, femme du duc Charles, mère de Louis XII.
(4) 11 y a, dans le département de l'Aisne, deux villages de ce nom, l'un situé à 20 kilo-
mètres de Laon et l'autre à 18 kilomètres de Saint-Quentin.
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EXECUTIONS DE BRIGANDS EN VERMANDOIS 21
de soixante solz parisis il se tint pour contant et payé et en
quitta et quitte madicte dame, sondit receveur et tous autres.
Fait le quinziesme jour de décembre Tan mil CCCC soixante
dix neuf.
C. Grelot.
Par devant moy Jehan de Behencourt, tabellion royal,
demourant à Chauny, comparut maistre Regnault de Fave-
roles, exécuteur de la haulte justice, demourant à Noion, et
recongnut avoir eu et receu de ma très redoubtée dame madame
la duchesse d'Orléans, par les mains de honnorable homme
Jehan Laffrene, receveur dudit Chauny, la somme de douze
livres parisis pour son salaire d'avoir excécuté à la justice
dudit Chauny trois brigans et aguetteurs de chemins, l'un
nommé Jaquet des Gardins, natif d'Esmery (i), l'autre nommé
Estienne Grumelier, natif de Valenciennes, et l'autre nommé
Perrotin Porquier, natif de Eslemons lez Lisle en Flandres,
et aussi pour avoir décapité ung nommé Perrotin de Lon-
champs, natif de Proimont (2), estant en l'obéissance du Roy
nostre sire, estans tous de la garnison de Bohaing, tenans le
parti du duc d'Autrische, annemys et adversaires du Roy
nostredit sire, lesquelx avoient esté prins es bois de Faillouel
aguectans les chemins entre ledit Failloeul et Saint-Quentin.
De laquelle somme de douze livres parisis il se tint pour con-
tent et en quitta et quicte madicte dame, sondit receveur et
tous autres. Fait le dix septiesme jour de janvier de l'an mil
CCCC soixante dix neuf (3).
J. Behencourt.
(1) Probablement Esmery-Haillon, village du département de la Somme, situé i 26 kilo*
«êtres de Péronne.
(s) Probablement Prémont, village du département de l'Aisne, situé i 22 kilomètres de
Saint-Quentin.
(3) 1480, n. s.
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DÉPENSES DE LA DUCHESSE D'ORLÉANS
1751-1756
J'ai recueilli trois documents qui concernent des dépenses faites par
Louise-Henriette de Bourbon-Conti, duchesse d'Orléans, grand'mère
du roi Louis-Philippe (1). Ces pièces fournissent de curieux renseigne-
ments sur l'histoire intime du xvm* siècle. La première mentionne des
dépenses de diverse nature faites d'avril à novembre 1761 par la
duchesse, qui a revêtu ce mémoire de sa signature.
Mémoire des dépences que D'Herboisafaistpour Madame.
Du premier avrille 175 1. Randu à Lacroix. . . » 8
Du 2. Du papier vert » 12
Du 23. Une père de boucle de diaman 18 »
Du 2 may. Despeignes 12 »
Un • carosse de Paris à Bagniolest 6 »
Du 8. Une boete pour tourné les piez 2 »
Du 20. Des cordes pour aller à Lussienne. . . 2 8
Du 22. Randu à Boi vin pour les peauvres. . . 3 •»
Du 24. Randu à Boivin 3 "• qui a dépensé à la
montagne de Chanttecot 3 »
Du 25. Faist copiez un placet 1 4
Du 26. Des verre. . • : • » 2
Du 29. Un carosse 3 »
Des cordes de viollon 3 : »
(1) Elle avait épousé, le 16 décembre 1743, Louis-Philippe, duc d'Orléans, et elle mourut
le 9 février 1759.
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DÉPENSES DE LA DUCHESSE D'ORLÉANS 23
Juin.
Du 29. 2 pot de patte à la vanille et un paquet
deTibereuse 12 »
Un carosse 3 »
Au vielleur 3 »
Aoust.
Du 2. Au Tanbour 24 »
Du 3. Des fleurs » 12
Du papier » 12
Un fiacre 3 »
16 1/2 taffeta chiné à 9 "• 148 10
Septembre.
Du 12. Un grand ballon d'écaillé 6 »
Du 17. Donné au messie de Boullogneet Saint-
Cloud 12 »
Donné à un homme de Bagniolest pour des
pêches 6 »
Du 18. Au jardinié du curé de Bagniolet. ... 3 »
Octobre.
Randu à François pour avoirefaist racommodé
le métiez de Madame 1 16
Du 28. Un carosse 3 »
Du 29. Du papiez Tellier '3 »
' Du 3o. Une ponpe et une bouteille 1 10
De la grainne d'oisseaux » 12
Novembre.
Du 4. Trois livres de tabac, dont deux à cent
sols et une à quatre livres 14 »
Une carosse de Paris à Saint-Cloud, pour
aller chercher des cassette à Madame, les aportté
à Paris 7 4
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24 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES
A la couturière qui a faist les deux robes de
chambre de Mademoiselle Dechamps. La façon, la
doublure, les ruban et les découpures 3o
Totalle 337 11 - i3
><y*9\*
J'ay reçue de Madamme la duchesse d'Orléans par les mains
de Monsieur de Pallerme la somme de trois cent trante sept
livre quinze sols pour le montand du présent mémoire, A
Paris ce i er décembre 1751.
D'Herbois.
Le second mémoire comprend la fourniture d'une polonaise et d'un
fond de bonnet faite à la duchesse d'Orléans le 4 février 1756.
Fourni pour Son Altesse Sérénissime Madame la Duchesse
d'Orléans, par Alexandre, m 4 à Paris, rue de la Monnoye.
Du 4 février 1756.
Une polonnoise en blonde de chenille et agrément bleu et
blanc et garnie de glands, chamaréé en robe ouverte, sur une
robe de satin gros bleu brodé des Indes, les manches en en-
gagentes avec un second rang de milieu en une blonde, le
compère garni, les neux de manches et des pompons pour la
tête 120 n -
Un fond de bonet avec des barbes rondes en
blonde de chenille et agrément, le fichu pareil. . . 33
i53
Ce même mémoire a été signé par M dt la duchesse d'Or-
léans. On le représentera quand Monsieur Païenne voudra ;
il est entre les mains de M de de Blot.
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DÉPENSES DE LA DUCHESSE D'ORLEANS 25
La troisième pièce est un mémoire d'ouvrages de couture faits pour
la même duchesse. La mention d'une robe Pompadour témoigne de
l'influence que la toute-puissante marquise exerçait sur les modes de la
Cour.
Pour Son Altesse Sérénissime Madame la Duchesse d'Or-
léans.
Mémoire des débourcés et ouvrages de couture faites par
Bellier.
Pour une robe garnie de poil de cerf sauvage,
débourcé 3 aunes et demi de taffetas de 17 10
Avoir fait découper 21 peaux par bandes pour
garnir la dite robe 12 »
Façon de la dite robe i5 »
Avoir fourny la parure de la dite robe de. . . 12 »
Pour une robe dite de livret, débourcé 40
aunes d'agrément en chenille à 8 sols l'aune. . . 16 »
Débourcé pour 12 aunes de taffetas 60 »
Débourcé pour un ouatte 5 »
Façon de la dite robe i5 »
Livré à S. A. S. 18 aunes de moëre à 18 livres
l'aune 324
Avoir fait par ordre de S. A. une robe dite
Pompadour à M*" 6 Polignac.
Débourcé pour son jupon de taffetas blanc. . . 3o »
Débourcé pour découpure, parure et bouquet 1 2 »
Façon de la dite robe i5
Pour une parure de martre monté sur rubans. 9 »
Total du mémoire 542 lu 10
Le mémoire se monte à la somme de 542 1. 10s., valant
22 louis et 14 1. 14 s.
tome 1.
»
»
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PHILIPPE V
ROI D'ESPAGNE
Lettre adressée par Philippe V à la marquise de Maintenon. Le jeune
roi d'Espagne, voulant aller en Italie pour faire reconnaître sa souve-
raineté à Naples et combattre avec l'armée franco-espagnole que com-
mandait le duc de Vendôme, implora l'appui de la marquise auprès de
Louis XIV. On sait que l'autorisation suivit de près la demande.
Je vous prie, Madame, de confirmer le Roy mon grand-
père dans la résolution de m'accorder son consentement
pour passer en Italie. J'espère cela de l'amitié que vous
m'avez toujours témoignée et dont je vous demande cette
marque. L'envie que j'ay de faire ce voyage augmente tous
les jours et depuis qu'on Ta publié j'y trouve ma gloire inté-
ressée. Je me porte fort bien et je serai dans peu de jours en
état de sortir et d'agir à l'ordinaire.
Je vous prie, Madame, d'estre bien persuadée de l'estime
et de Pamitié que j'ay pour vous.
Philippe.
A Barcelone, ce 9 e janvier 1702.
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28 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES
Je soussigné, Ministre de l'Intérieur, donne pouvoir au
citoyen Hassenfratz, que je nomme mon commissaire à cet
effet, de procéder, soit séparément, soit concurremment avec
les autres Commissaires revêtus des mêmes pouvoirs et ainsi
que pourra le comporter l'avantage ou la célérité de cette
opération, aux inventaires de tous objets d'arts ou de sciences
provenant des dépôts des susdites Académies et Sociétés
supprimées ou de tous autres susceptibles de servir à l'Ins-
truction publique, de réquérir à cet effet en mon nom et
comme mes commissaires, à ce nommé, toutes oppositions
levées ou réoppositions de scellés nécessaires, de se faire
ouvrir tous dépôts, représenter tous registres, catalogues,
inventaires ou autres renseignements, en prendre toutes com-
munications, extraits ou notes, faire à cet égard tous rapports,
invitant à cet effet les autorités constituées à leur procurer
toutes facilités et secours, les citoyens dépositaires ou autres,
à leur donner tous renseignements, communication et assis-
tance, comme pour chose utile au service de la République.
Et en foi de tout ce que dessus j'ai fait opposer au présent
le sceau du Ministre de l'Intérieur,
Fait à Paris, ce 28 août 1793, Tan 2 e de la République
française, une et indivisible.
Le Ministre de l'Intérieur,
Paré.
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SEXTUS-ALEXANDRE-FRANÇOIS MIOLLIS
RESTES DU TASSE DANS LE COUVENT DE SAN ONOFRIO.
L'ACADÉMIE DES ARCADES.
La lettre suivante fut adressée, le 24 décembre 1810, par le général
Miollis (1), alors gouverneur de Rome, au comte de Montalivet,
ministre de l'intérieur. Elle contient la proposition d'installer dans le
couvent de San Onofrio, situé sur le mont Janicule, la célèbre Acadé-
mie des Arcades. Ce fut dans ce couvent que le Tasse mourut le
25 avril 1595, et depuis lors les restes de l'illustre poète y étaient con-
servés. Nul lieu ne convenait davantage à la société littéraire que le
poète Crescimbeni et le jurisconsulte Gravina avaient fondée à Rome
en 1690.
Ce n'était pas la première fois que le général Miollis montrait, pour
les gloires littéraires de l'Italie, une sollicitude éclairée. En 1797, étant
gouverneur de Mantoue, il avait fait élever dans cette ville un obé-
lisque en l'honneur de Virgile. En i8o5, il avait fait reconstruire ce
monument et transférer avec pompe les cendres de l'Arioste à l'uni-
versité de Ferrare.
Monseigneur,
J'ai l'honneur d'adresser à votre Excellence le rapport de
M. Degérando et adopté par la consulte concernant les restes
du Tasse conservés dans l'ancienne maison religieuse de
Saint Onofrio.
Cette maison offre un intérêt majeur par ces précieuse-
dépouilles, par des fresques très estimées, une position extrês
mement pitoresque, quoique sous les murs de Rome, des
(1) Sextus-Alexandre-François , comte Miollis, né à Abc en Provence le 18 sep*
tembre 1759, mort dans la même ville le 18 juin 1828.
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30 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES
bâtiments en bon état qui pouraient loger commodément
40 religieux, et des jardins qui fairaient renaitre les prome-
nades si célèbres des anciennes écoles grecques.
L'établissement qui me paraîtrait le plus convenable à cette
maison serait celui des Arcades, académie de poésie depuis
longtemp en possession d'être la métropole de toutes les
autres d'Italie, connues sous le nom de colonie d'Arcardi,
dont l'institution est de conserver et faire fleurir les grands
principes de la poésie par des séances publiques suivies ordi-
nairement d'un grand concours et où chaque Arcade lit d'obli-
gation quelque composition; c'est là où s'essaient et se trem-
pent les verves italiennes.
Le lieu de leur réunion est un composé de deux à trois
pièces de louage auquel se rattache un petit bois qui en est à
plus de deux mille, dégradé et n'ofrant que des ruines, faute
de moyens d'entretien, où se tiennent les séances dans la
belle saison. Depuis longtemps les gens de lettre soupirent
après un autre Parnasse qui se présente naturellement près
les lauriers qui ombragent le tombeau du Tasse.
Ces motifs m'engagent à demander la maison de San Ono-
frio pour l'Académie de' Arcadi.
Je prie votre Excellence d'agréer mon respect.
£^6i&e^^T , '<?'*/
Rome, 24 décembre 1810.
A S. E. Monseigneur le comte de Montalivet, ministre de
l'intérieur.
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LES THÉÂTRES SOUS LA RÉPUBLIQUE
Lettre adressée par les membres du Comité du salut public Barère,
Treilhard, Bréard, Billaud-Varenne et Eschassériaux, aux artistes
dramatiques. Elle a pour but de leur rappeler que sous la République
les théâtres doivent devenir les écoles primaires de l'homme fait.
Paris, le 26 thermidor Pan 2 eme de la République française
une et indivisible.
Les Représentants du Peuple, membres du Comité de
salut public, aux artistes Dramatiques.
Le Comité de salut public a mis en réquisition les artistes
de divers théâtres ; il a voulu entretenir parmi eux l'émula-
tion si nécessaire aux arts et particulièrement à Part drama-
tique en fixant provisoirement dans tel ou tel théâtre les
artistes, qui déjà s'y trouvaient attachés. U a voulu aussi
mettre un frein à la cupidité et prévenir cet accaparement de
talents dont Poisiveté salariée devient pour Pintrigue un
objet de spéculation.
Le moment est venu de rappeler les Théâtres à leur ins-
titution première. Le despotisme les avilit, la liberté les
adopte. Ils doivent la servir et justifier la nouvelle existence
qu'elle leur prépare. Le Comité de salut public s'en occupe
essentiellement, mais il croit devoir inviter tous les artistes à
rester provisoirement à leur poste jusqu'à ce que l'intérêt
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32 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES
public leur en assigne un nouveau. Il en résulterait autre-
ment une désorganisation, une anarchie dont Pintrigue pro-
fiterait, car peu lui importe Part en lui-même, pourvu que
le talent Penrichisse.
Les théâtres doivent devenir parmi nous les écoles primai-
res de Phomme fait. Cette idée doit enflammer le zèle des
artistes et doubler leur activité. Qu'une louable émulation
renaisse donc parmi eux ; que chaque théâtre aspire au pre-
mier rang. L'ambition de surpasser ses rivaux en talents
utiles est la seule qu'admettent les Républiques. Le Comité
de salut public dans la régénération prochaine des théâtres
s'empressera de distinguer ceux dont le zèle et les efforts
auront mérité les suffrages du Peuple.
Les Membres du Comité de salut public
$JLuSÏX
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PRIVILÈGES DES ARTILLEURS DE PARIS
EN 1442
Le document suivant constate les privilèges accordés aux artilleurs
de la ville de Paris et aux charpentiers et tailleurs de pierres à bom-
bardes de l'artillerie du Roi. Ces privilèges comprenaient l'exemption
de toutes tailles et de tous impôts.
Simon Charles, chevalier, conseiller du Roy nostre sire,
président en sa Chambre des comptes et commis de par ledit
seigneur au gouvernement et distribucion des finances dudit
seigneur dessus et deçà les rivières d'Yonne et Sainne, au
receveur des aides ordonnez pour la guerre, à Henry de
Dannes, receveur de l'aide ou taille naguerez mis sus et de
Paide présentement mis en la ville et élection de Paris, et à
tous autres receveurs d'aides tant ordinaires que extraordi-
naires et de tailles qui, pour le temps advenir, seront tant
en icelle ville et élection de Paris que ailleurs ou royaume de
France, salut. Veues par nous les lectres du Roy nostre
sire en forme de chartre faictes et données soubz son scel en
laz de soye et cire vert, ausquelles ces présentes sont atta-
chées soubz nostre signet, à nous présentées de la partie des
artilleurs de la bonne ville de Paris, de Olivier Marchant,
Guillaume Marchant, charpentiers, et de Jehan Du Chemin,
toMe 1. 5
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34 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES
tailleur de pierres à bombardes de l'artillerie du Roy nostre-
dit seigneur, faisant mencion de certains previlleges et
exempcions à eulx octroiez par ledit seigneur, au long dé-
clairez en icelles lectres, nous, en obtempérant à icelles, con-
sentons, en tant que à nous est, que doresenavant lesdits
artilleurs, charpentiers et tailleur de pierres à bombardes et
leurs successeurs ou dit mestier, joyssent des previlleges
contenuz et déclairez es dictes lectres et demourent quictes,
francz et exemps de guet, selon les registres de leur mestier,
et aussi de la taille précédent et de ceste dont vous, Henry
de Dannes, avez esté et estes receveur, et de toutes tailles,
aides, impostz, truages, passages et autres redevances quel-
conques, tant par eaus que par terre, mis et à mectre par
tout ledit royaume de France; consentons aussi que au
vidimus desdictes lectres royaulx et de ces présentes, faiz
soubz scel auctentique, foy soit adjoustée comme à l'origi-
nal, pour les causes, tout ainsi et par la forme et manière
que le Roy nostredit seigneur veult et mande par sesdictes
lectres. Par lequel rapportant les receveurs d'iceulx aides,
tailles, impostz, truages, passaiges et autres subvencions,
avec reconnoissance qu'ilz n'auront aucune chose paie à cause
d'iceulx aides, demourront quictes et deschargiez en leurs
comptes par tout où il appartendra. Donné soubz nostre dit
signet le xm 6 jour de juillet l'an mil quatre cens quarante
deux.
S. Charles.
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LOUIS-NICOLAS DE NEUFVILLE
DUC ET MARÉCHAL DE VILLEROY
Le 29 janvier 1722, l'infante d'Espagne, Marie-Anne-Victoire, qu'on
destinait pour épouse à Louis XV, son cousin germain, arriva à Paris.
Cette princesse était fille de Philippe V et allait atteindre sa quatrième
année. C'était dans le but de renouer et d'assurer l'alliance des cou-
ronnes de France et d'Espagne que le Régent avait conclu ce mariage,
dont l'extrême jeunesse de l'infante rendait la consommation si loin-
taine. Des fêtes lurent données à l'occasion de l'arrivée de la princesse.
Le maréchal de Villeroy, gouverneur du Roi, y assista, malgré ses
soixante-dix-huit ans et sa goutte, et sentit renaître en lui tous ses
souvenirs de jeunesse et de galanterie. Il écrivit ses impressions à un
vieux compagnon d'aventures, le prince de Vaudemont, retiré à Com-
mercy depuis la mort de Louis XIV. Ce prince de Vaudemont était le
fils naturel de Charles IV, duc de Lorraine, et de Béatrix de Casance,
veuve du comte de Cantecroix(i). Les termes dans lesquels Villeroy
parle de la cour de Louis XIV et rappelle au prince l'heureux temps
où ils couraient ensemble, la nuit, dans les rues de Paris, sont extrê-
mement curieux. Le vieux maréchal, qui se piquait d'être un parfait
modèle du gentilhomme et du courtisan, se peint merveilleusement
lui-même dans sa lettre, qui, à <jf titre au moins, méritait d'être
publiée.
A Paris, le 17 mars 1722.
Je reçois dans le moment, mon cher prince, vostre lettre
du i3. Que vous me rapellez de choses agréables en me par-
ti) Saint-Simon a parlé longuement du prince de Vaudemont dans ses Mémoires.
Cf. notamment le t. V de l'édition Régnier, p. 210 à 23 1.)
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36 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES
lant de la segnora Molina et 4e la Risse. Quelle différence
pour nous de ces temps-là à ceux-cy. Malgré la pompe et la
magnificence présente, le souvenir de ce que vous me rapel-
lez tient la première place dans mon cœur et dans mon
esprit. J'ay sans cesse devant les yeux le feu Roy, qui ani-
moit tout par sa présence et qui estoit supérieur par l'agré-
ment de sa personne à tout ce qui Penvironnoit. Dites-vous
tout ce que je pense et tout ce que je sens dans le moment
où je vous écris.
L'infante est charmante et aimable infiniment au dessus
de son âge. Les relations et les gazettes vous diront le reste.
De vostre vie vous n'avez rien veu de si beau, de si magni-
fique et d'un arrangement plus superbe que le bal royal
dans la grande salle des machines. Espargnez-moy la honte
de vous parler de mon habit qui n'estoit que de tiretaine (i)
en comparaison de l'or, de l'azur et des diamants qui brilloient
sur les habits des dames et des cavaliers. Vous n'avez jamais
rien vu de si beau. Cependant, quand nous courions les rues,
la nuit, dans Paris pour chercher des bals, ces bagatelles là
ne laissoient pas que d'avoir leur mérite. Que n'aurions-nous
point à nous dire si nous voulions rapeller nombre de nos
fredaines. Couturier doit me venir voir demain. Je feray ce
que je pourray, vous n'en doutez pas. Je n'ay plus l'honneur
de voir Mesdames vos nièces (2). L'éloignement du quartier
et peut estre quelques malheureuses dispositions me privent
du bonheur de les voir. Je ne leur en suis pas moins atta-
ché. Les deux jeunes princes Lorrains (3) sont arrivez. Ils
m'ont fait l'honneur l'un et l'autre de me venir voir. Dieu
(1) Sorte de droguet de drap grossier, moitié laine, moitié fil. (Cf. Dictionnaire de
Littré.)
(a) Le prince de Vaudemont avait eu une sœur, mariée, en 1660, à M. de Lislebonne,
père du duc d'Elbeuf. Madame de Lislebonne eut deux filles, Mademoiselle de Lislebonne
et la princesse d'Espinoy, qui se rendirent célèbres par leurs intrigues. (Cf. Mémoires de
Saint-Simon, t. V, p. 337.)
(3) François-Etienne et Charles-Alexandre, fils de Léopold I*, duc de Lorraine.
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LOUIS-NICOLAS DE NEUFVILLB 3j
veuille que le printemps vous donne assez de forces pour
venir chercher un soulagement à Paris, que vous ne trouverez
point ailleurs, car il n'y a pays dans le monde où Ton trouve
les secours que Ton a icy.
Gémeau va vous envoyer tous les fatras de nouvelles qui
me viennent de Lyon et d'Italie. Je vous embrasse, mon
cher prince, du meilleur de mon cœur.
M. de Vaudemont.
Quatre mois après, le maréchal de Villeroy, ayant voulu résister au
Régent, perdit ses fonctions de gouverneur du Roi et fut exilé dans
sa terre de Villeroy (i3 août 1722). Il survécut huit ans à sa dis-
grâce, et mourut, le 18 juillet 1730, dans cette ville de Paris, qu'il
aimait tant.
Son compagnon d'aventures, le prince de Vaudemont, Pavait pré-
cédé dans la tombe. Il était mort à Comme rcy en 1723, laissant son
immense fortune à la princesse d'Espinoy, sa nièce (1).
Quant à l'infante, qu'on avait tant fêtée à son arrivée, et qu'on avait
surnommée l'infante-reine, elle fut renvoyée, trois ans après, en
Espagne, sous le prétexte de sa trop grande jeunesse (5 avril 1725), La
duchesse de Bourbon et Madame de Prie, qui avaient mené cette
intrigue, cherchèrent aussitôt à remplacer l'infante. Après une dé-
marche vaine tentée par la duchesse auprès de Mademoiselle de Sens,
sa fille, Madame de Prie choisit pour femme à Louis XV la fille
unique d'un. roi détrôné, Marie Leczinska, qui vivait obscurément
avec son père à Wissembourg, sur les frontières de l'Alsace.
(1) Mémoires de Saint-Simon, t. XIX, p. 90.
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AIMERI IX, VICOMTE DE ROCHECHOUART
ET AIMERI IX, VICOMTE DE THOUARS
Acte par lequel Aimeri IX (1), vicomte de Rochechouart, et Jeanne
de Mauléon, sa femme, cèdent, au mois d'octobre 1254, la part d'héri-
tage qui revient à Jeanne dans la succession de Savari de Mauléon (2),
son frère, et de Raoul de Mauléon (3), son neveu, à Aimeri IX (4),
vicomte de Thouars, moyennant une redevance annuelle de 1 10 livres.
Cette pièce, dont l'original m'a été gracieusement communiqué par
M. Benjamin Fillon, a déjà été publiée en 1841 dans la Revue anglo-
française par M. de la Fontenelle de Vamtforé (5), mais le texte donné
par cet érudit contient plusieurs inexactitudes ou erreurs de lecture.
Je crois donc rendre service aux philologues en mettant sous lqprs
yeux le fac-similé de cet important document de langue romane.
A toz ceaus qui cestes présentes lettres verront et orrunt,
Aymeris, viscons de Rochechechaward, e Johana, sa femme,
salu en nostre Segnor Jhu Crist. Sachez que, cum nos de-
mande som portion e partie avenant en le héritage e la des-
cendue fau Savari de Mauléon, ayné a mai Johene, e Ro son
fil de Mauléon (6), dans quaus choses li nobles homes Aymeris,
viscons de Thoarz, est en Tommage e en la fai au cunte de
(1) Il succéda à Aimeri VIII en 1*4* et mourut ver» iago. (Cf. Dictionnaire de
Moreri.)
(7) Savari de Mauléon, connétable d'Angleterre, illustre guerrier et troubadour, né
vers 1170, mort à Londres en ia33. (Cf. Notice de M. de la Fontenelle de Vaudoré dans
la Repue anglo-française^ 2» série, t. II, 1841, p. 309 à 353.)
(3) Raoul de Mauléon, fils de Savari, mort sans enfants en ia53.
(4) Aimeri IX, vicomte de Thouars, de 1246 à ia56, fils d'Alix de Mauléon. (Cf. Notice
sur les vicomtes de Thouars, par M. Hugues Imbert; Niort, Qouzot, 1867, in-8, p. 70.)
(5) a» série, t. II, 1841, p. 349.
(6) Raoul de Mauléon était mort sans enfants en ia53.
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AIMERI IX, VICOMTE DE THOUARS 2>g
Peitirs (i), à la parfin ou lo conseil de prodes homes fut apazié
entre nos e dit viscons de Thoarz, en tau manere que H dit
viscons de Thoarz nos asit quatre vinz livres de rende du-
rable de rrîoneie usable eu pais por raison del héritage e la
descendue fau Savari de Mauleon, e trente livres de rende
que il nos done de grâce e de don. E nos asiet li dit viscons
de Thoarz o les dites quatre vinz livres à nos e à noz hers, qui
de mei Aymeric e Johana, ma femme, sunt issu ou istront
durant lo mariage antre nos; à prendre e avoir le devaunt
dites rendes chescun an après la mort Amable, femme fau
Savari de Mauleon, en minage de Niort, por tant cum li dit
minage (2) vaudreit o les apartenances. E si qui en dret de fail-
let daus quatre vinz livres de rende del héritage e trente livres
de rende de don de sus diz, cou qui endefraudret nos aurom
e prendrom en Pile de Ré^duche que à parfetement de la summe
devaunt dite. E si aucune maisons est apartenanz au dit
qtinage el est nostre sanz conter en rende. E est encore à sa-
voir que, en tandementres cum la dite Amable vivra, li dit
viscons nos est tenuz à nos e à noz hers desuis diz, o à nostre
certein comandement, rendre e bailler cinquante livres de
moneie usable ou pais ou taillées de Talamont (3), chescun an
à Nau (4), tant solement dau diz quatre vinz livres de rende
que nos avom par raison del héritage e de diz trente livres de
rende que nos avom de don, si cum ol est de suis diz, retor-
neront à dit visconte de Thoarz e à ses hers e à ses successors.
Eisi nos Aymeris e Johana devant dite, por nos e por noz
hers e por noz successors, clamon quite à dit visconte de
Thoarz e â ses hers e à ses successors tôt le héritage e la des-
cendue devant dite o (5) tote lor apartenances e o totes les
(1) Alphonse, comte de Poitiers, frère de saint Louis.
(2) Le minage était le droit perçu par le seigneur pour le mesurage des blés qui se
Tendaient dans sa seigneurie.
(3) Talmont. ■'
(4) Noél.
(5) Avec. (a. Dictionnaire de Littré.)
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40 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES
choses qui porreint e devroint escheer por raison de fau Savari
de Mauleon, for tant solement cou qui à nos porreit e devroit
escheer por dreit e à venir en aucun tens à noz hers par rai-
son de la partie de iceles qui sont serors à moi Johana de-
vant dite, si aucune de eles'o totes morreint 'sanz hers eu
tens qui est à venir. E ceste parz e cestes côvenances nos e
aus li diz viscons de Thoarz avom juré suis les seins Evangeles
à tenir e à garder leaument por nos e por noz hers e por noz
successors, sanz venir en contre. E est encore à savoir que li
diz visconte de Thoarz nos a quité icele partie que nos deus-
som mettre au plait e à rechat que. il a feit au cunte de Peitirs
dau devant dites choses. E si ol aveneit que rechat ou plaiz de
mortemain (i) fu fait au viage (2) de moi Aymeric dauvant
dit de choses devaunt dites ge ni sui tenuz à rien mettre, mes
après ma mort ma devant dite femme e ini heir e mi succes-
sor sunt tenu à mettre au plait e à rechàt de mortemain se-
gom nostre partie desuis nomée que nos avom de choses, e
segom cou qui nostre autre parçonir (3) mettront au plait e à
rechat por eaus por raison de lor partie segun le usage e la
costume dau pais. E por. cou que nos Aymeris e Johana dau-
vant dite e nostre heir e nostre successors ne poissom en
aucun tens venir en contre ceste choses nos en donom à dit
visconte de Thoarz e à ces hers e à ces successors cestes pré-
sentes lettres saalées de noz seus seaus en garantie de vérité.
Ceu fut fait en l'an del Incarnation nostre Seignor Jehu
Grist mil e dous cent e cinquante quatre en meis d'octoure.
(1) Droit qui se payait au suzerain à chaque mutation de seigneur ou de tenancier.
(3) Droit de retour ou viage. C'est en vertu de ce droit que les frères des vicomtes de
Thouars occupaient le trône vicomtal délaissé par leur frère, avant les enfants de celui-ci.
Ce droit fut aboli en 1514. (Cf. Notice sur les vicomtes de Thouars, par M. H. Imbert,
p. io5.)
(3) Parconnier, cohéritier. (Cf. Glossaire de Du Cange.)
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LE THÉÂTRE- ITALIEN EN 1784
Lattre dn lieutanaat dn police Lenotr aux comédiens du Tkéâtre»Ita-
lien pour leur enjoindre d'empêcher l'entrée de l'orchestre aux femmes
qui porteraient des coiffures dont la grandeur pourrait gêner la vue
des spectateurs. Le lieutenant de police signale aussi le commerce scan-
daleux qu'on fait des billets donnés aux artistes et demande aux comé-
diens de mettre fin à ces abus. Quoique quatre-vingt-quinze ans se
soient écoulés depuis cette défense, souvent renouvelée depuis, on sait
que le commerce des Juillets de spectacle n'a pas encore cessé.
À Paris, le 6 e janvier 1784.
Malgré l'avertissement porté dans le Journal de Paris,
au moment de l'ouverture du Théâtre Italien, Messieurs, et
même des deffenses qui ont été faites depuis, on voit jour-
nellement à l'orchestre des femmes dont les coeffures et cha-
peaux, chargés xk plumes, de rubans et de fleurs, et d'une
étendue considérable, interceptent la vue des spectateurs au
parterre et donnent lieu à des plaintes qu'il importe de faire
cesser promptement. Vous voudrés donc bien dorénavant
faire refusçr l'entrée de l'orchestre à toutes celles qui contre-
viendront aux deffenses qu'elles ne peuvent méconnaître et
dont plusieurs ont reçu nouvel avertissement il y a plus de
quinze jours. Pour éviter tout éclat, vous aurés soin de les
faire prévenir encore ; mais, dès à présent, bien informés que
la consigne a été donnée à la garde françoise, et que j'ai, de
mon côté, donné des ordres à l'officier de police, vous voudrés
bien y faire tenir la main et ordonner aux personnes char-
tome 1. 6
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42 ' REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES
gécs d'ouvrir les portes de n'y laisser entrer dans l'orchestre
que les femmes dont les coeffures ne gêneront aucunement
la vue des spectateurs, autrement qu'elles seront renvoyées,
à se placer de manière qu'elles ne puissent nuire au coup
d'œil du spectacle. Vous devés scavoir qu'à l'Opéra on ne
souffre dans l'amphithéâtre aucuns chapeaux ni grands bon-
nets, et qu'à la Comédie françoise il n'entre aucune femme
dans l'orchestre. Il faudra recourir à un pareil moyen si on
ne parvient pas autrement à faire cesser un abus dont le
public se plaint avec raison.
Je suis aussi instruit que, par suite des billets qui se distri-
buent aux acteurs et actrices, danseurs et danseuses, il s'en
[suit] un trafic par les mains de domestiques savoyards et
par l'entremise des garçons de caffés, à qui on les donne en
payement et qui les revendent. Ces manoeuvtôs sont hon-
teuses et sûrement désaprouvées. Peut-être, pour y mettre
ordre, serait-il nécessaire de faire cesser l'usage de donner
chaque jour des billets aux acteurs, actrices, etc. Mais, aupa-
ravant d'employer les moyens que je croirai nécessaires, je
désire que vous me proposiés très incessamment 1 ceux que
vous croirés plus capables de réprimer un pareil désordA.
Je suis, Messieurs, entièrement à vous.
MM. les Comédiens du Théâtre Italien.
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VOYAGE DU PRINCE DE DOMBES
EN HONGRIE
1717
Le traité de Radstadt (6 mars 17 14) et la prise de Barcelone par le
maréchal de Berwick (12 septembre 1714) avaient enfin terminé les
guerres soutenues depuis tant d'années par Louis XIV. Quand Louis XV
devint roi, la France jouissait d'une paix si longtemps désirée ; le traité
de la triple alliance conclu à La Haye, le 4 janvier 171 7, entre la
France, l'Angleterre et la Hollande, sembla écarter définitivement
toute chance de guerre. Plusieurs jeunes nobles qui n'avaient pu, à
cause de leur âge, prendre part aux précédentes campagnes, animés
d'une ardeur militaire et jaloux de donner des preuves de leur cou-
rage, sollicitèrent du Régent la permission d'aller servir en Hongrie sous
les ordres du prince Eugène (1). L'illustre capitaine continuait glorieu-
sement la guerre contre les Turcs et se disposait à assiéger Belgrade.
Servir sous le héros de Petervaradin était le plus grand désir de ces
jeunes Français. Le Régent accorda la permission demandée à
quelques-uns, parmi lesquels était le fils aîné du duc du Maine,
Louis-Augwtfe de Bourbon, prince de Dombes, alors âgé de dix-sept
ans (ft). Aussitôt l'autorisation obtenue, le duc du Maine s'occupa de
constituer à son fils une sorte de maison militaire» Louis-Geoffroy,
comte d'Estrades, lieutenant-général, petit-fils du maréchal de Ce
nom, honnête homme et de distinction à la guerre, au dire de Saint-
Simon, accepta d'accompagner en Hongrie le prince de Dombes, qui
avait pour gouverneur le chevalier d'Estampes (3) et pour capitaine des
gardes M. de Malezieu (4). Le duc du Maine rédigea lui-même des
instructions pour ce voyage, tandis que le comte du Luc, ambassadeur
à Vienne, faisait de son côté un mémoire complémentaire. Ces deux
documents ont été retrouvés au château de Lauroy (Cher) par M. Ar-
mand Dufour, qui a bien voulu me les communiquer. Les instructions
(1) Cf. Mémoires de Saint-Simon, t. XIII, p. 293.
(2) Le prince de Dtfmbes était né le 4 mars 1700.
(3) Probablement Philippe-Charles, comte d'Estampes, chevalier de Malte, mort en 1737.
(4) Probablement un des fils de l'académicien, qui fut un des plus fidèles serviteurs
du duc du Maine.
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44 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES
du duc du Maine, fort circonstanciées, portent des corrections auto-
graphes et son parafe. Elles ont surtout pour but de tracer la règle de
conduite à suivre par le prince de Combes à l'égard de l'empereur
Charles VI (i) et des deux impératrices. L'impératrice Amélie, veuve,
depuis 171 1, de Joseph I", était cousine germaine de la duchesse du
Maine et, par conséquent, tante à la mode de Bretagne du jeune
prince. L'autre impératrice, Elisabeth-Christine de BruAswick-Wol-
fenbutel, était alors enceinte de Marie-Thérèse, qui devait devenir si
célèbre (a).
L'exemple donné par le prince de Dombes et par ses compagnons fut
un sujet d'émulation pour les jeunes nobles, et les demandes de dépari
devinrent si nombreuses, que le Régent dut réprimer ce zèle guerrier et
interdire absolument qu'on lui deinand&t d'aller en Hongrie (3).
INSTRUCTIONS GÉNÉRALES SUR LE TOTAGE ET LA CAMPAGNE
DU PRINCE DE DOMBES EN HONGRIE
Le prince de Dombes doit compter que *de cette première
campagne dépend sa réputation et qu'il y va du tout pour
lui.
Le prince de Dombes sera dans un incognito parfait, sous
le nom du marquis de Chalamont, dès qu'il aura passé le
Rhein.
Il partira d'icy en poste dans une berline â quatre places,
qui seront occupées par luy, M r le comte-d' Estrades, M r Ie che-
valier d'Estampes, son premier gentilhomme d* la chambre
et gouverneur, " et M r de Malezieu comme capitaine des
gardes.
Il fera le plus de diligence qu'il sera possible, sans
s'exposer pourtant aux mauvaises avantures inutilles.
Il rie séjournera point en chemin jusqu'à Strasbourg.
(t) File de Jeeeph I», auquel il taccéda en 171 1.
(9) Bterie-Thérèee naquit le i3 mai 1717. *
(3) Cf. Mémoires de Saint-Simon, t. XIII, p. 393.
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; VOYAGE DU PRINCE DE DOMBES 45
Il prendra la route de Metz pour éviter le passage de
Nan£y où M r le duc de Lorraine (i) le pouroit arester et où
Ton pouroit tomber dans des embaras considérables par ra-
pôrt au Cérémonial. A Metz il fera bien des honnestetés à
1, M. de Cely (2)^ l'intendant, qui est un homme de naissance»
fort de met, amis. Il le remerciera de ce qu'il m'avoit offert
sa maison pour luy et iuy dira qu'il Pauroit volontiers accep-
tée si M r le comte de Saillans (3) ne l'avoit déjà retenu deux
jours avâht que j'eusse receu sa lettre. Il logera donc chez
M r le comte de Saillans, qui est le gouverneur, et aussi extrê-
' tnement de mes amis. Si par hazard M r Tevesque de Metz (4)
. le venoit voir, mon fils se souviendra qu'il est duc et pair
pour luy faire les traitemens convenables à sa dignité. Comme
mon fils ne séjournera point et qu'il faudra le lendemain re-
partir de bonne heure, il ne doit point songer à rendre de
visites. Si l'on tire du canon, il faudra donner de quoy boire
aux canoniers ; si la garnison étoit sous les armes, il faudroit
ralentir le train et passer au petit pas devant les troupes,
ayant bien de l'attention à saluer à droit et à gauche les offi-
ciers ; et, si les tambours viennent demander de quoy boire,
il faudra leur donner honnestement. Sinon, en cas qu'il n'y
eut qu'une garde,, il faudra seulement donner aux* tambours
de la garde. Si M r le comte de Saillans demande l'ordre ,
il faut luy faire quelqu'honesteté, mais ne point faire de
difficulté de le luy donner. S'il y a des harangues, on les re-
çoit debout , sans faire mine d'aller au devant ni de recon-
(1) Léopold, duc de Lorraine, de 1690 a 1729.
(2) Louis-Achille-Auguste de Harlay, comte de Celi, conseiller an Parlement, intendant
de Metz depuis 171 5, mort le 27 décembre 1739 à 61 ans. *
(3J Le comte de Saillant, lieutenant-général, était gouverneur de Metz depuis 1712. (Cf.
Saint-Simon, t. IX, p. 375.) 11 mourut en 1723. c Cétait, dit Saint-Siiqpn (t .XIX, p. i3a),
un homme de qualité, fort brave et fort honnête homme, mais court 4 l'excès, que Harlay,
intendant de Metz, avoit désolé tant qu'il y fut, et qui, pour s'en divertir, l'avoit fait tom-
ber dans les panneaux les plus ridicules. »
(4) tfenri-Charles du Cambout, tue de Coislin, né en i663> évêque de Metz en 1697,
membre de l' Aca d émie française an 1711, mort en 1732.
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46 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES
duire ; et si l'on fait des présents, il faut faire donner de quoy
boire aux valets de ville qui les auront apportés. Il faudra
laisser les dits présents dans la maison de M r de Saillans, et
en partant faire donner quelques pistoles aux bas domesti-
ques qui se seront le plus tourmenté pour l'appartement. Il
faut, là comme partout, une grande attention à faire des
honnestetés et des remerciments et à louer les gens, car cela
fait aimer, et c'est une chose qu'il faut continuellement avoir
en vue.
A moins que les équipages ne contraignent, il ne séjournera
que deux jours à Strasbourg, pour voir la place, et il priera
M r le comte du Bourg (i) de faire prendre les armes au
régiment de Castella pour le passer en revue et pour se
mettre en estât de m'en rendre compte. Le s r de Bettens, qui
le commande, est un officier de distinction et que je consi-
dère particulièrement. Mon fils se fera nommer les capitaines
et les gracieusera en les exhortant à continuer à se bien
attacher à l'entretien de leurs compagnies. Il se gardera de
parler devant eux de la différence qu'il trouvera de ce régi-
ment à celuy des gardes. Mon fils logera chés M r le comte
du Bourg; il est fort de mes amis et commandant général
dans la province. Il faudra en user en cette ville comme je
l'ay détaillé dans l'article de Metz, sur toutes les choses- qui
s'y trouveront communes.
M r le comte du Bourg poura que je crois prêter des chevaux
pour les revues et pour la visite de la place qui est très belle
et très curieuse. Mon fils demandera aussi à voir les carabiniers
à cheval, tant pour s'en donner une notion que pour dire
que, sachant comme je les aime, il seroif ravi de m'en donner
des nouvelles : il leur fera par là un fort grand plaisir et il
les mortifieroit fort s'il ne les voyoit pas.
(i) Léonore-Marie Du Maine, comte du Bourg, né en 1655, lieutenant -général en 1702,
commandant en chef en Alsace en 17 10, maréchal de France en 1734, mort en 1739.
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VOYAGE DU PRINCE DE DOMBES 47
■ Comme général des suisses il doit avoir à sa garde une
compagnie suisse et le premier jour le drapeau blanc;
cette garde fait honneur à la nation et est indépendemment
de la garde françoise, qu'il doit avoir par son rang. Comme
tout ce voyage est fait pour s'instruire et qu'il n'a pas encore
beaucoup vu, il faut beaucoup questionner, ne point trouver
mauvais qu'on luy fasse faire des remarques et écouter ce
qu'on luy dira.
Il doit sçavoir qu'il y a à Strasbourg beaucoup de gens de
considération et que les chanoines sont des plus illustres
maisons. »
Il faut avoir bien de l'attention à ne point badiner devant
le monde.
Il poura questionner fort librement M r le comte du Bourg,
qui est l'homme du monde le plus poli et fort de mes gmis.
Il faudra donner de quoy boire aux trompettes des carabi-
niers, ainsi qu'aux tambours suisses et aux canoniers.
En partant de Strasbourg il prendra le nom de marquis de
Chalamont, de l'autre côté du Rhin, et il ne doit plus estre
question d'estre traité ni de Monseigneur ni d'Altesse ; cela
n'oblige pourtant pas à appeller les Princes autrement que
Monsieur.
Il donnera la porte, le fauteuil et les bonnes places indif-
férament à tous ceux qui le viendront vpir, et, se regardant
comme un particulier, il ne sçauroit estre trop poli avec tout
le monde, ni trop attentif à plaire ; c'est mesme le moyen
d'estre plus considéré.
De Strasbourg il ira à Munich voir l'électeur de Bavière (i),
de qui (quoyque incognito) il recevra bien des honnestetés ;
et il faudra me mander bien exactement tout ce qui s'y sera
passé.
(1) Maximiliep-Emmanueî, électeur de Bavière de 1679 i 1736, avait été le fidèle allié de
Louis XIV. -0
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compagnie suisse et le premier tout k drupeau blanc;
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irtjm raf* qa'oci Ict tasse Êiîre des remarques et écouter ce
qu'oc Ict dîrx.
E i:cr 3ça.TQtr quH yaà Strasbourg beaucoup de gens de
cccsîsieraiîoa ec que les chanoines sont des plus illustres
maisons. »
II tint aroir bien de TarfientioQ i ne point badiner devant
le monde.
L poara questionner fort librement M* le comte du Bourg,
qui est Iliomme du monde k plus poli et fort de mes amis.
II faudra donner de quoy boire aux trompettes des carabi-
niers, ainsi qu'aux tambours suisses et aux canonkrs.
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et il ne doit plus cstre
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M* trmit été le Sttk lit* *
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48 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES
Il logera, luy deuxiesme, chez M* le marquis de S&umery ( i ),
envoyé du Roy, qui est fort de mes amis, et il se conduira
selon ses avis, concertés avec M r le comte d'Estrades. Dans
tous ces endroits je recommande bien de la politesse et de
l'attention.
Si mon fils voit le Prince Electoral (2), il luy témoignera
la joye qu'il a de faire sa première campagne en mesme lieu
que luy et qu'il tàschera d'y mériter son estime et son amitié.
Deux jours de séjour à Munich suffiront ; le plus embarasse-
roit tout le monde.
En partant de Munich, après bien desremerciments à M r le
marquis de Saumery et des excuses de l'embaras qu'on luy aura
causé, et après avoir fait sous main quelque libéralité i ses do-
mestiques, il faudra (que je crois) aller reprendre le Danube à
Passau et le continuer jusqu'à Vienne, ayant pris soin i
l'avance de faire avertir le s* de Bombelles du jour de l'arri-
vée, afin qu*il se trouve sur le port à l'heure du débarque-
ment et qu'il conduise à la maison qu'il aura retenue.
Quand on y sera, il faudra le questionner infiniment sur tout
ce qu'il y aura à faire et sur les manières de Vienne. Comme
le séjour qu'il y aura fait le rendra plus propre qu'un autre à
envoyer de costé et d'autre et à moyenner ce que l'on voudra,
ce sera luy qu'il faudra mettre à cet usage.
La première visite que je crois qu'il faudra faire sera celle
du prince Eugène. Mon fils luy témoignera la forte envie
qu'il a de lui plaire et qu'il fera tous ses efforts pour mériter
son estime. Il le priera de ne le point ménager dans le cours
de la campagne et il luy témoignera qu'il ne sçauroit luy
faire plus de plaisir que de Phonnorer de ses ordres et de tes
conseils.
(1) Petit-neveu de Colbert, envoyé en Bavière de» 17 14. (Cf. Saint-Simon, t. X, p. 996
#336.)
\i) Charles- Albert, fils de l'électeur, qui te rendit célèbre pfas tard en revinflqnam la
couronne impériale contre Marie-Thérèse.
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VOYAGE DU PRINCE DE DOMBES 49
Le Prince Eugène aime fort à être loué; il a en effet par
devers luy un grand nombre d'actions admirables par les
succès; ainsi il faut s'en instruire et le mettre souvent sur
ces matières; il est regardé dans l'Europe comme un héros,
et il faut de l'attention pour ne guerres perdre d'occasions de
le louer dims tous les temps qu'on sera devant luy et mesme
dans les compagnies, parce que cela revient toujours et que
cela flate beaucoup. Il est très essentiel d'avoir les bonnes
grâces des gens auxquels on a affaire.
Mon fils ne verra point l'Empereur chés luy, mais bien
l'impératrice Amélie, qui est très polie et sa tante à la mode
de Bretagne. Il ne la verra point en cérémonie et il se con-
duira sur cela comme M r le comte Du Luc l'a marqué dans
son mémoire (i) et selon les avis de M r du Bourg, qui est
l'homme du Roy à Vienne et qui sera pour tout cela d'un
grand secours.
(1) Le mémoire du comte du Luc, complémentaire des instruction» du duc du Maine»
contient des détails intéressants. Le comte est persuadé que le Prince Eugène recevra volon-
tiers le prince de Dombes dans le nombre de ses adjudants généraux : il recommande au
jeune prince de suivre l'exemple du prince de Portugal. « Ce jeune prince, conduit par
sa seule teste, arriva a l'armée avec une très petite suitte, estant parti de Paris en poste.
Le Prince Eugène l'a logé et monté pendant la campagne dernière, mais, pour la pro-
chaine, il met sur pied une maison sortable en sorte que je crois qu'il mangera chez luy
et quelquefois chez le général ou chez les autres gens caractérisés. » Void maintenant le
passage relatif à la conduite que doit tenir le prince a l'égard de l'Empereur et des Impé-
ratrices :
c Monseigneur le duc du Mayne m'a fait l'honneur de me dire que le Prince ne sera
que peu de jours à Vienne et qu'il y gardera un parfait incognito, mais il importe qu'il
connoisse au moins la figure de l'Empereur, des Impératrices et archiduchesses. U seroit
mtme singulier qu'il ne vist pas l'Impératrice Amélie qui luy appartient de si près. On
pourra se concerter avec le comte Joseph de Paar, grand-maître de la maison d'Amélie,
et le comte de Salm, son grand écuyer, qui sçauront les intentions de l'Impératrice ; ils
sont l'un et l'autre mes amis particuliers.
• A l'égard de l'Empereur et de l'Impératrice régnante il ne sera guères possible à nostre
Prince de les voir à son aise qu'en se meslant dans la foule lorsqu'ils dînent en public,
car il n'est point question en ce pays là de Cour ni d'aucun amusement. Ce ne seroit pas
contentement de les voir passer, allant à la chapelle, où ils se mettent dans une tribune
d'où ils ne paroissent guères. Il est certains jours que l'Empereur descend pour se mettre
dans sa courtine où les seuls ambassadeurs le voient parce qu'ils sont vis-à-vis de luy. Je
m'imagine que ce prince se fera un plaisir de gracieuser en passant Monseigneur le prince
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50 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES
Je ne crois pas qu'on tienne de grands discours à mon fils,
mais il faut qu'il ait attention à y répondre bien poliment et
qu'il s'informe des titres qu'il faut donner en parlant à l'Em-
pereur et aux Impératrices.
Je ne crois pas qu'on luy parle de nostre grande affaire (i),
mais si l'impératrice Amélie luy en parloit (comme nièce de
Madame la Princesse) il faudroit répondre modérément, que
tout ce qui désunit les familles est bien désagréable, et néan-
moins marquer beaucoup de confiance sur le succès.
11 est vraysemblable que tous les François qui sont à
Vienne le viendront voir, quand ils le sçauront arrivé; il
faudra les recevoir avec politesse et leur marquer qu'on leur
sçait gré de leur empressement. Entr'autres il faudra gracieu-
ser M r le marquis de Villette (2), qui est parent de Madame
de Maintenon et fils d'une de mes meilleures amies. Il poura
estre aussi de quelque secours.
Je voudrois qu'on restât à Vienne le moins qu'on pourra;
M r le comte d'Estrades en décidera, ainsi que du genre de
de Dombes, qaoyque l'Empereur toit naturellement très tilentienx. Il n'en teroit pat de
même de l'Impératrice régnante, si elle n'estoit nécessitée de garder la gravité espagnole.
« A l'esgard de la Cour, nostre prince pourra la connoitre en gros s'il veut bien aller aux
assemblées où hommes et femmes se trouvent. On y joue petit jeu ou gros jeu, comme,
on veut, ou bien l'on passe d'une chambre à l'autre, où l'on s'amuse jusqu'à onze heures
du soir que chacun se retire. Le marquis de Villette sera très propre pour nommer hommes
et femmes, en sorte qu'en peu de jours nostre prince connoitra les noms et les figures des
gens de la première condition, car à Vienne ce qu'on appelle la haute noblesse ne souffre
pas que la petite se mesle avec elle, et cela est si régulièrement observé qu'on est certain
de ne trouver dans les assemblées que des gens de même ordre. Les femmes de qualité ne
sont point belles, plusieurs sont peu polies : la plupart des jeunes hommes le sont infini-
ment moins et il seroit dangereux de plaisanter ou jouer des mains avec eux. Beaucoup de
politesse, peu de paroles et gracieuses, c'est principalement à quoy je croy qu'il faut avoir
attention.
« On n'entend point parler en ce pays-là de certaines licences que les femmes se donnent
ailleurs. Il peut y avoir des intrigues, je n'en doute pas même, mais cela est si secret qu'à
peine les amis les plus particuliers s'en apperçoivent. »
(1 ) Allusion aux luttes du duc du Maine contre le Régent, qui dépouilla, le i« juillet 1717 ,
le fils légitimé de Louis XIV du droit de succéder au trône et de la qualité de prince du
sang.
(2) C'est ce marquis de Villette qui fut tué devant Belgrade le 4 août 1717.
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VOYAGE DU PRINCE DE DOMBES 5l
vie qu'il y faudra mener pour les repas et pour le reste,
c'est-à-dire pour les visites qu'il conviendra d'y faire.
En partant de Vienne il faudra se rendre à l'armée et c'est
là, comme l'on dit, qu'il faudra faire la guerre à l'œil, com-
mençant dès le jour mesme de l'arrivée par aller chés M r le
Prince Eugène.
Je ne puis donner de loin que des instructions très gêné*
raies sur la campagne, estant à M r le comte d'Estrades à
diriger le tout, à prendre les partis convenables suivant les
diverses conjonctures, et à mon fils à se soumettre de bonne
grâce à tout ce qu'il luy dira, puisque je remets toute mon
autorité à mon dit sieur le comte d'Estrades. Je ne doute pas
qu'on n'envoyé à l'avance un gentilhomme à l'armée pour
marquer la maison ou le camp, de mon fils. Il faut estre
averti qu'outre les gens de sa suite il y a quatre ou cinq per-
sonnes qui ont marché séparément qui s'y domicilieront. Tels
sont M r le marquis du Biez, M* de Preuilly, le fils de M r le
comte d'Estrades (i), le sieur Miqueli, capitaine suisse, un
capitaine réformé nomé le sieur du Trévou, recomandé par
le marquis de Canilliac (2), et un homme qui a esté major,
que M r de Silly (3) avoit présenté.
A l'armée il faut toujours des bottes et au moins un cheval
selé à l'écurie.
Les Allemands sont gens sérieux et point accoutumés à
railler comme nous; ils n'entendent point raillerie et, n'estant
point favorablement prévenus pour les François, il faut se
mesurer furieusement avec eux ; quand ils voyent parler bas,
ils sont disposés à croire (pour peu qu'on les regarde) que
l'on se moque d'eux; il faut donc avoir grande attention à
l'éviter.
(1) Louis-Godcfroy, né le 19 février 1693, fil» aîné dm comte d'Estrades.
(2) Membre do conseil des affaires étrangères, ami ds Dubois. (Cf. Mémoires de Saint-
Simon, t. XII, p. 334, et t. XIII, p. 378.)
(3) Conseiller d'état d'épée.(0. Saint-Simon, t. XIV, p. 406.)
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52 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES
Il faut se garder de trop boire, mais, si par hazard on se
trouvoit surpris de vin, il faudrait s'aller enfermer chez soy.
Je n'ay rien à dire sur les actes militaires et sur les actions
où il faut se trouver, sinon qu'il faut faire très exactement
ce que dira M r le comte d'Estrades et que je n'envoyé mon
fils en Hongrie que pour s'attirer de la gloire et pour se faire
une bonne réputation.
Comme il ne faut point se ménager dans les actions, il
n'est que bon de se préparer auparavant en bon chrestien à
tout événement; on n'en est que plus hardi.
Autant qu'il faut mépriser sa vie dans les occasions, autant
faut-il ménager sa santé dans les temps de repos et dans les
œuvres de subrogation.
Il faut estre fort vigilant.
Il faut, à moins de maladie, monter à cheval toutes les fois
que M r le Prince Eugène y montera, se tenir auprès ou i
portée de luy le plus qu'il se poura, sans pourtant l'emba-
rasser.
Mon fils, surtout quand il sera à cheval avec des généraux,
doit prendre garde à ne se tenir pas trop avec les jeunes gens
françois et à estre toujours attentif à recevoir quelque com-
mission du prince Eugène. Quand il en donnera, il faudra
bien écouter, ne point dire qu'on entend quand en effet on
n'entend pas, et ne point partir avant qu'on ait achevé de
donner la commission. Il faut ensuite s'acquitter de l'ordre
bien exactement, rendre bon compte et estre ravy d'estre em-
ployé, ne marquant rien tenir au-dessous de soy.
L'exemple du Prince Électoral de Bavière poura guider
en de certaines choses sur les occasions où il conviendra de
se trouver; il sera bon par toutes voyes deues et permises de
tascher d'estre bien avec luy.
Il est fort essentiel, les jours d'affaires, d'estre sur les che-
vaux qui embarassent le moins, y ayant trop d'autres choses
qui doivent occuper pour songer si fort à son cheval.
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VOYAGE DU PRINCE DE DOMBES 53
Je compte que pour M r le comte d'Estrades ou pour mon
fils il y aura quatorze chevaux, qu'il faudra fort accoutumer
aux mouvemens des troupes, aux tambours, aux salves et
aux drapeaux, pour bien s'assurer de leur bouche, qui est la
chose la plus essentielle dans une action, puisque de là dé-
pend souvent l'honneur et la vie.
Il faut fort éviter de faire le fanfaron; il ne sied pas de
s'applaudir et de se louer soy mesme.
Il ne faut pas faire de difficulté de prendre sa cuirasse
quand M* le comte d'Estrades luy dira de la prendre.
Il faut estre très docile aux avis et ne point disputer (prin-
cipalement devant le monde), non plus que jouer de main et
que faire l'enfant.
Mon fils ne doit point vivre avec les gens attachés à luy,
de manière à exciter entr'eux de la jalousie.
Il ne doit point croire non plus qu'on songe à luy faire de ré-
primandes; les avis qu'on luy donnera seront en particulier.
Comme mon fils a le ton fort rude, il doit avoir plus d'at-
tention qu'un autre à ses paroles qui paroistroient aisément
des duretés.
Il doit fort respecter M r le comte d'Estrades et luy sçavoir
gré éternellement de l'honnesteté avec laquelle il a bien voulu
le suivre.
A la réserve de quelques repas extraordinaires, dont peut
estre il peut y avoir quatre ou cinq occasions dans le cours
d'une campagne, et que M r le comte d'Estrades ordonnera,
je ne veux la table de mon fils que de quinze couverts; quand
il y aura plus de mangeurs l'on fera une petite table, dont la
grande prendra soin et dont les gens domiciliés feront les
honneurs.
Il faut tascher toujours d'avoir de la compagnie la plus
haute hupée qu'il se poura.
Mon fils n'aura aucune autorité sur la dépense de la maison.
Mon fils s'enfermera le moins qu'il sera possible.
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ADOLPHE THIERS
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LETTRE A GAUCHOIS-LEM AI RE
Revue des Documents h .55.
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ADOLPHE THIERS
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LETTRE A GA UC H OIS-L EM A I RE
/fevu* <*« Documents historiques, t. V, p. 55.
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ADOLPHE THIERS
Lettre écrite, sur la fin de 1824, au publiciste Cauchois- Lemaire,
qui avait rendu compte, dans le Constitutionnel, des trois premiers
volumes de l'Histoire de la Révolution française. Cette lettre offre un
spécimen intéressant de la première écriture de l'illustre homme
d'État.
Vous direz, mon cher Lemaire, que ma reconnaissance
n'est pas aussi vive que le sont mes désirs, mais vous aurez
tort. Hier je voulais vous écrire pour vous remercier et j'en
ai été empêché par d'horribles douleurs de ventre. Je vous
rends donc grâce de votre article aussi flatteur pour moi
qu'il pouvait l'être. Je souscris à toutes vos critiques, celle
de négligence, celle d'avoir donné à Roland un rôle secon-
daire ; je ne résiste que sur le chapitre de la politique révolu-
tionnaire. Au reste, votre article était plein de vues et d'énerv
gie de style, et on m'a félicité de tout côté d'avoir été non seu-
lement loué si fort, mais loué avec autant de talent.
Votre ami
A. Thiers.
Mardi 21,
A Monsieur, Monsieur Cauchois-Lemaire, rue Coque-
nart, n° 38.
Digitized by VjQÉKjlC
CONDAMNATION D'UN SOLDAT
POUR BLASPHÈME
en i63i
La collection de M. le baron de Girardot contient un procès-verbal
de la condamnation d'un soldat, convaincu d'avoir proféré des blas-
phèmes contre Dieu et contre la Vierge dans l'église de Plombières,
près Dijon. Ce soldat était condamné à faire amende honorable devant
l'église Notre-Dame de Melun, selon les rites accoutumés, et à avoir
la langue percée d'un fer chaud ; après quoi il devait être ignominieu-
sement banni de l'armée française.
Le procès-verbal, sorte de programme de l'exécution de la sentence,
peut-être incomplet du commencement, est signé par Jean-Louis de
Nogaret, duc d'Épernon, qui, depuis i58i, était colonel général de
l'infanterie française, et par son fils Bernard, duc de La Vallette, qui
avait la survivance de cette charge. Au-dessous se trouvent plusieurs
autres signatures, émanant sans doute des principaux officiers du régi-
ment.
Il sera dict que ledict Pierre Lebreton, dict Andugeon,
prisonnier, est suffisamment attainct et convaincu des blas-
phèmes exececrables par luy dictzet proférez contre l'honneur
de Dieu et de la Vierge, ensemble des insolences par luy
commises le dimanche trentiesme jour de mars dernier dans
l'église de Plombières, près Dijon, et aultres cas mentionnez
au procès, pour réparation de quoy il sera condamné à estre
dégradé des armes à la teste du Régiment pour ce assemblé,
ce faict, estre mis et livré entre les mains de l'exécuteur de
la haulte justice, et après faire amande honorable nud
ioogle
CONDAMNATION D'UN SOLDAT POUR BLASPHÈME 5j
en chemise, la corde au col, tenant une torche ardente en ses
mains du poids de deux livres, au devant de l'église Nostre
Dame de Melun, et là à genoulz dire et déclarer que mes-
chamment et malicieusement il a dict et proféré lesdictz blas-
phèmes et commis lesdictes insolences, dont il se répend et
en demande pardon à Dieu, à la Vierge, au Roi et à Monsei-
gneur le Colonnel, et en suitte à avoir la langue persée d'un
fer chaud, aussy à la teste dudict régiment, qui sera assemblé,
et après banny de toutes les bandes françoises avec deffenses
de plus s'y trouver, à peine de la hard. Faict à Fontainebleau
le mercredy dernier jour d'apvril mil six cens trente ung.
4^-^^y^^^^^
Valencei. — Brissac. — De Loustalneau. —
• — Maleyssys. — Savigniac. — Droué. —
— GUENES. — J. DE MYRAUMONT. — MeSTIVIER.
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HONORÉ DE BALZAC
Les deux lettres suivantes, que j'emprunte à la collection de M. le
baron de Girardot, n'ont point été imprimées dans la correspondance
publiée chez M. Calmann Lévy (i). Toutes deux sont adressées à une
amie dévouée, Madame Zulma Carraud, dont le mari, commandant
d'artillerie, venait de quitter la direction des études à l'Ecole militaire
de Saint-Cyr pour le poste d'inspecteur de la poudrerie d'Angou-
lême (2).
La première fut écrite, de Paris, à la fin de décembre i83i, alors
que Balzac revenait d'un voyage à Angoulême. En voici le texte :
Oh ! votre lettre m'a réchauffé le cœur et Pâme. Que
c'est une bonne chose que d'être aimé ! Je vous prouverai
d'ici à quinze jours que je me suis occupé des bons jours
d* Angoulême. Je vous enverrai ma relation du voyage que
j'ai fait à Java pendant mon séjour à la poudrerie (3). Il y a
un exemplaire pour le bon M. G. D. Besançon (4), dont je
n'ai pas voulu citer le nom sans savoir si mes fervens
(1) Correspondance d Honoré de Balzac (1819-1850), tome XXIV de ses Œuvres com-
plètes ; Paris, Calmann Lévy, 1876, in-8.
(3) Madame Zulma Carraud avait été l'amie d'enfance de Madame Laure de Surville,
sœur de Balzac. Celui-ci, dès 1828, entretint avec elle une correspondance suivie. Il lui
dédia la Maison Nucingen. (Cf. Correspondance de Balzac, p. 53, note.)
(3) Le Voyage de Paris à Java fut publié dans la Revue de Paris en novembre i83a.
(Cf. Histoire des Œuvres de Balzac par Ch. de Lovenjoul ; Paris, Calmann Lévy, 1879,
in-8, p. 34s.)
(4) M. Grand-Besançon, commissaire des poudres à Angoulême.
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HONORÉ DE BALZAC 59
éloges ne blesseraient pas sa modestie. Mais le fait est que
V Upar, la Javane, le Bengali, le Prêtre des singes, tout
cela est consigné dans la Revue des Deux-Mondes ou le sera
bientôt. J'espère que vous verrez bien que j'étais entre vous
trois en écrivant chaque ligne.
Ici je n'ai trouvé que des ennuis. Mon article Cornélius
delà Revue de Paris, massacré par le directeur (i); des
ennemis partout; des dettes plus que je n'en voulais; notre
grande affaire ajournée encore parce que nous voulons
donner les 96 volumes pour 80 francs par an — nous en avons
trouvé les moyens — tout cela me fait travailler nuit et jour.
J'ai pendant un mois à ne pas quitter ma table où je jette
ma vie, comme un alchimiste son or dans un creuset.
Le tems est si mauvais et mes deux chevaux si chers que
je n'ose aller à Saint-Cyr. Cependant au premier jour je
tomberai chez le capitaine (2), qui m'a écrit une lettre ravis-
sante de grâce, de style et d'amitié.
Le grand Borget (3) a vu démolir mon projet. Il n'est plus
question de voyageurs.
Quant au papier, je vous enverrai un échantillon. Quant
au carric de mon commissaire, il est parti sérieusement; j'ai
le reçu de la diligence. Quant à la femme, il s'en présente
quelques unes; mais je ne me lierai qu'à bon escient. Et, si
je suis riche, comptez que j'aurai le moins de valets pos-
sible, que je vivrai pachaliquement dans une terre et que je
ne serai que quatre mois à Paris; que je préfère des amitiés
à toutes les richesses et que la meilleure jouissance sera tou-
jours pour moi une causerie au coin du feu avec trois ou
quatre bonnes à moi, indulgentes et gaies.
(1) Maître Cornélius, publié, en décembre i83i, dans la Revue de Paris, dont
Charles Rabou était alors directeur. (Cf. Histoire des Œuvres de Balzac, p. i85.)
(3) Le capitaine Periollas, sous-directeur des études & Saint-Cyr. (V. .lettre du
14 avril i83o, dans la Correspondance, p. 69.)
(3) Auguste Borget, peintre de genre, qui habitait avec Balzac.
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60 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES
Pour tout ce que vous souhaiterez comptez sur moi;
mettez-moi à l'épreuve et 'ne craignez jamais d'user ratta-
chement sincère et profond que vous a voué
Mille compliments affectueux à M. Gd. Besançon et mille
amitiés au bon inspecteur.
La seconde lettre est de septembre i833. Elle est toute relative au
procès qu'il venait de soutenir contre l'éditeur Marne à propos de la
publication de son Médecin de campagne (i).
Il y a longtemps que je ne vous ai écrit, à vous qui me
donnez une si pure et si belle amitié, moi qui voudrais vous
la rendre au centuple; mais vous m'excuserez, n'est-ce pas;
j'ai tant souffert ! des souffrances qui se racontent de cœur à
coeur, mais il est impossible de les écrire.
Vous dire ce qu'est un procès qui dure depuis deux mois,
je ne le tenterai pas. J'aurai le chagrin de ne pas vous en-
voyer le Médecin de campagne. Je n'en veux pas accepter
un exemplaire de mon infâme libraire, Marne. Et le juge-
ment arbitral ne m'en accorde pas un seul. Vous qui avez
une âme à sentir ce grand, cet immense ouvrage, imparfait
encore, mais qui a dévoré i5o nuits et 7 mois de travaux,
vous vous demanderez par quelle fatalité j'ai reçu des ou-
( 1 ) Cf. dans la Correspondance plusieurs lettres sur son procis avec Mamc [p. 1 7$ *t
surtout celle du a août i833, où Balzac fait part à Madame Carraud de la «oteoce i
venait d'être rendue.
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HONORÉ DE BALZAC tl
trages à chaque pas, par quelle raison l'on me dépouille de
mes droits d'auteur quand je n'ai pas de traité avec le
libraire. Mais je laisse cela. L'ouvrage paraît dans dix jours.
Je serai forcé de faire une 2* édition avant celle à 20 sous.
Vous ne m'avez pas écrit ou fait écrire. Comment allez-
vous ? Savez-vous que ma pensée a souvent voyagé vers
Angoulême, que je n'ai pas tant d'amis que je ne sache pas
vous donner ,plus d'une pensée par jour. Oh ! je suis bien
abattu, bien changé. Pour réparer mes pertes, il faut recom-
mencer d'autres travaux. Point de repos possible. J'avais
rêvé d'aller aux Pyrénées avec celle que vous nommez mon
ange et qui est plus encore, je crois. Nous nous arrêtions à
Angoulême, nous allions à Bourges. Le malheur emporte
tout, excepté les sentimens doux, la reconnaissance, et vous
ne saurez jamais combien vous avez de part, une grande
part, inattaquable, dans le coeur d'un pauvre poëte à qui
vous avez été toujours bonne, tendre, hospitalière. Je me
surprends parfois à prier. Je demande au ciel de vous don-
ner le bonheur que vous désirez, de la santé pour Yvan, de
la santé pour vous. La composition du Médecin de cam-
pagne a agi sur mon caractère. Un constant malheur fait
lever les yeux au ciel. Je suis triste, je sens qu'à de tels
travaux la vie s'en va, mais je ne la regretterai pas. Parmi
les bons momens que j'ai eus je compte ceux qui se sont
passés près de vous. Dites bien à votre maître et seigneur
tout l'attachement que je lui porte. Et adieu pour aujour-
d'hui. Pensez à moi, je vous aime et pense à vous. Donnez-
moi ou faites-moi donner de vos nouvelles. Sans l'argent
et la distance, j'irais vous voir plus souvent, mais cette année
je ne suis pas riche.
Si j'avais complètement perdu mon procès, je quittais la
littérature et la France, et j'allais prendre du service en
Russie comme Pozzo di Borgo.
Il faut maintenant, au lieu de me reposer, recommencer
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62 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES
d'autres travaux, des -travaux énormes, le 3** dixain, le pri-
vilège et l'achèvement des Etudes de mœurs.
Adieu. Trouvez ici mille bonnes et tendres pensées. Faites
venir le Médecin de campagne. Lisez-le et entendez parfois
la voix qui vous est connue. Quant à moi je sais bien où
vous serez attendrie et ce que vous improuverez.
J'écris aujourd'hui à Limoges (i). Je sais que vous vous
y êtes occupée de moi; je vous ai bien reconnue.
Quand vous écrirez au capitaine, dites-lui qu'il a plus que
des souvenirs chez
Honoré.
(i) A Limoges était Madame Nivet, belle-sœur de Madame Carraud.
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LE BARON DE GRIMM
La marquise d'Epinay mourut à Paris le i5 avril 1783, à l'âge de
58 ans, et fut enterrée le 17 dans le cimetière de la paroisse de la Made-
leine et de la Ville-l'Evêque (1). Le lendemain même de cette cérémo-
nie, Grimm, le fidèle ami de la marquise, depuis trente ans, adressa au
comte de Vergennes, ministre des affaires étrangères, la supplique
qu'on va lire et qui est tout entière relative au sort de la petite-fille de
Madame d'Epinay, Mademoiselle de Belsunce. Quoiqu'elle n'eût que
quinze ans, Mademoiselle de Belsunce était déjà un personnage.
Catherine II, qui avait lu les Conversations d'Emilie, avait demandé à
Grimm quelle était l'interlocutrice de l'auteur, et, lorsqu'elle avait su
son nom et sa qualité, elle avait chargé son souffre-douleurs (c'est ainsi
qu'elle appelait Grimm dans l'intimité de sa correspondance) de ses
bienfaits pour Emilie.
Monsieur le Comte,
Ce n'est pas au Ministre des Afaires étrangères, c'est au
chef du Conseil des Finances et plus encore à un père
tendre et sensible que j'ose adresser cette requête. Qu'il me
li) Cf. l'acte de décès publié par M. Paul Boiteau dans ton édition des Mémoires de
Madame d'Epinay {Paris, Charpentier, i863, t. II, p. 473).
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64 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES
soit permis de rappeller à votre Excellence avec quel intérêt
vous daignâtes, au commencement de l'année dernière, pro-
téger Madame d'Epinay, lorsque PImpératrice de Russie la
fit recommander aux bontés du Roi, à cause d'un ouvrage
d'éducation qu'elle avait publié sous le titre de Conversai ions
d'Emilie. Ce livre n'a pas seulement réussi auprès de cette
grande Princesse, il a été singulièrement estimé en France et
dans les pays étrangers ; il a été regardé comme un modèle,
comme un livre classique, et, au mois de janvier dernier,
l'Académie française, ayant à prononcer pour la première
fois sur le prix d'utilité récemment fondé, a adjugé ce prix
aux Conversations d'Emilie comme à l'ouvrage le plus utile
à la Société qui eût paru dans le cours de Tannée.
Madame d'Epinay osait demander alors qu'eu égard à
l'intercession de l'Impératrice, le Roi voulut bien lui laisser
la somme de huit mille livres que M. Necker lui avait fait
donner comme gratification par le Trésor royal, et que M. de
Fleury revendiquait parce qu'il n'avait trouvé le bon de
Sa Majesté sur cet objet. Vous vous rappeliez sans doute,
Monsieur le Comte, que, malgré toute votre protection,
M. de Fleury ne pût être déterminé à lui obtenir de la bonté
du Roi cette modique somme, qu'elle avait touchée plus de
dix huit mois auparavant, dans un moment très pressant,
et qu'enfin elle a été définitivement obligée de la restituer au
Trésor royal.
Après plus de douze ans de maladie et de soufrances
inouies Madame d'Epinay vient de succomber à ses maux,
laissant cette Emilie de Belsunce, l'objet de son livre et de
toute sa tendresse, sa petite fille et son élève, sans ressource
à l'âge de quinze ans. Madame d'Epinay a joui pendant les
deux dernières années de sa vie d'une pension de cinq mille
livres pour tout dédommagement d'un intérêt dont elle avait
joui dans les fermes générales, et cette grâce du Roi a été
particulièrement employée à l'éducation de cette Emilie qui
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LE BARON DE GRIMM 65
a eu un succès décidé et distingué. Cependant, votre Excel-
lence daignera remarquer que, moyénant la restitution exigée
des huit mille livres, Madame d'Epinay n'a eu effectivement
que deux mille livres de rente le peu de temps qu'elle a joui
de la pension accordée par Sa Majesté.
Daignez , Monsieur *le Comte , accorder à l'infortunée
Emilie les bontés dont vous avez honoré sa grand'mère qui
vient d'expirer. Le vicomte de Belsunce a servi le Roi toute
sa vie et son frère, après avoir servi avec distinction en Alle-
magne, est mort Gouverneur de Saint-Domingue. Le vicomte
et la vicomtesse de Belsunce n'ont qu'une fortune très bornée
et soutienent leurs deux fils au service du Roi; il ne leur
reste rien pour leur fille. Ils vienent d'adresser avec toute
la famille un mémoire à Monsieur le Contrôleur général des
Finances, pour obtenir de la bonté de Sa Majesté une
portion, en faveur d'Emilie, de la pension dont sa grand'-
mère a à peine joui. J'ose mettre ce mémoire sous les
yeux de votre Excellence. Si vous daignez Tapuyer de
votre protection auprès de Monsieur le Contrôleur général,
de votre intercession auprès du Roi, cette humble requête
sera exaucée. Emilie de Belsunce est reçue Chanoinesse au
chapitre noble de FArgentière, et la grâce que Sa Majesté
lui accordera lui fournira le moyen de vivre d'une manière
décente et convenable à sa naissance. M. l'Intendant d'Auch,
qui connaît son père et sa mère, doit avoir l'honneur d'en
parler à votre Excellence. Si je puis me flater, Monsieur le
Comte, que vous m'honorez de quelque estime, j'ose vous
assurer que vous n'aurez jamais fait une action plus digne
de vous qu'en prenant sous votre protection une fille de la
plus grande espérance, issue d'une maison très ancienne, et
qui, après l'enfance la plus heureuse et la plus soignée, vient
de tomber dans l'abîme le plus efrayant. On ne peut la
connaître sans s'y intéresser, on ne peut songer à son mal-
heur, sans avoir l'ame déchirée.
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66 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES
Pardonez en faveur de ce sentiment douloureux la liberté
que j'ai osé prendre, et agréez l'hommage du respect avec
lequel je suis
Si le comte de Vergennes eut peu d'égard à cette supplique, Cathe-
rine II du moins n'oublia pas sa protégée. Elle la dota et la maria,
en 1 786, au comte de Bueil. A la Révolution, le vicomte de Belzunce,
frère de Madame de Bueil, major au régiment de Bourbon, en garni-
son à Caen, fut massacré dans une émeute. Sa famille effrayée quitta la
France et, après avoir erré en Belgique et en Allemagne, où Grimm la
rejoignit, elle se fixa en Russie, où plusieurs de ses membres résident
encore (1).
(1) Cf., sur les diverses circonstances de la dotation de Mademoiselle de Belzunce, de
son mariage et de ses voyages pendant l'Émigration, le Mémoire de Grimm sur V origine
et les suites de mon attachement pour l'impératrice Catherine H jusqu'au décès de sa
Majesté Impériale. Ce mémoire, écrit en 1797, a été imprimé, pour la première fois, dans
le tome II du Recueil de la Société historique russe, et publié avec annotations par
M. Maurice Tourncux dans le tome II de son excellente édition de la Correspondance
littéraire de Grimm. Il est question, dans ce mémoire (p. 34), de la lettre dont je donne
ici le texte et du peu de succès qu'elle obtint.
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CHARLES III, CARDINAL DE BOURBON
Le cardinal Charles de Bourbon, II e du nom, que les ligueurs avaient
proclamé roi de France sous le nom de Charles X, mourut le 8 mai
1590 (1) dans le château de Fontenay-le-Comte, où son neveu Henri IV
le retenait prisonnier. Il était âgé de 70 ans, et, pendant sa longue car-
rière, il avait obtenu un grand nombre d'évêchés et d'abbayes. Évêque
de Nevers (1540), puis de Saintes, créé cardinal par Paul III en 1548,
il avait été promu en i55o à l'archevêché de Rouen, qu'il occupait
encore au moment de sa mort, malgré sa captivité. Il possédait, en
outre, les riches abbayes de Saint-Denis, de Saint-Germain des Prés et
de Saint-Ouen. Il laissait comme héritier de ses titres et de ses dignités
un petit-neveu, Charles, cardinal de Vendôme, quatrième fils du prince
Louis I er de Coudé. Ce jeune homme avait persévéré dans la foi catho-
lique et avait été créé, à 21 ans, cardinal par Grégoire XIII (1 583). Il
n'avait que 28 ans lors, de la mort de son grand-oncle, dont il recueillit
l'importante succession. Devenu cardinal de Bourbon et archevêque de
Rouen, il s'occupa d'abord de faire transporter le corps du défunt à la
Chartreuse de Gaillon, où le cardinal avait élu sa sépulture (2). La
lettre suivante, dont je ne connais pas le destinataire, a trait aux dé-
marches qu'il dut faire auprès du roi Henri IV à cette occasion.
Monsieur, je croy que vous aurés entendu la perte que
nous avons faicte de feu Monsieur , qu'il a pieu à Dieu
appeller à soy après avoir esté fort travaillé de la pierre qui
luy a donné une rétention et inflammation d'urine, et
faict jeter le swg qui luy a apporté une fiebvre continue et
m
(1) Cette date du 8 mai 1590 a été donnée par Pal ma Cayet et l'Estoille. J'ignore
pourquoi les biographies modernes, celles de Didot et de Lalanne, entre autres, ont fixé
au 9 mai la mort du cardinal de Bourbon.
(2) Cf. Chronologie novenaire de Palma Cayet, édition Michaud et Poujoulat, t. XII,
p. a3a.
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68 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES
enfin la mort, qui est une des plus grandes afflictions que
j'eusse peu recevoir. En laquelle d'autant que vous y parti-
cipés, je n'ay voulu faillir vous en advertir pour me condou-
loir avec vous et tascher par ce moyen à modérer nostre
commune douleur. J'ay aussy tost dépesché vers le Roy
pour me permettre de faire venir à Fontevrault ou en ceste
ville le corps, attendant la commodité de le faire dignement
porter à la Chartrouze de Gaillon, où il a esleu sa sépulture
et son cœur à Rouen; vous suppliant, Monsieur, de croire
que tant que Dieu me donnera le moyen je n'oublieray ny
espargneray rien de ce que je dois à l'honneur de sa mémoire
pour ne me rendre seulement successeur des charges qu'il
m'avoit résignées en l'église, ains aussy héritier de ses
sainctes intentions et de Paffection que je scay qu'il vous
portoit, pour accroistre celle que je vous doibs à vous faire
service toute ma vie, de mesme volonté que vous me co-
gnoistrés, Monsieur, par efFect
Vostre très humble cousin et serviteur,
Charles, Car* 1 de Bourbon.
De Tours, ce 16 may i5go.
J'attends, Monsieur, de vos nouvelles
sur la résolution de vostre partement.
Le troisième cardinal de Bourbon ne survécut que quatre ans à son
grand-oncle. Il mourut dans son abbaye de Saint-Germain des Prés le
3o juillet 1594, à Page de 3i ans.
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LE PRINCE JULES DE POLIGNAC
Armand et Jules de Polignac, prisonniers d'État depuis le procès de
Georges Cadoudal, parvinrent à s'échapper en janvier 1814 et à rejoin-
dre dans la Haute-Saône le comte d'Artois. Après le retour de Napo-
léon de l'île d'Elbe, ils suivirent le Roi en exil. Jules, à peine arrivé à
Gand, écrivit à son père, qui, depuis la Révolution, habitait la Russie,
la lettre suivante où il lui narre les extraordinaires événements qui
avaient de nouveau renversé les Bourbons (1). Ce récit d'un témoin
oculaire, les considérations qui l'accompagnent, ainsi que l'exposé des
espérances du parti royaliste, m'ont paru dignes d'être conservés. On
y reconnaîtra sans peine les doctrines politiques du futur auteur des
ordonnances de juillet.
Gand, ce 2 avril i8i5.
Je reviens à peine de ma surprise, lorsque je considère le
lieu d'où je date cette lettre, mon cher papa : les événemens
qui remplissent le mois de mars dernier surpassent tout ce
que nous avons vu depuis 25 ans ; la postérité croira à
peine qu'un Roi, obéi par cent vingt mille soldats jusqu'à
cette époque, chéri de toute une nation puissante et popu-
leuse, dont les droits à la couronné étoient assurés par les
vœux de l'Europe entière, ait été déplacé de son trône dans
l'espace de vingt jours, sans secousse et sans coup férir; la
providence seule peut frapper de semblables coups. Elle a
ses vues sans doute, respectons-les. Cette crise ne sera pas, je
crois, de longue durée, mais elle sera forte. La famille Royale
(1) Cette lettre fait partie d'une collection d'autographes qui sera vendue prochaine*
ment.
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70 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES
est partie de Paris dans la nuit du 20 au 21 du mois dernier.
Le Roi a pris les devants en poste, s'est réfugié dans Lille,
mais les troupes, qui partout ont trahi, Tont encore forcé de
sortir de cette ville. Il est maintenant à Gand ; Monsieur et
M« r Duc de Berry sont sortis la même nuit que le Roi, mais
ils ont été accompagnés par la maison du Roi. Armand (1)
et moi nous étions de ce triste cortège; nous nous dirigeâmes
vers les frontières à marches forcées, et nous finîmes par les
atteindre après six jours d'une route pénible, qu'une pluie
continuelle rendoit encore plus désagréable. Nous échap-
pâmes, comme par miracle, car nous étions environnés
de troupes françaises, auxquelles cependant nous dérobâmes
quelques marches : sur les^ frontières la maison du Roi fut
licenciée; les princes, accompagnés de quelques braves, pas-
sèrent sur le territoire de l'étranger : quel contraste avec
leur position d'il y a un mois ; quelle abondante matière de
réflexion n'offre point la réponse qu'eut pu faire Monsieur,
qui, se présentant presque seul à cheval aux portes fortifiées
de la ville d'Ypres, appartenant à présent au Roi Belge,
pouvoit répondre au sentinelle qui arrêtoit sa marche :je
suis Charles Philippe de France, ouvre\ moi vos portes, je
fuis une patrie ingrate ! ! D'Ypres nous nous sommes rendus
à Gand, où nous sommes maintenant. Madame Duchesse
d'Angoulême étoit encore le 16 à Bordeaux et M« r Duc
d'Angoulême le i5 à Nismes. Melchior (2) s'étoit mis en route
pour aller le rejoindre huit jours avant notre départ de Paris :
il l'aura fait sans difficulté.
Toute la nation regrette le Roi ; elle est maintenant dans
un état de stupeur; la rapidité des événements a déjoue
toute opposition de sa part. Depuis longtemps, mon cher
papa, je prévoyois une catastrophe en France si l'on adoptoit
point d'autres mesures que celles que l'on prenoit; notre
(1) Son frère aîné.
(3) Son pins jeune frère, qui était alors colonel et aide de camp du duc d'Angoulême.
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LE PRINCE JULES DE POLIGNAC 71
ministère, composé de personnes ou peu capables ou mépri-
sables, poussoient le Roi dans le précipice; cette fausse
application de clémence, qui dégéneroit en foiblesse, avoit
pour résultat de placer à la tête des principales administra-
tions civiles et militaires des hommes ennemis du Roi et de
l'État, qui Pont trahi jusqu'au dernier moment et ont rendu
vains tous les moyens de sûreté qu'il a voulu prendre. Enfin,
Dieu a permis cette épreuve; elle est dure, sans doute,
sachons en profiter. Il paroit que le midi de la France n'est
pas encore soumis à Buonaparte. La cause royale devient
celle de l'Europe; des armées considérables s'avancent sur
les frontières françaises; on peut donc tout espérer, mais
quels sacrifices ces efforts ne couteront-ils pas à notre mal-
heureuse patrie.
De Gand, ce 10 avril. — Les affaires prennent une bonne *
tournure, les puissances envoyent de puissantes armées pour
détruire Buonaparte; dans quinze jours les opérations
militaires commenceront : les nouvelles de l'intérieur sont
bonnes ; beaucoup de soldats désertent pour aller chez eux.
M« r Duc et Madame Duchesse d'Angoulême tiennent tou-
jours en Provence et à Bordeaux. Je pars demain pour aller
rejoindre M* r le Duc d'Angoulême ; je passerai par la Suisse
et le Piémont. Le duc de Wellington, qui commande toutes
les armées des Pays-Bas, assure qu'à la fin du mois de mai
on doit être arrivé à Paris.
Adieu, mon cher Papa ; cette lettre est aussi pour ma
tante; je vous embrasse tendrement tous deux. Portez- vous
bien; votre santé nous est si chère. Vous embrasser, vous
revoir est pour moi la pensée qui me console de tout.
Armand vous embrasse bien tendrement aussi, ainsi que
ma tante. Il vous écrira la prochaine fois.
Jules.
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FOUCQUET A PIGNEROL
Le surintendant Foucquet fut condamné au bannissement perpétuel
le 20 décembre 1664. Louis XIV changea le bannissement en détention
perpétuelle, aggravant ainsi la peine. Foucquet fut donc enfermé au
château de Pignerol : on préposa à sa garde une compagnie d'infan-
terie, commandée par le capitaine Bénigne* de Saint-Mars. Voici le
texte d'une quittance donnée par ce capitaine, pour les frais de chauf-
fage et d'éclairage de la chambre du prisonnier et des corps de garde
où logeaient les soldats.
Nous Bénigne de Saint-Mars, capitaine d'une compagnie
d'infanterie servant à la garde du sieur Fouquet, confessons
avoir receu comptant de maistre François Le Maire de Ville-
romard, conseiller du Roy et trésorier-général de l'extraor-
dinaire des guerres et cavallerie légère, par les mains de son
commis, la somme de cent livres ordonnée pour les bois et
chandelles tant de la chambre dudit sieur Fouquet que des
corps de garde pendant le présent mois de juin. De laquelle
somme de cent livres nous nous tenons content, bien payé,
en quittons ledit sieur de Villeromard et tous autres, tesmoing
nostre seing cy mis le xxix e jour de juin mil six cent soixante-
six.
Bénigne de S'-Mars.
Derrière la quittance, on lit ces mots de la main du capitaine :
Pour servir de quitence de la somme de cent livres pour
le bois et chandelle pour chambres de monsieur Fouquet et
cors de garde pour le mois de juin de la présente anné
1666.
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FRÉDÉRIC-GUILLAUME III
ROI DE PRUSSE
Le comte d'Artois devint roi de France le 16 septembre 1824, par
suite de la mort de son frère Louis XVIII, et il prit le nom de Charles X.
Il se fit sacrer à Reims le 29 mai 1825. Tous les souverains d'Europe
avaient, selon la coutume, délégué à cette cérémonie des représentants.
Le roi de Prusse, Frédéric-Guillaume III, qui avait connu personnel-
lement le comte d'Artois pendant son long exil, choisit pour son repré-
sentant le général de Zastrow. Ce dernier s'était distingué dans cette
mémorable campagne de France, qui avait rendu le trône aux Bour-
bons. Frédéric-Guillaume III chargea son envoyé de remettre à Charles X
la lettre autographe que je publie ci-après :
Monsieur mon frère,
Le couronnement de Votre Majesté met le dernier sceau à
la restauration, que le besoin et les vœux de l'Europe et de
la France appelaient également. Cette auguste cérémonie
répand un nouvel éclat sur un règne qui a commencé sous
les plus heureux auspices. L'Europe entière est intéressée à
ce grand événement qui consolide Tordre social et la paix du
monde civilisé. Vous connaisses, Sire, mes sentimens pour
vous et rattachement que je vous ai voué pour la vie ; vous
savez aussi combien me sont chers les principes qui forment
aujourd'hui de toute l'Europe une seule famille et qui sont
gravés dans votre cœur comme dans le mien ; mais je suis
jaloux de vous exprimer mes sentimens dans cette occasion
d'une manière marquée et particulière. J'ai chargé mon
général d'Infanterie de Zastrow d'en être l'interprète auprès
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FRÉDÉRIC-GUILLAUME III *jS
de vous, Sire, dans ce moment solennel, et d'assister en mon
nom à une cérémonie qui comble vos vœux et ceux de tous
vos alliés et amis. Puisse le Dieu de vos Pères vous bénir et
vous protéger. Puisse-t-il vous faire trouver dans le bonheur
et dans la reconnaissance de votre peuple la seule récom-
pense qui soit digne de votre cœur.
C'est avec ces sentimens que je ne cesserai d'être
4^> ^/jT~ jT^***»
Berlin, ce 7 may 1825.
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LE CARDINAL ALBERONI
Louis XIV étant mort le i" septembre 1715, le duc d'Orléans fit
aussitôt casser par le Parlement le testament royal qui lui accordait la
Régence, mais avec de trop grandes réserves. Il obtint l'autorité toute
entière et fit part aux Souverains étrangers de la mort de Louis XIV
et de son avènement à la Régence. Le roi d'Espagne Philippe V
ambitionnait cette haute situation, qui lui aurait permis de gouverner
deux États et de s'ingérer dans les affaires de France; mais il dut dissi-
muler, et, le 16 septembre 171 5, son premier ministre Alberoni
adressa au Régent une lettre de félicitations, dont voici le texte :
Monseigneur,
V. A. R. veut bien que je puisse regreter la perte que
vient de faire la France pour la mort d'un si grand Roy,
mais dans le même tems, que je puisse m'en consoler de la
voir réparée par la Régence, que V. A. R. vient de prendre,
dont la prudence, la sagesse, la capacité et l'expérience vont
faire en sorte qu'on ne s'en repentira point, non seulement
pour le dedans de la France que pour le dehors. Cette cour icy
a été pénétrée et fort sensible à tout ce que V. A. R. luy a
escrit, la voyant dans les principes et dans les maximes
dignes de la grande sagesse de V. A. R., et qui vont establir
l'union et l'intelligence très nécessaires pour assurer le repos
et le bonheur des deux courones. Ces sont les vœux les plus
ardents que je feray sans cesse, aussy bien pour une parfaitte
santé et longue vie de V. A. R. de laquelle dépend unique^
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LE CARDINAL ALBERONI 77
ment le salut delà plus grande partie de l'Europe. Je supplie
V. A. R. de me regarder comme une personne qui luy est
entièrement et fidèlement dévouée et qui sera toute sa vie
avec un profond respect
Monseigneur
de V. A. R.
Madrid, ce 1 6 septembre 1 7 1 5 .
Les termes de cette lettre sont d'autant plus curieux que le Régent
n'eut pas désormais de pire ennemi qu'Alberoni, qui faillit même le
renverser, lors de la conspiration de Cellamare.
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JOSEPH II
EMPEREUR D'ALLEMAGNE
L'archiduc Joseph, fils aîné de l'empereur François i« r et de la
grande Marie-Thérèse, épousa, le 6 octobre 1760, Marie- Elisabeth,
fille de Philippe, duc de Parme, et de Louise-Elisabeth de France,
fille de Louis XV. Cette princesse mourut de la petite vérole le 27 no-
vembre 1763, laissant une fille. Le i3 janvier 1765, l'archiduc épousa,
en secondes noces, Joséphine-Antoinette de Bavière, fille de l'empereur
Charles VU. Le 18 août suivant il succéda à son père comme empereur
d'Allemagne sous le nom de Joseph II. Sa seconde union fut moins
heureuse mais aussi courte que la première. Joséphine-Antoinette
mourut le 28 mai 1767. Joseph II, qui prit dès lors la résolution de ne
pas se remarier, concentra toute son affection sur sa fille unique.
En 1 768 il fit peindre le portrait de cette enfant, alors âgée de six ans, et
l'envoya au roi Louis XV. Il accompagna cet envoi de la lettre suivante
qui mérite d'être conservée :
Ma petite ne se présentera pas, même en peinture, à son
cher Grand Grand Père, sans que je l'accompagne de ces
lignes. Qu'il m'est doux, chère Grand Père, de pouvoir me
servir de l'envoy de ces portraits, pour vous y réitérer tous
les sentiments que l'amitié la plus vraie, l'estime et la plus
sincère tendresse, savent faire naître dans un cœur aussi
sensible et vrai que le mien. Oui, c'est avec mille plaisir que
j'ose vous présenter ici ma fille, qui, unique gage de la plus
digne Epouse, est d'un prix infini à mon cœur. Le grand
Portrait peint à l'huile est très resemblant; vous n'y trou-
vères guerre jusqu'asteur, chère Grand Père, des traits assés
developés, pour lui trouver de la ressemblance avec feu sa
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JOSEPH II 79
charmante mère; mais sa vivacité, son esprit, sa facilité à
concevoir ses petites leçons, me font espérer qu'elle aura de
son caractère et de ses qualités essentielles, qui nous ren-
doient tous si heureux, A ce prix, je lui fais voiontié grâce
de la figure. Que ce portrait, chère Grand Père et respec-
table ami, vous fasse quelquefois souvenir de moi. Ma fille,
que j'embrasse journellement, me rapelle toujours qu'elle
est du sang de Bourbon et que ce n'est que, tant que nous
sommes liés politiquement et conjugalement même avec lui,
que nous sommes tranquilles, et moi heureux. Adieu, chère
grand Père; je vous embrasse de bien bon cœur et serai
éternellement
A mon frère et grand-père le Roi très chrétien.
Vienne, ce 7 avril 1768.
Ce rejeton des .Bourbons mourut le 24 janvier 1770, dans sa hui-
tième année. Joseph II réalisa, néanmoins, le vœu qu'il avait formulé
de rester lié politiquement et conjugalement avec la maison de
Bourbon, car, cette même année, il conclut le mariage de sa sœur
l'archiduchesse Marie-Antoinette avec le dauphin de France,
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LE MARÉCHAL BRUNE
Après le retour de Napoléon de l'île d'Elbe, le duc d'Angouléme se
rendit à Marseille, dont la population, qui avait toujours été hostile au
régime impérial, offrait les moyens d'organiser un centre de résistance
à l'usurpateur. Le maréchal Masséna commandait alors à Marseille et
dans toute la région du Midi. Ce vieux soldat républicain n'aimait ni
Napoléon ni les Bourbons; indifférent aux questions de dynastie, il
veillait seulement à ce que, sous le prétexte de venir au secours de
Louis XVIII, les Anglais ne s'emparassent de Marseille ou de Toulon
comme en 1793. Après que le duc d'Angouléme eut été pris par les
soldats bonapartistes, Masséna, préoccupé du danger de livrer à nos
ennemis nos ports du Midi, se retira, au commencement du mois
d'avril 181 5, à Toulon, où il fit arborer le drapeau tricolore : puis, il
somma Marseille d'abattre le drapeau blanc. Le 10 avril cette ville
royaliste proclama le rétablissement de l'empire. A cette nouvelle,
Napoléon manda Masséna auprès de lui et donna au maréchal Brune
le commandement du Midi. Brune partit aussitôt pour Marseille ;
après s'être rendu compte de la difficile mission qu'il avait à remplir
au milieu de ces populations hostiles, il écrivit, le i or mai, au minis-
tre de la guerre Davout la lettre suivante, qui est un document
curieux pour l'histoire des Cent jours :
Monsieur le Maréchal,
Le lieutenant général Dalton est arrivé. L'esprit de Mar-
seille est toujours le même. Une personne sage, attachée à
l'Empereur, me disait, il y a deux jours, que si on dépavait
les rues on trouverait une fleur de lys sous chaque pavé. Le
désarmement paraît indispensable, mais il ne peut être assuré
que par l'arrivée des troupes. Il faut un prétexte de malveil-
lans, mais il n'est malheureusement que trop effectif. Cepen-
dant il faut aussi que le pays soit tranquille aux yeux de
l'Europe, pour qu'il n'y ait rien qui paraisse compromettre
Punité de l'Empire.
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LE MARECHAL BRUNE 8l
Ma tâche est difficile à remplir : je dois tenir une ligne
sage et ferme à la fois entre les excès. Des instructions, un
pouvoir plus étendu me seraient peut-être nécessaires. Votre
Excellence jugera sans doute convenable de soumettre ces
idées à l'Empereur et je Ten prie.
Les troupes de Corse ne sont pas arrivées. Le M d Suchet
a arrêté la marche d'un bataillon du i3* de ligne.
Le préfet maritime de Toulon me demande où sera prise
la pharmacie pour l'Isle d'Elbe. Il attend les bâtiments de
Corse pour organiser l'expédition de l'Isle d'Elbe. Il attend
aussi le général Dalesme. Le bataillon du 1 6* est à Marseille
prêta partir pour Toulon. Le 1 6* est le seul corps apparte-
nant à la Provence qui s'y trouve disponible.
L'organisation des gardes nationales sera lente, très lente
et mauvaise. Il n'y a pas ensemble d'ordre.
Votre Excellence ne pourrait-elle pas augmenter mes
forces, du moins par des gardes nationales d'autres départe-
mens ? Avec des forces premières, il faudra bien qu'on marche
ici dans la bonne voie, comme le reste de la France ; mais
il n'est pas prudent de menacer sans pouvoir punir, et com-
mander sans être sur d'être obéi. J'attens avec impatience
le 14* de chasseurs à cheval. Les choses commenceront à
changer; la police ne sera plus un vain nom.
Je prie votre Excellence de m'envoyer le général Guille-
met. Je travaille seul.
Agréez, Monsieur le Maréchal,
les assurances* de la plus haute considération.
M d Brune.
Marseille, i* mai i8i5.
Son Excellence le Prince d'Eckmulh, Maréchal, [Ministre
de la Guerre.
ii
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I
RELIQUES DE SAINTE HÉLÈNE
Sainte Hélène, mère de l'empereur Constantin, mourut à Nicomédie
vers 327. Son corps fut transporté à Rome, où il fut déposé dans le
tombeau des Empereurs (1). En 844 le moine Theugise rapporta ces
précieux restes de Rome à Pabbaye d'Hautvillers, située à quatre
ou cinq lieues de Reims (2). • *
Au commencement du XV e siècle, la châsse qui renfermait le corps
de sainte Hélène étant en mauvais état, l'abbé d'Hautvillers, Jean
Bocheron (3), résolut de déposer ces saintes reliques dans une nouvelle
châsse en argent. Cette translation eut lieu en grande pompe le
7 mai 1410, par-devant Simon de Cramaud, archevêque de Reims, et
plusieurs autres ecclésiastiques, et en présence d'une foule considérable
de fidèles. Un acte authentique fut dressé et signé par l'archevêque et
ses assistants. J'ai retrouvé l'original de ce document, qui a été
reproduit dans les Acta Sanctorum (4). J'ai comparé les deux textes et
reconnu quelques variantes. Aussi ai-je cru utile d'en publier de nou-
veau le texte et de faire reproduire l'original en fac-similé.
(!) D'autre part les Grecs affirment que sainte Hélène fut inhumée à Constantinople,
d'où les Vénitiens la transportèrent, en iaia,à Venise. Les Romains, de leur côté, sou-
tiennent que le corps de sainte Hélène est encore à Rome, dans l'église d'Ara Cœli.
(a) Hautvillers était une abbaye de l'ordre de Saint-Benoît, qui fut fondée, vers 66a, sous
l'invocation de saint Pierre et de saint Paul. Elle a fourni à l'Église plusieurs prélats
remarquables (Cf. Dictionnaire des Abbayes, coll. de l'abbé Migne). — On trouve, dans
les Acta Sanctorum. u III, p. 601, une relation du transport du corps de sainte Hélène
de Rome à Hautvillers : « Historia translatants ad cœnobium Altivillarense, auctore
Alamanno, ejusdem cœnobii monacho. • Flodoard, dans son Histoire de l'Église de
Reims, a donné aussi une relation de cet événement.
(3) Jean Bocheron était abbé d'Hautvillers, depuis i3oj. Il mourut le i« septembre 141 1
et il fut remplacé par Guillaume Fillastre, qui figure dans l'acte publié ci-après (Cf. Gallia
christ iana, t. IX, col. a5a).
(4) T. III, p. 604,
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i
j
..■ J ^"
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RELIQUES DE SAINTE HÉLÈNE 83
In nomine Domini amen. Anno Domini millesimo quadri-
ngentesimo decimo, die sept ima mensismaii,indictionetertia,
pontificatus sanctissimi in Christo patris et domini nostri (i)
domini Alexandrie divina providentia pape quinti, anno
primo, Nos Symon de Cramaudo, Lemovicensis diocesis,
permissione divina archiepiscopus Remensis et dudum pa-
triarcha Alexandrinus, truncum corporis béate Hélène, regine,
matris Constantini imperatoris, que crucem Domini invenit,
dudum circa annum Domini octingentesimum quadrigesimum
quartum, de basilica beatorum Marcellini et Pétri, Rome (2),
ad diocesum Remensem per Theugisum monachum trans-
latum, proutexlitteris predecessorum nostrorum et antiquis
hystoriis aliis que documentis fidem accepimus, in ecclesia
monasterii Altivillarensis, dicte nostre diocesis, de veteri thoca
in aliam novam argenteam, quam ad hoc Johannes, venera-
bilis abbas dicti monasterii, paraverat, reverenter transtu-
limus. Pro cujus reverencia specialiet spiritualifidelium pro-
fectu, singulis qui in festivitatibus invencionis et exaltacionis
sancte Crucis necnon dicte sancte Hélène, in augusto et fe-
bruario, dictam ecclesiam dévote et in statu gracie visitaverint,
quadraginta dies indulgencie singulis ipsarum festivitatum
diebus contulimus, perpetuis temporibus durature. Actâ vero
fuerunt hec super altare majus ipsius monasterii anno, die,
indictione et pontificatu predictis, p resenti bus ad hec dicto
abbate et conventu dicti monasterii, atque venerabilibus viris
Guillermo Filiastri, utriusque juris doctore, decano, Poncio
de Ulmonte et Simone de Ulmonte, canonicis nostre Remensis
ecclesie, Sacre pagine professoribus, Johanne Raymondi,
canonico Suessionensi, officiali nostro, ac religioso viro Fal-
cone de Roeria, licenciatis in decretis, priore de Argentieyo (3),
(1) Nostri est omis dtns les Acta Sanctorum.
(2) Le texte des Acta Sanctorum porte Routa.
(3) Le texte des Acta Sanctorum porte Argtnteyo.
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84 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES
Cenomanensis (i) diocesis, et populi multitudinecopiosa. Qui
prcnominati (2) inferius propriis manibus se subscripserunt,
unacum nostro notario infrascripto.
Simon, archiepiscopus Remcnsis.
G. Filiastri, decanus. .
Pondus de Ulmonte.
S- de Ulmonte.
Johannes Raymondi, officialis (3).
Fulco de Roeria, Lemovicensis diocesis, manu
propria (4).
Au nom du Seigneur, ainsi soit-iL L'an du Seigneur mille quatre
cent dix, le septième de mai, troisième indiction, la première année du
pontificat du très Saint père en Christ et notre seigneur Alexandre, par
la divine providence pape, cinquième du nom, Nous Simon de Cra-
maud, du diocèse de Limoges, par la permission divine archevêque de
Reims et naguère patriarche d'Alexandrie, nous avons pieusement
transporté le tronc du corps de Sainte Hélène, reine, mère de l'empe-
reur Constantin, qui trouva la croix de Notre-Seigneur, apporté
naguère vers l'an 844 de la basilique des Saints Marcellin et Pierre,
à Rome, au diocèse de Reims par le moine Theugise, ainsi qu'en font
foi les lettres de nos prédécesseurs, les anciennes histoires et les docu-
ments, nous Pavons transféré dans l'église du monastère d'Hautvillers,
de notredit diocèse, d'une vieille châsse dans une nouvelle en argent,
que Jean, vénérable abbé dudit monastère, avait préparée à cet effet.
Pour la révérence spéciale de ce corps et pour le profit spirituel des
fidèles, à chacun de ceux qui, dans les fêtes de l'invention et de l'exal-
tation de la Sainte Croix ainsi que dans la fête de Sainte Hélène, aux
mois d'août et de février, visiteront dévotement et en état de grâce
(1) Gt nom est en blanc dtnt les Acta Sanctorum.
(s) Les Acta Sanctorum portent seulement nominati.
(3) Jetn Rtymond devint vicaire général de l'archevêque de Reims (Cf. Acta Sanctorum,
t. III, p. 604).
(4) Dtnt les Acta Sanctorum, la formule : Lemovicensis diocesis manu propria, suit la
signature de l'archevêque. Si on s'en rapporte au texte de l'acte, on voit que Simon de
Cramaud éttit en effet du diocèse de Limoges ; mais, dans l'original — comme on pourra
s'en convaincre par l'examen du fac-similé — la formule ci-dessus est de la main de Foul-
ques de Roeria*
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RELIQUES DE SAINTE HÉLÈNE 85
ladite église, nous avons accordé, chaque jour desdites fêtes, quarante
jours d'indulgence perpétuelle. Ce fut fait sur le grand autel dudit
monastère, Tannée, le jour, l'indiction et le pontificat susdits, en pré-
sence dudit abbé et couvent dudit monastère et de vénérables per-
sonnes Guillaume Fillastre, docteur de l'un et l'autre droit, doyen,
Pons de Ulmont et Simon de Ulmoot, chanoines de notre église de
Reims, professeurs d'écriture sacrée, Jean Raymond, chanoine de
Soissons, notre officiai, et de religieuse personne Foulques de Roeria,
licenciés en décrets, du prieur d'Argenteuil, du diocèse du Mans, et
d'une grande foule de peuple. Les susnommés se sont souscrits plus
bas de leurs propres mains, avec notre notaire soussigné.
Simon de Cramaud était un personnage considérable dans l'Église.
Né à Cramaud, près de Rochechouart, en Poitou, il avait été succes-
sivement évéque d'Agen, de Béziers, d'Avignon et de Poitiers. Il avait
combattu avec zèle les prétentions de l'anti-pape Benoît XIII, et la
vigueur qu'il avait déployée à cet effet pendant le concile de Pise (1409),
lui avait valu l'archevêché de Reims et le patriarchat d'Alexandrie. Un
suprême honneur lui était réservé ; en 1413 il fut élevé au cardinalat
par le pape Jean XXIII. Il mourut en 1429 et fut inhumé, selon l'his-
torien Jean Besly, dans l'église de Saint-Pierre de Poitiers.
Guillaume Fillastre, qui figure en seconde ligne dans la translation
des reliques de sainte Hélène, était l'antagoniste de Simon de Cramaud.
Né en 1347 ^ * a Suze, dans le Maine, ou à Huillé, dans l'Anjou, il
avait soutenu l'anti-pape Benoît XIII. Il était, en 1410, doyen du
chapitre de Reims, où il professait la théologie et les mathématiques.
Quoique Fillastre eût toujours combattu Jean XXIII, celui-ci le créa
cardinal en 141 1. Le nouveau cardinal devint archevêque d'Aix en 1421
et se retira ensuite à Rome, où il mourut le 6 novembre 1428.
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LE GÉNÉRAL BERNADOTTE
En 1797 Bernadotte passa de l'armée de Sambre-et-Meuse à l'armée
d'Italie. Là il fut sous les ordres d'un général plus jeune que lui, mais
déjà illustre, Bonaparte. On dit que les deux compagnons d'armes
portèrent l'un sur l'autre des jugements peu favorables. Bernadotte
aurait prononcé ces mots prophétiques : « Je viens de voir un homme
de vingt-six à vingt-sept ans, qui veut avoir l'air d'en avoir cinquante,
et cela ne me présage rien de bon pour la République. » D'autre part
Bonaparte aurait dit de Bernadotte : « C'est une tête française sur le
cœur d'un Romain. » Quoi qu'il en soit de ces prétendus mots histo-
riques, il est certain que Bernadotte n'eut pas à se plaindre de Bona-
parte. Le Corse et le Béarnais, ces deux fondateurs de dynasties,
vécurent en bonne intelligence. La lettre suivante, adressée au vieux
général Kellermann, en est la preuve. On y remarquera cette phrase
caractéristique : « J'épouse la gloire de l'armée d'Italie ; je m'attache à
celle de son jeune général. »
Egalité Liberté
Padoue, le 18 ventôse
5 f année républicaine (1).
Vous êtes indulgent, mon cher respectable Général, vous
pardonnes la paresse? ma lettre est tardive; mais, quoique
j'aye négligé de vous écrire, le souvenir de vos bontés ne s'est
point effacé de ma mémoire. Je le conserveray tant que durera
mon existance en m'estimant heureux d'avoir votre amitié.
Je n'ay pas à me plaindre de l'accueil qu'on m'a fait à
l'armée. Si j'en juge d'après les apparences, je serviray agréa-
it) 8 mars 1797.
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LE GÉNÉRAL BERNÂDOTTE 87
blement. S'il en étoit autrement, j'auray fait ma grande école
et je payerai cher mon déplacement, car j'étois, toute vanité
mise de côté, estimé à Parmee de Sambre-et-Meuse. Je ferai
mes efforts pour mériter la bienveillance de mes camarades.
Je mettrai à profit les conseils que vous avés pris la peine de
me donner et je m'abandonneray au hazard des événements,
en me mettant toujours au dessus d'eux. J'épouze la gloire
de Tannée d'Italie; je m'attache à celle de son jeune général.
Je désire qu'il ne soît pas ingrat, car son bonheur me tient
fortement au cœur.
Vous n'apprendrez pas sans intérêt, mon cher général, que
je conserve cinq 1/2 brigades et un régiment de cavalerie.
Cette manière d'agir du général en chef a du exciter ma recon-
noissance; aussi j'i suis sensible. Ma division se ressemblée
Padoue, après quoi j'espère qu'elle entrera en ligne. J'aurai
souvent le plaisir de vous écrire; ne me privés pas, je vous
prie, de celui d'apprendre de tems à autre que vous vous
portés bien. Je n'ay pas encore vu votre fils; il me tarde de
faire sa connoissance. Bonjour, mon brave général, conservés-
moy votre tendresse et recevés l'assurance que je ressentiray
vivement tout ce qui arrivera d'heureux à ce qui vous inté-
resse.
P. S. J'ai reçu l'ordre d'établir les dépôts de ma Division
à Portolegnago. Je vous serai obligé d'ordonner à tous les
détachements qui se trouvent dans le Montblanc d'en partir
pour se rendre à Milan et de là à Portolegnago.
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JEAN SANS PEUR
DUC DE BOURGOGNE
De tout temps la Bourgogne a été un pays de bonne chère. Ses
vignobles, justement renommés, constituaient une richesse incompa-
rable. Les souverains de ce pays fortuné savaient en apprécier, comme il
convenait, les précieux produits, et ils se réservaient le vin des crus les
plus renommés. Jean sans Peur aimait particulièrement celui de Beaune,
dont il avait soin de garnir ses caves. Le receveur des aides de Beaune
et de Nuits était chargé de veiller à cette dépense. La lettre suivante de
Jean sans Peur en fait foi.
Jehan, duc de Bourgoingne, conte de Flandres, d'Artois
et de Bourgoingne, Palatin, seigneur de Salins et de Malins,
à noz amez et féaulx les gens de noz comptes à Dijon, salut
et dilection. Comme nostre bien amé receveur des aides ès-
sièges de Beaune et de Nuiz et commis par nous à faire noz
garnisons de vins de Beaune, Perrenot Quinot, du mande-
ment et ordonnance de noz maistres d'ostel ait esté dudit
lieu de Beaune en ceste ville de Paris par devers nous, pour
monstrer Testât de sa recepte et savoir se sur icelle se
pourroit prendre l'argent de quatre vins ou cent queues de
vin dudit lieu de Beaune, que lesdiz maistres de nostredit
hostel lui avoient escript arrester oultre et par dessus ce que
par eulx lui avoit esté dernièrement ordonné, avec lequel
Perrenot Quinot iceulx noz maistres d'ostel ont eu advis sur
le fait desdiz vins, et aussi de sa dicte recepte, où il ait
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JEAN SANS PEUR, DUC DE BOURGOGNE 89
demouré et séjourné pour lesdictes causes dès le vi* jour de
ce présent mois jusques au mil* jour d'icellui ensuivant,
comme par certification d'iceulx maistres de nostredit hostel,
escripte ledit xnn f jour de ce présent mois, peut apparoir,
cinq jours qu'il vacqua à venir et autres cinq jours qu'il
mectra à soy en aller, où sont comprins dix huit jours en-
tiers; savoir vous faisons que, pour chascun desdiz jours,
audit Perrenot Quinot avons tauxé et tauxons par ces pré-
sentes, oultre et par dessus tous gaiges ordinaires ou pensions
quelconques qu'il ait et prengne de nous, ung franc, qui mon-
tent ensemble à la somme de dix huit frans. Si vous mandons
alouer ès-comptes et rabatre de la recepte dudit Perrenot
Quinot icelle somme de xvm frans, par raportant avec ces
présentes ladicte certification seulement, sans aucun con-
tredit ou difficulté, non obstant quelconques ordonnances,
mandemens ou défenses à ce contraires. Donné à Paris le
xxin* jour d'avril Tan de grâce mil cccc et dix.
Par Monseigneur le Duc à vostre relation
J. de Sauls.
Ce curieux document m'a été gracieusement communiqué par
M. Antonin Voisin, qui le conserve dans sa collection beaunoise.
12
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gî REVUE DES DOCUMENTS/HISTORIQUES
lieu dans leurs établissements que de l'agrément de l'autorité.
Persistant, Monsieur le Ministre, dans cette détermination
àJ'égard de ce Directeur, j'ai cru convenable de vous en in-
former, dans la confiance que vous y donnerez votre appro-
bation.
Agréez, Monsieur le Ministre, l'hommage démon respect,
Le Conseiller d'État, Préfet de Police,
Gisquet.
Le ao janvier le ministre du commerce et des travaux publics répondit
au Préfet de police la lettre suivante :
MINISTÈRE
DU COMMERCE
ET DIS
travaux publics Paris, le 20 janvier 1834.
Monsieur le Préfet, j'ai reçu votre lettre en date du 16
janvier courant par laquelle vous me faites connaître la con-
duite inconvenante du Directeur de V Ambigu-Comique et la
mesure que vous avez prise à son égard.
Je ne puis qu'approuver cette mesure. Quoique le sieur de
Cescaupène ait toujours eu soin de ne jouer aucune pièce
nuisible à la tranquillité publique, il s'est rendu par l'acte
que vous me signalez indigne de l'autorisation de donner des
bals.
Toutefois, je regrette, Monsieur le Préfet, que le sieur de
Cescaupène ait pu croire, d'après les autorisations accor-
dées à d'autres directeurs, qui sont moins dévoués au Gou-
vernement, d'après les autorisations accordées pour les ba-
zars Montesquieu et Saint-Honoré, dont les entrepreneurs
sont en contravention avec vos arrêtés, ait pu croire, dis-je,
que l'administration manquait de justice à son égard.
Au milieu de vos soins si éclairés pour le maintien de Tordre
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LES BALSL MASQUÉS A PARIS 9$
et de la tranquillité publique, je vous prie de ne pas perdre
de vue qu'il importe que l'administration favorise autant que
possible la prospérité des théâtres, et surtout de ceux dont
les directeurs ne sont pas hostiles au Gouvernement.
Néanmoins la conduite du sieur de Cescaupène a été telle
que, quelque soient les motifs qui puissent être allégués pour
r excuser, il me parait convenable de maintenir votre refus.
Agréez, Monsieur le Préfet, etc.
M. le Conseiller d'État, Préfet de Police.
Le Préfet crut devoir justifier sa conduite et, dans ce but, il donna
au ministre de plus amples renseignements dans sa lettre du i3 janvier,
qui marqua la clôture de ce curieux incident parisien.
PRÉFECTURE Paris, le 23 janvier 1834.
I>E POLICE
secrétariat A son ExcelIence Ie Ministre
général du Commerce et des Travaux publics.
2* ^Bureau.
ob~rr«tion. .ur les Monsieur le Ministre,
bals 1
ont li
Théat
pitale
bals masqué» oui
Théâtres de la c- Votre Excellence, en donnant par la lettre
qu'elle m'a fait l'honneur de m'écrire le
20 courant, son approbation à la mesure
qui interdit, cette année, les bals masqués au Théâtre de
P Ambigu-Comique, exprime en même temps l'intention de
voir autant que possible favoriser la prospérité des Théâ-
tres, et notamment les Directeurs qui ne sont pas hostiles
au Gouvernement, et ce, de préférence aux établissemens des
Bazars Montesquieu et Saint-Honoré, qui exploitent ce genre
d'industrie.
Je crois devoir ajouter aux observations que j'ai eu l'hon-
neur d'adresser à ce sujet à votre Excellence, le 16 courant,
quelques réflexions qui lui démontreront, j'espère, que mon
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94 REVUE DBS DOCUMENTS HISTORIQUES
administration s'est toujours proposé le but qu'elle indique,
et que ses instructions à cet égard ont été remplies autant
que possible.
Il suffira de rappeler à votre Excellence quel était l'état des
choses avant la Révolution de Juillet.
Un seul théâtre, l'Opéra, avait la faculté de donner des
bals masqués. Il tenait son droit du décret de 1806. Avant
i83o, l'administration crut devoir, avec l'agrément du Direc-
teur de TOpéra, étendre cette faculté à trois autres Directions.
En conséquence, elle désigna l'Odéon, la Porte Saint-Martin
et le Cirque comme les seuls théâtres qui seraient en posses-
sion de donner des bals dans Paris.
Postérieurement, et dans l'hiver de i83oà i83i, la plu-
part des Directions théâtrales se croyant affranchies, par les
événements de la révolution, des règles de leurs privilèges,
usurpèrent généralement le droit de donner des bals mas-
qués. Ainsi, à l'exception des Français, du Vaudeville et des
Italiens, il y eut des bals masqués, pendant près de deux mois,
dans tous les théâtres de la Capitale.
Mon administration, dans cette année, ainsi que dans
l'hiver de i832, voulut bien, en raison des circonstances
difficiles où la Révolution avait placé les Directions théâ-
trales, tolérer ces usurpations, mais en se promettant d'ap-
porter, par la suite, une amélioration dans ces réunions
nocturnes qui étaient continuellement la cause de scènes
d'immoralité, de danses indécentes et de paroles obscènes.
Cette année donc, avant l'époque du Carnaval, j'ai jugé
convenable, afin de prévenir le retour de semblables excès,
de restreindre le nombre des bals, d'en fixer l'ouverture au
5 janvier courant, d'imposer des conditions rigoureuses aux
Directeurs, ainsi que la présence d'un grand nombre d'agens
de mon administration dans leurs théâtres, pour y maintenir
l'ordre et la décence publique.
Quant à l'Opéra, je n'ai pas eu à m'en occuper sous le
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LES BALS MASQUES A PARIS g5
rapport d'une autorisation; il tenait son droit de la loi, et
l'administration n'a que des félicitations à adresser à son
Directeur pour la bonne marche qu'il donne à ces réunions.
Relativement à l'Odéon, M. Harel, tenant de votre Excel-
lence la faculté d'y donner des bals masqués, je me suis fait
un devoir d'assurer l'exécution immédiate de sa décision.
Trois autres directions théâtrales, savoir : le Palais Royal,
les Variétés et la Porte Saint-Martin, étaient en demande
auprès de ma préfecture dès le mois de décembre dernier
pour user pareillement de la faculté de donner des bals mas-
qués.
Devais-je autoriser ces Directeurs à l'exclusion des autres ?
Telle était la question à examiner. Pour le théâtre de la
Porte Saint-Martin, cela ne faisait aucun doute; cet établis-
sement était en possession de donner des bals avant la Révo-
lution.
Restaient les bals du Palais Royal et des Variétés à auto-
riser : les goûts du public, et ses habitudes dans ces théâtres
à la présente époque, m'ont paru des motifs suffisans pour
les permettre dès le 5 janvier, et, en outre, j'ai pensé qu'en
raison du prix élevé des entrées, on y obtiendrait une compo-
sition meilleure que dans les théâtres de l'Ambigu et des
Boulevards, où l'on est dans l'usage de délivrer une grande
quantité de billets à un franc, ce qui donne lieu à des réu-
nions turbulentes et extrêmement difficiles à surveiller.
Voici, Monsieur le Ministre, les raisons d'ordre public
qui m'ont déterminé à ne permettre d'ici au 2 février, ouver-
ture du Carnaval, qu'un certain nombre de bals dans les théâ-
tres et à remettre à la dite époque ceux qui, par la composi-
tion du public qui les fréquente, n'offrent pas autant de
garanties à l'autorité.
J'ajouterai aussi que, si chaque théâtre avait été admis à
donner des balsa partir du 5 janvier, mon administration
aurait manqué de moyens de police et d'agens pour exercer
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g6 REVUE DES DO CUME NTS HISTORIQUES
la surveillance nécessaire au maintien de Tordre et de la mo-
rale publique dans ces réunions bruyantes.
M'expiiquant également sur la tolérance accordée par ma
préfecture aux établissemens des bazars Saint-Honoré et
Montesquieu qui leur permet des bals masqués, Votre Excel-
lence se rappellera facilement par quelle succession d'inci-
dents l'administration a été amenée à les tolérer.
C'est après avoir lutté très longtems contre ces établisse-
mens pour empêcher des concerts que Tune de ces entrepri-
ses, le Bazar Montesquieu, ayant fermé sa salle au bout de
quinze jours d'exploitation, a sollicité de nouveau, pour éviter
sa ruine et récupérer des pertes considérables, le bénéfice de
mon ordonnance qui permet l'ouverture des bals publics dans
Paris.
Le sieur Guiboud, possesseur de la salle Montesquieu,
payant un loyer de quinze mille francs, offrant dans sa per-
sonne des garanties à l'autorité et ne pouvant être assimilé à
un Directeur de théâtre dont le genre est tout à fait exclusif
du droit de donner des bals, devait nécessairement être admis
au bénéfice de cette ordonnance, et c'est ce qui a motivé mon
autorisation qui lui accorde des bals de nuit non masqués.
La réclamation du sieur Chabrand, entrepreneur des
concerts du Bazar Saint-Honoré, se basant sur les mêmes
motifs, j'ai du pareillement permettre des bals à cet établis-
sement, qui, plus que les théâtres, donne, par la bonne
composition de ses réunions, des garanties d'ordre public.
Mon administration n'a donc pas manqué de justice à
l'égard des Directeurs de théâtres en permettant les bals à ces
deux établissemens qui ont un genre spécial et n'ont aucun
rapport avec les théâtres qui cherchent à faire des bals l'objet
principal de leur exploitation, alors que ce genre de réunions
publiques n'en devrait être que l'accessoire passager.
Il faut que les Directeurs de spectacles sachent que le droit
de donner des bals n'est pas inhérent à leur privilège et qu'ils
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LES BALS MASQUES A PARIS 97
doivent se soumettre à l'ordonnance de police concernant les
bals, enfin, et que dans tous les cas il convient de ne pas lais-
ser ouvrir ni afficher des bals dans les théâtres, sans une
permission de Pautorité, qui doit régler les conditions néces-
saires au maintien de Tordre et de la tranquillité de la
Capitale. C'est pourquoi j'ai dû défendre le bal que M. de
Cescopenne avait affiché sans aucune permission : la mesure
de rigueur prise à ce sujet était un avertissement nécessaire.
Telle est, Monsieur le Ministre, la règle de conduite que je
me suis tracée en cette matière et que je compte améliorer,
tant que la direction de la police me sera confiée.
Je désire que cette marche obtienne votre assentiment.
Agréez, Monsieur le Ministre, l'hommage de mon respect.
Le Conseiller d'État, Préfet de Police,
Gisquet.
J'ajouterai aux observations ci-dessus que la surveillance
des bals dans les théâtres est un service fort pénible et dis-
pendieux pour mon administration, puisque les agensne sont
pas rétribués par les théâtres et sont obligés de passer la nuit.
Plus les prix d'entrée sont modiques et plus les bals sont
mal composés. Dès lors il faut un plus grand nombre d'agens
pour maintenir autant que possible le bon ordre.
Huit théâtres des boulevards donnant à la fois des bals
occupent la totalité des employés de la police municipale, et
dès lors le service manque dans les autres et très nombreux
établjssemens publics où l'on se livre au même divertisse-
ment. Il m'est dès lors impossible de suffire à tout et Pinçon*
vénient est d'autant plus grave qu'après avoir passé la nuit
les agens fatigués ne peuvent faire aucun service pendant le
jour suivant. Il y a donc nécessité de limiter sévèrement le
nombre des bals qui peuvent être ouverts dans les théâtres ( i).
(1) Ce post-scriptum est de la main de Gisquet.
i3
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BEFFROY DE REIGNY
ET MADEMOISELLE DEVIENNE
Louis-Abel Beffroy de Reigny, né â Laon le 6 novembre 1757, fit
ses études à Paris, au collège Louis-le-Grand, où il eut pour condis-
ciples Camille Desmoulins et Robespierre. D'abord professeur au collège
de Cambrai, il abandonna bientôt la carrière de l'enseignement
pour se livrer entièrement à la culture des lettres. Il aborda le théâtre
en 1790 et obtint un succès éclatant par sa pièce de Nicomède dans la
lune ou la Révolution pacifique y dont les allusions politiques firent
fureur pendant quatre cents représentations. Dès lors Beffroy de
Reigny, qui avait pris le nom de Cousin Jacques, fut célèbre. Son
esprit malicieux et sa gaîté contribuèrent à sa réputation. Le Cousin
Jacques était galant et les actrices de la Comédie-Française n'avaient
qu'à se louer de ses aimables procédés. La belle Sophie Devienne (1)
était, au commencement de la Révolution, la reine des soubrettes, et
Beffroy de Reigny, qui écrivait des rôles pour elle, ne manquait pas de
lui rendre hommage. Le galant certificat qu'il délivra à mademoiselle
Devienne et dont le fac-similé est ci-contre, en est une curieuse
preuve.
Beffroy de Reigny, après avoir donné au théâtre plusieurs autres
pièces qui furent bien accueillies mais n'eurent pas la vogue de Nico-
mède, mourut à Paris le 17 décembre 181 1.
(1) Jeanne-Françoise Tbévenin, dite Sophie Devienne, née à Lyon le ai juin 1763»
débuta à la Comédie-Française le 7 avril 1785 et prit sa retraite en i8i3. Elle mourut
à Paris le 20 novembre 1841.
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BEFFROY DE REIGNT ET MADEMOISELLE DEVIENNE
99
* » V "•* 2. *À
J 1.1 f*
"^Vl*
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ORGANISATION DE LA POLICE
PAR FOUCHÉ, EN 1799
Lorsqu'en 1799 l'ex-conventionnel Fouché fut créé ministre de la
police générale, il s'occupa d'organiser les services de ce nouveau
ministère. Il adressa au consul Bonaparte un rapport très remarquable
où il exposa ses vues sur le rôle que la police doit jouer dans un État.
J'ai retrouvé l'original de ce document, qu'il me semble intéressant de
publier au moment où on agite si fortement la question de la réorga-
nisation de la préfecture de police.
MINISTÈRE DE LA POLICE GÉNÉRALE
DE LA REPUBLIQUE
Liberté \ Égalité
Citoyen Consul,
Vous m'avez ordonné hier de vous présenter, ce matin, le
tableau des agents nécessaires pour exercer la police. Il est
indispensable de faire précéder ce tableau de quelques idées
préliminaires, qui serviront à le faire comprendre.
C'est faute de réfléchir qu'on confond, sans cesse, la police
avec l'administration. Dans tous les états où ces deux choses
ne sont pas séparées, il n'y a pas de police. En Angleterre,
par exemple, où celui qui administre est également chargé
de la police, les brigands exercent leur métier de voleurs dans
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ORGANISATION DE LA POLICE PAR FOUGHE Iû3
les cités et dans les campagnes, presqu'avec autant d'ordre,
de méthode et de sécurité que les ouvriers de Birmingham
travaillent dans leurs atteliers.
L'administration et la police ont une marche bien diffé-
rente : l'administration se déploie et se manifeste sous les
yeux de tous; elle est soumise à des règles lentes et uni-
formes ; la police, au contraire, doit se faire sentir le plus
souvent sans se laisser voir; elle doit toujours veiller, tou-
jours agir et presque jamais éclater.
La police est donc un ministère d'action, C'est un levier
secret, mais puissant, mais indispensable entre les mains du
Gouvernement.
S'il est important pour tous les états d'avoir une police,
combien ce besoin est surtout sensible chez une nation où la
population est immense, où les passions sont très ardentes,
où les discordes civiles ne sont pas éteintes, où le Gouverne-
ment est à peine formé. Combien il est urgent d'y établir
une surveillance universelle, dont les règles soient conçues
par un même esprit, et dont l'action et les agents soient
dirigés par une seule main.
Indépendamment de ce qui est nécessaire à la sûreté des
États, il est dans la société un certain nombre de besoins
sociaux qui se détachent de tous les autres, même de ceux
dont ils sont les plus voisins, et qui ont ensemble de tels rap-
ports, que pour être bien remplis, il faut en confier le soin
à un pouvoir institué pour veiller sur tous à la fois.
Ces besoins ont infiniment plus de rapports entre eux
qu'avec tous les autres besoins de l'ordre social. La nature
des choses, qui sera toujours le modèle et la plus puissante
de toutes les lois sur la terre, commande de réunir ces be-
soins dans la même autorité et de les séparer de toutes les
autres administrations.
Quoique la police soit une justice et que la justice elle-
même ne soit qu'une police, elles sont cependant deux pou-
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104 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES
voirs très-distincts ; elles ont le même objet, mais des règles
différentes.
La police est en quelque sorte le pouvoir exécutif de la
justice.
C'est à tort qu'on a représenté la justice un glaive à la
main ; son glaive doit être dans les mains de la police.
Chez certains peuples on a supprimé ou affaibli la police
pour rendre la justice plus exacte ; il est arrivé de là que la
liberté publique et particulière, qui n'étaient pas menacées
par l'autorité, l'ont été continuellement par tous ceux qui
avaient l'audace du crime.
Toutes les opérations de la justice appartiennent par leur
nature à la logique, au raisonnement ; si vous y mêlez des
idées et des attributs de force, toutes les idées de sainteté,
que réveille le nom de la justice, s'évanouissent ou s'affai-
blissent.
La police, telle que je la conçois, doit être établie pour
prévenir et empêcher les délits, pour contenir et arrêter ceux
que les lois n'ont pas prévus. C'est une autorité discrétion-
naire dans la main du Gouvernement.
Elle doit avoir, dans toute l'étendue de la République, des
agens particuliers, les commissaires du Gouvernement près
les tribunaux criminels, des lieutenants de police, des sous-
lieutenants, des inspecteurs, des tribunaux de police.
Toute la gendarmerie doit être sous ses ordres immédiats.
Cette force, réellement militaire, paraîtra alors une force
civile, et il est très-utile qu'on lui donne des formes civiles
en lui laissant toute la vigueur militaire.
La police , considérée sous ce rapport, exigera, je le sais,
une législation toute nouvelle ; mais j'ai assez réfléchi pour
être autorisé à affirmer que cette législation, bien faite, répan-
drait un nouveau jour et une nouvelle perfection sur toutes
les parties des lois et de l'ordre social.
Une faut pas croire qu'une police, établie sur ces vues,
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ORGANISATION DE LA POLICE PAR FOUCHÉ 105
put inspirer des alarmes à la liberté individuelle ; au con-
traire, elle lui donnerait une nouvelle garantie et une puis-
sance plus pure et plus sûre d'elle-même.
Dans cette division et dans cette association de la justice
et de la police, — ces deux pouvoirs, dont chacun est très-
redoutable séparément, se serviraient mutuellement de limite
et de surveillance.
On voit combien il se présente de développemens et de
quelle haute importance ils seraient.
Fouché.
H
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LOUIS VII
ROI DE FRANCE
La charte de Louis VII, dont je publie ci-après le texte et le fac-
similé, faisait partie du chartrier de Saint- Van drille. Elle passa entre les
mains du bibliophile normand Lever, et figura à la vente de la biblio-
thèque de ce dernier sous cette mention : une charte très fruste. En
effet, grâce à l'humidité et aux rats, cette pièce, roulée et chiffonnée,
tombait presque en poussière. M. le docteur Bonnejoy Tacheta néan-
moins et il eut la patience d'employer à l'égard de ce document les
procédés dont les savants italiens usent pour les [manuscrits de Pompei.
Il parvint à réunir les nombreux fragments de cette charte sur une
grande feuille de vélin et à la reconstituer en son entier. M. le docteur
Bonnejoy fut récompensé de ses efforts, lorsqu'il se rendit compte de
l'intérêt considérable du document qu'il venait de sauver de la destruc-
tion ; aussi considère-t-il, non sans raison, cette charte comme un des
plus beaux ornements de sa collection sur Pontoise. Les érudits lui
sauront gré de cette habile restauration et de la libéralité avec laquelle
il a autorisé la reproduction de cette pièce.
Cette charte de Louis VII, donnée à Pontoise en 1 177, a pour but de
confirmer à l'abbaye de Saint- Vandrille une partie des donations que
le roi Childebert avait faites, en 704, à saint Bayn , abbé de Saint-
Vandrille. Elle concerne les évêchés de Paris, de Beau vais et d'Amiens,
et renferme des renseignements topographiques importants.
L'auteur de l'Anastase de Marcoussis l'a publiée dès le xvn* siècle,
à cause de la mention de Marchoucies ; mais le texte qu'il a donné est
incomplet (1).
Je dois à l'obligeance de M. Malte-Brun le texte complet de cette
précieuse charte, qu'il a copiée dans le « Registre des chartes et écritures
(1) CS. Histoire de Marcoussis, par V.-A. Malte-Brun; Paris, Aubry, 1867, in-12.
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LOUIS VII, ROI DE FRANCE IO7
du prieuré de Marcoussts fait par D. Guillaume La Vieille, prieur dudit
lieu, Tan mil vc et cinq. » Ce manuscrit est actuellement conservé
dans la bibliothèque de Rouen, Fonds Saint- Vandrille, Y 208.
Je publie cette charte de Louis VII sans commentaires. Je n'ai pour
but que de conserver par un fac-similé les restes d'un document que
de plus habiles que moi sauront utiliser. Je me bornerai à rappeler que
Pontoise y est appelée Pontesie^ au lieu de Pontisare, forme qu'on
trouve dans les chartes plus récentes, et qu'on a cru reconnaître Fon-
tainebleau dans la chapelle dite Fontana-Bertoldi.
In nomine Sancte et Individue Trinitatis, Ludovicus Dei
gratiaFrancorum Rex. Aregiemajestatis autoritateexigitur r ut
ipsius facta, nulliusantiquitate temporis,seu aliquorum mali-
gnantium incursu debilitari valeant vel quassari ; inde est quod
notum facimus uni versis, quod ad petitionem Anfreni, abbatis
Sancti Wandregisili, dilecti nostri, aliqua, que longis ante nos
temporibus ecclesia Sancti Wandregisili cum suis membris,
sicut carte quasi jam nimia vetustate consumpte testantur,
et nostro tempore bene et pacifiée dignoscitur habuisse, eidem
ecclesie in puram et perpetuam elemosynam donamus et nostra
autoritate ac Régis nominis subtus annotato caractère confir-
mamus, videlicet, ex largitione Hildeberti, invictissimi quon-
dam Régis Francorum: in episcopatu Bellovacensi Revecu-
riam et ecclesiam cum décima et appendiciis suis, capellam de
Faïel in Chiverieriis, sex hospites et partem decimarum Ron-
vilare et prata ac silvas; in episcopatu Ambianensi medietatem
de Bureyo et terram Unius-Carruce, et medietatem décime
et tertiam partem décime de Dors apud Saliacum quamdam
particulam terre. Item in eadem diocesi in pago Vimacensi
Dareneyum et ecclesiam cum tota décima, Vayncort et eccle-
siam cum décima et hospitibus. In episcopatu Parisiensi Alpi-
cum et ecclesiam cum tota décima et Visiniolum acde Monti-
yallem , et dimidium Viciniacas ac decimam Villiolis cortis et
in Marolio census et decimam vinearum Marchoucies et
ecclesiam cum décima et hospitibus; liberum insuper tran-
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108 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES
situm baccorum dicte ecclesie seu navium vina aut alia aliqua
deferentium ad usum monachorum per Sequanam ab omni
consuetudine et exactione in eundo et redeundo quantum se
extendit justicia nostra. In episcopatu Carnotensi Rodonium
et ecclesiam cum tota décima et census ac comparationem
vinearum de Monte Micelonis et très gordos ibidem, cum
duabus sedibus molendinorum ac mansum Sancti Mamini
cum aliqua parte decimarum. Ecclesiam de Rolleboise cum
decimis. Califurnum et ecclesiam cum decimis et duodecim
mansis dimidiam Francamvillam et ecclesiam de Villeta, cum
tota décima, tam in molendinis quam in agris et totum feodum
Uerlonis et terram duorum boum ; terram de Orhmari villa
capellam iuxta sitoliumque dicitur Fontana Bertholdi, cum
terra et hospitibus et terra de Duro-Campo et dimidiam
terram de Boscocorti et totam decimam istius ville. Hec in
dicto episcopatu Carnotensi nominata Cornes Manasses et
Buchardus donaverunt seu potius reddiderunt. Ut autem
dicta ecclesia premissa omnia firma et inviolabilia in perpe-
tuum teneat, presentem cartam sigilli nostri impressione
fecimus roborari.
Actum publice Pontesie, anno incarnati verbi m°c lxx°vii ,
astantibus in palatio nostro quorum nomina supposita sunt
et signa:
Signum Comitis Theobaldi, Signum Guidonis , buti-
dapiferi nostri. clarii.
Signum Radulfi, constabu- Signum Reginaldi, came-
larii. rarii.
Vacante Canccllaria.
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LE CANADA EN l63o III
la rivière de Nantes, ledit s r de Montigny donnera ordre au
cappîtaine Arnault, qui le commande, du lieu où il le puisse
attendre, affin d'aller de flotte aux costes de ladite Nouvelle
France.
S'estans joinctz, ledit s r de Montigny fera droitte routte
avec les six vaisseaux audit pals, en s'informant de Testât
auquel seront les Anglois en ladite coste, quel nombre de
vaisseaux et quelles forces ilz ont audit pais et habitations
qu'ilz ont occupez sur les François depuis le traicté de la paix.
Ledit s r de Montigny faisant la routte, rencontrant pirattes
et gens sans adveu, prendra son avantage pour les combattre
et prendre, pourveu que le combat ne puisse retarder ou
empescher son voyage.
Rencontrant vaisseaux du roy d'Angleterre aux costes dudit
pais d'Angleterre, les saluera, et les trouvans en plaine mer
se trouvant au vent d'eux, les saluera aussy.
Fera le semblable aux costes d'Espagne, rencontrant des
navires du roy d'Espagne.
Obligera lesdits vaisseaux d'Angleterre et d'Espagne à luy
rendre le semblable, lors qu'ilz seront à la veiie des terres de
France, et en mer estant au vent de luy.
Detouttes les prises qui seront faictes, ledit s r de Montigny
et autres cappitaines qui les feront, feront dresser de bons et
fidelz inventaires par l'escrivain du navire, sans que ledit
s r de Montigny ny autres y puissent rien divertir, ains les
feront conduire aux ports de France pour estre jugez, à peine
contre les contrevenans des peines portées par les ordon-
nances.
Ledit s p de Montigny obligera les cappitaines de prendre
l'ordre le soir et le mattin et de se tenir proche de luy, et
pourvoyra,encasqu'ilz soient séparez par tourmente ou brune,
à leur donner lieu où ilz se puissent rencontrer, pour ensemble
continuer leur routte.
Estant informé du nombre des vaisseaux que les Anglois
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112 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES
peuvent avoir audit pais de la Nouvelle France, en cas que
ledit s r de Montigny juge qu'il ayt besoing de plus grandes
forces pour obliger ces Anglois de se retirer des lieux qu'ilz
ont occupez audit pais depuis la paix, il luy est enjoint de se
faire assister des vaisseaux françois et des équipages qu'il
trouvera ez ladite coste. Il fera en sorte qu'en cas de résistance
de la part des Anglois, il se puisse rendre maistre dudit pais
et que l'avantage soit de son costé à l'honneur du Roy et de
la France,
Estant arrivé en la rivière Saint-Laurent et pais occupé
par les Anglois, verra de traicter à l'amiable avec eux et de
les obliger à la restitution tant du fort de Quebecq que des
autres habitations, ensemble des marchandises, armes, vivres,
munitions, et généralement de tout ce qu'ilz ont pris sur les
François, et qui se trouvera sur les lieux.
En cas de refus, protestera ledit s r de Montigny de l'évé-
nement de la force dont il sera contrainct d'user, et les fera
sommer de faire ladite restitution. Et après s'estre servy de
tous moyens pour obliger lesdits Anglois à rendre aux Fran-
çois ce qu'ilz ont pris depuis la paix, ledit s r de Montigny met-
tra ses gens à terre, ou autrement se disposera à vive force de
les combattre, vaincre et chasser dudit pais et fort de Quebecq,
prenant ses advantages tant en mer qu'en terre, et générale-
ment fera tous efifortz pour se rendre maistre dudit pais,
laissant audit s r de Montigny de disposer le combat, tant sur
mer que sur terre, et d'en user par l'advis des cappitaines,
ainsy que le temps' et les rencontres en feront naistre les
occasions.
Ledit s r de Montigny s'estant mis en possession dudit fort
de Quebecq, et les Anglois s'en estans retirez ou en ayant
esté chassez, y laissera le s r Champlain pour y commander
en l'absence de Monsieur le Cardinal de Richelieu, grand
maistre, chef et surintendent général de la navigation et com-
merce de France, avec les hommes qui sont envoyez par la
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LES GUERIN 1 15
tn Guerin mourut à Strasbourg le 29 octobre 1787. Il laissa trois
Edmond, Christophe et Jean-Urbain. Edmond, employé d'abord
monnaie de Strasbourg, devint commissaire des guerres sous la
jblique. Je n'ai donc pas lieu de m'en occuper ici. Christophe et
i-Urbain, qui ont assigné par leurs travaux un rang si honorable
jr famille dans l'histoire de Fart, ont droit à toute notre attention.
CHRISTOPHE, NÉ EN 1758, MORT EN l83l
Christophe Guerin, fils aîné de Jean, naquit à Strasbourg le 14
rier 1758. Il étudia la gravure sous Jolain et Muller et succéda à
1 père dans le poste de graveur de la monnaie de Strasbourg. Il
tint une réputation distinguée et fonda dans sa ville natale un musée
peinture, dont il resta toute sa vie le conservateur.
Pendant la Terreur, il déploya une grande énergie pour empêcher
le bande de furieux de saccager la cathédrale de Strasbourg. Il peignit,
>ur calmer l'exaltation populaire, une déesse Raison, et sauva ainsi
. cathédrale d'une destruction certaine.
Christophe Guerin était professeur à l'école gratuite de dessin ; il a
armé plusieurs élèves, parmi lesquels Henriquel-Dupont , Bein et
rluller. Outre le portrait de son père, que j'ai reproduit, cet artiste a
aissé plusieurs œuvres remarquables ; je citerai plus particulièrement
F Amour désarmé, d'après le Corrège, l'Ange conduisant Tobie, d'après
Raphaël, la Danse des Muses, d'après Jules Romain, et deux paysages,
d'après Loutherbourg (1). Christophe Guerin mourut subitement à Stras-
bourg en septembre i83i (2), laissant de Marie Lienhard, qu'il avait
épousée en 1 790, deux fils, Gabriel et Jean, dont je parlerai plus loin. Voici
le fac-similé de sa signature, pris sur une lettre adressée à son fils aîné.
C2*h /&<
'û&^
(1) Cf. Gibet, Dictionnaire des artistes de l'école française au XIX» siècle; Paris,
i83i,in-8.
(3) Le dossier que le petit-fils de Christophe Guerin m'a communiqué contient une
eltre de Jean Guerin, datée de Musigny, le 11 octobre i83i, dans laquelle il déplore en
ces termes la mort de son frère :
m Si j'osais envier quelque chose a mon digne et bon frère dans sa tombe, c'est la
manière douce, inattendue et exempte de douleur dont il y est descendu. Il avait bien
mérité cette dernière récompense par une vie sans tache et toute consacrée à l'accomplis-
sement de ses devoirs et aux sentiments les plus affectueux et les plus tendres pour sa
famille et ses nombreux amis, >
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I 1 6 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES
JEAN-URBAIN, NÉ EN I761, MORT EN l835
Jean-Urbain, frère du précédent, naquit à Strasbourg le 1" avril
1761 (1). Il eut pour maître Huin, qui était renommé pour ses portraits
au pastel. Ses premiers essais furent remarqués par le maréchal de
Contades, gouverneur d'Alsace, qui envoya le jeune artiste à Paris.
Jean Guerin quitta, non sans regret, sa ville natale et sa famille au mois
d'octobre 1785. Il était à peine parvenu dans la capitale qu'il reçut
une lettre de son père, datée de Strasbourg, le 25 novembre 1785.
Voici un passage de cette missive :
Je n'ai jamais douté, mon cher Jean, des sentiments de
votre cœur envers nous. Ceux que j'ai éprouvé à votre départ
et ceux que je ressens encore me font connaître les vôtres.
En continuant de sentir comme vous faites, avec de la pru-
dence et l'usage du monde, vous ne manquerés pas de pros-
pérer à Paris. Pour remplir utillement l'objet de votre
voyage, il ne faudra, mon cher fils, donner à la dissipation
que le tems que vous ne pourrés pas donner à l'étude.
Voyés M" Jollain (2) et Pajou (3) pour l'affaire de l'aca-
démie. C'est un point essentiel qu'il ne faut pas négliger.
Faites-nous part de ce que vous aurés vu de remarquable et
d'intéressant. Ménagés votre bourse et votre santé.
Jean Guerin suivit les conseils paternels. Il n'était pas trop isolé à
Paris, où il retrouvait des protecteurs éclairés, parmi lesquels le baron
de Dietrich, et des compatriotes, qui lui firent le meilleur accueil. Il n'en-
tra pas comme élève à l'Académie de peinture, ainsi que le désirait son
père, mais il s'adonna à la miniature, genre alors fort à la mode. Il
n'y avait pas en effet de grand seigneur ni de grande dame qui ne se fît
peindre par un miniaturiste. La famille royale avait donné sur ce point
un exemple que toute la cour s'était empressée d'imiter. Les bagues,
(1) C'est la date qu'il donne dans son journal.
(3) Nicolas-René Jollain, peintre d'histoire, membre de l'Académie, garde du muséum
du Roi.
(3) Augustin Pajou, le sculpteur.
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LES GUERIN 117
les bonbonnières, les coffrets, les tabatières étaient ornés de minia-
tures. Quel courtisan eût été assez mal appris pour ne pas avoir le
portrait de la reine Marie-Antoinette, soit à son doigt sur une bague,
soit sur une bonbonnière dans la poche de son habit ? La reine se
faisait peindre ou faisait peindre ses enfants et elle donnait ces portraits
montés sur des bonbonnières en écaille ou sur des bagues d'or à ses
intimes, à sa bonne amie Yolande de Polignac, par exemple (1). Jean
Guerin obtint de faire le portrait de la maréchale de Matignon ; il
réussit à souhait et cette œuvre remarquable lui valut de nombreuses
commandes et la protection de Marie-Antoinette. Il peignit le Roi et la
Reine (2) et fut dès lors un miniaturiste à la mode. Les Praslin, les
Choiseul, les Rohan, les Chabrillan, les Breteuil, les Montmorency, les
La Rochefoucauld, les Croy, les Mailly, les Praslin, les Sérent, les La
Ferté, les Montmorin, les Liancourt, les Broglie, pour ne citer que
les plus grands noms, tinrent à honneur de poser devant le jeune et
brillant artiste. C'était la gloire, mais non la fortune. Déjà la crise
politique se faisait sentir : les grands seigneurs payaient peu et mal.
Jean Guerin, d'une santé débile, atteint d'une névrose, se laissait
souvent aller au découragement. Hors d'état de payer ses dettes, parce
que ses nobles clients ne soldaient pas le prix de leurs portraits, il ne
trouvait de consolation que dans l'amitié de quelques compatriotes et
dans la culture de la musique, qu'il aimait passionnément. Le i** jan-
vier 1788 il commença la rédaction d'un journal où il consigna chaque
jour par le menu ses faits et gestes et ses réflexions (3). Dès les
premières pages son état maladif se révèle avec une grande intensité.
A la date du 19 novembre 1788 on lit ce passage, qui peint si bien le
caractère de Jean Guerin :
Je ne suis point content de moi aujourd'hui, ou, pour
mieux dire encor, une mélancolie noire me ronge depuis près
de trois semaines. Toutes les jouissances que la société de
(1) Cf. catalogue de Miniatures et autographes concernant Marie- Antoinette et la
famille royale, publié en février 1877 par M. Etienne Cbaravay.
(2) Ces portraits appartenaient au comte de Genniny, sénateur, décédé en 1870. (Cf.
Notice de M. Reiset snr les dessins, cartons, etc., exposés dans les galeries du Louvre
p. 323.)
(3) Ce journal est entre les mains de M. Jules Guerin, qui me l'a gracieusement commu-
niqué. 11 commence au 1* janvier 1788 et finit le 25 juillet 1792. Un cahier, qui allait du
7 mai au 3i octobre 1788, a été perdu. C'est de ce journal que j'ai tiré la biographie de
Jean Guerin et de curieux détails sur certains épisodes de la Révolution.
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Il8 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES
mes amis m'a pu procurer depuis ce tems n'ont pas atteint
mon cœur. J'ai feint ce que je ne ressentais pas, ce que je ne
pouvais pas ressentir en un mot. Les causes de cet étrange
état ne me sont pas inconnues; depuis que je sais ce que
c'est que les peines de la vie, je ne m'afflige plus comme
autrefois parce que je trouve doux de m'affliger. Amour,
affaires, maladies et remords, voilà les sources de ma misère
présente. S'il plait à celui qui gouverne tout de rendre Ros.
moins frivole et plus susceptible d'attachement, de rétablir
Tordre dans mes affaires, la santé dans mon corps et la paix
dans mon cœur, s'il me fait cette grâce, je lui devrai les plus
beaux jours de ma vie et les actions de grâce les plus fer-
ventes. Si je me mets au travail, le découragement, dont je
suis possédé pourtant, m'en chasse bientôt. Je ne l'ai pas
plutôt quitté que je me reproche la perte de mon tems.... Du
reste, harcelé, persécuté de tout côté, sans cesse en proie aux
maladies, aux douleurs, balotté par les événemens, je mène
la vie la plus insuportable de la terre et j'atteste le Dieu qui
m'entend et que je révère que, sans la considération, non de
l'action en soi, mais des maux qu'elle occasionnerait à ma
pauvre vieille mère et autres amis, j'atteste, dis-je, que je
m'en serais déjà une fois délivré depuis mon séjour à Paris,
tant l'espèce de peines que j'y éprouve me sont insupor-
tables.
Telle était la triste situation d'esprit où se trouvait Jean Guerin
après trois ans de séjour à Paris. Au xviir* siècle, comme aujourd'hui,
les épreuves étaient rudes pour les jeunes artistes provinciaux qui
venaient, pleins de talent et d'espérances, chercher gloire et fortune
dans la capitale. Jean Guerin, amoureux, malade et endetté, s'exagérait
évidemment les difficultés de sa situation. Le 22 novembre, toujours
hanté par des pensées de suicide, il examine l'état de ses affaires et
dresse le compte des sommes qui lui sont dues. Cest là un curieux
document qui fournit l'indication d'un certain nombre de ses minia-
tures et du prix qu'il en demandait.
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LES GUERIN I ig
État des ouvrages non payés :
Louis
M. de Fougy, grand ovale 10
Madame de Fougy, pour tabatière 6
Item. un camée, la tête 6
Item. une à la main, grand ovale 10
Deux copies de la tête 6
Madame de La Gorce, avec mains 6
M. de Caze 4
Sa fille 4
Madame de Fougy et Madame de Caze ensemble . 8
Madame la comtesse de Balbi, tête 8
La même, copie 4
Son fils Armand, en pieds io
Madame de Chabrillant io
Madame de Boulogne, grande tête, miniature ... 8
Une copie d'icelle 4
Madame de Monsanden (?), grandeur ordinaire. . . 6
Deux copies d'icelui 6
Madame la comtesse Hipolyte de Choiseul, copie . 4
Son fils enfant 4
Le cardinal de Rohan 10
Madame de Fontette 6
Son camée 8
Madame Dotiet, deux copies 6
On voit, par cette liste, quelle était la noble clientèle de l'artiste
strasbourgeois. L'état de ses affaires, il le reconnaît lui-même, était
satisfaisant ; cette constatation et un traitement que lui prescrivit le
célèbre docteur Pelletan chassèrent un peu ses humeurs noires.
Jean Guerin se remit au travail ; il fit les portraits de Mesdames de
Langeron et de Balleroy (21 déc. 1788), de Madame de Matignon et
de Madame de Montmorency sur le même médaillon (4 janvier 1789),
et de la maréchale de Mailly (avril 1789). Tout en peignant ces grandes
dames, il semble qu'il resta insensible à leurs charmes. Une foiscepen-
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120 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES
dant il inspira quelque passion à une de ses belles clientes, mais Fai
ture, dont il a consigné le récit dans son journal (i), n'eut pas £
conséquences.
Jean Guerin fut troublé dans ses travaux par les premiers événemec
de la Révolution qui commençait. Le 28 avril 1789 on pilla la œatsoc
Réveillon et, le lendemain, il alla voir les dégâts causés par l'émemt
« De belles maisons démantelées, moitié brûlées, des morts teints de
sang, des visages consternés et une multitude;de soldats armés, voilà ce
que j'y remarquai. »
Au mois de mai il peignit les portraits de la comtesse Françoise de
La Palu et du chevalier de Caraman. Le 4 juin, il était au théâtre <fc
Nicolet quand le spectacle fut interrompu par ordre, à cause de k
mort du Dauphin. Le 27 suivant il partit pour Strasbourg, grâce à la
libéralité d'un de ses plus zélés protecteurs, M. de Fougy, qui l'emmena
avec lui. Le 3o il arriva dans sa ville natale, qu'il revit avec des trans-
ports de joie. Il y séjourna jusqu'au i3 juillet. M. de Fougy, rappelé
par le comte de Provence, dut partir subitement et Jean Guerin raccom-
pagna. Le i5 juillet, à Toul, ils apprirent les premières nouvelles de
l'insurrection parisienne; le 18 juillet, à Chalons-sur-Marne, M. de
Fougy suspendit son voyage. Jean Guerin rentra seul à Paris le ao juillet.
Deux jours plus tard il assista au meurtre de Foullon et de Bertier.
Son récit mérite d'être reproduit :
Je fus au Palais-Royal (vers trois heures de l'après-midi)
où j'étois à peine arrivé que l'horrible spectacle de la tête de
(t) Voici le récit en question : « Pour Madame de P. j'en ras traité d'une manière qui
flatta extrêmement mon amour-propre, car, pendant que nous étions seuls dans son bou-
doir, elle me prit la main et m'obligea à m'asseoir à côté d'elle sur son sopba et me tin
des discours si tendres et si pénétrants que j'eus toutes les peines imaginables à ne pas suer
sang et eau. Elle roui ut finalement que je lui apprisse a l'instant même tout ce que j'avais
de dessin et de peinture et chercha follement un portefeuille, du papier et des crayons à
cet effet. En la voyant rentrer après ce qui Tenait de se passer, je me sentis extrêmement
ému. Pour elle, sans autre cérémonie elle s'assit sur mes genoux en me disant : J'aime les
beaux-arts, nuis je tous l'avoue, ajouta-t-elle avec quelque embarras, les artistes sont
encor plus chers à mon coeur, surtout... La pudeur l'empêcha d'achever, car elle était
rouge et avait chaud. Je saisis sa main que je baisais avec transports quand elle m'entre-
assa dans ses bras comme hors d'elle et pressa ses lèvres sur les miennes. Quel feu dans mes
veines. Je tremblais, en un mot, je me serais perdu et peut-être elle, sans l'arrivée de sa
sœur, qui fit tant de bruit, en entrant dans le salon, qu'elle nous donna le temps de nous sé-
parer et de respirer, ce dont j'avais grand besoin. Quand elle entra, je considérais un tableau
dont je m'étais emparé à la hâte et Madame de P, dessinai ï avec un*
m'étonna d'autant plus que la secondé d'auparavant je L'avais vue hors *i<
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LES GUERIN 121
Foulon, intendant de la marine, y fut porté sur une fourche
avec du foin dans la bouche et son corps trainé dans la boue
après par le peuple. Quelle frappante justice!... Je fus au
spectacle de Monsieur voir il Barbiere di Siviglia, première
représentation, mais ne put assés me distraire pour me faire
oublier l'horreur de cette tête sanglante. J'en sortis à 9 heures
pour retourner au Palais -Royal. A 10 heures, comme je
voulois rentrer, des cris se firent entendre en ces termes :
Voilà V habit de M. Y intendant de Paris! Cet habit, en
effet, étoit porté sur une perche et accompagné de flambeaux.
J'en eus le frisson, quand tout-à-coup d'autres cris bien plus
effrayants encore retentirent au loin : Voilà la tête et le cœur
de M. Berthier de Sauvigny, intendant de Paris ! Je
regarde et à l'instant une soixantaine de cavaliers tout armés
entrèrent au jardin du Palais Royal, accompagnés d'une foule
immense de peuple portant flambeaux, et au milieu d'eux
un lambeau de tête sur une fourche et un autre de cœur sur
une autre me frappèrent la vue d'horreur ! ! Je me sauvai
chez moi, troublé comme je ne l'ai jamais été. Ne voilà-t-il
pas qu'en arrivant sur le Pont-Neuf une nouvelle foule de
flambeaux viennent à ma rencontre, traînant à deux cordes
attachées à chacune des jambes les restes de celui dont j'avais
vu des entrailles au Palais Royal. J'en eus le frisson et résolus
bien à l'avenir de ne point m'exposer à être témoin d'un
pareil spectacle.
Tout épouvanté qu'il fût de ces excès populaires, Jean Guerin n'était
pas défavorable aux idées nouvelles. Le 28 juillet il alla, par curiosité,
voir la démolition de la Bastille et visiter tous les cachots de cette
fameuse forteresse. « Je jouissais, dit-il, du triomphe du peuple en
foulant aux pieds ce monstre du despotisme. » Le 29 juillet il assista,
au Palais-Royal, à la grande illumination qui eut lieu en réjouissance
du retour de Necker. Le 8 août il alla aux Augustins, dans la salle du
Saint-Esprit, procéder à la nomination de dix-neuf électeurs et d'un
député. Le i* septembre il assista, à Versailles, à une séance des États
Généraux et y entendit une motion de Mirabeau des plus remarquables.
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122 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIOUES
Jean Guerin, on le voit, était absorbé par les événements. Cependant il
se trouva, le 25 août, à l'ouverture du salon, où il admira, le 19 sep-
tembre, le tableau de David, la Justice de Brutus. « Il me fît l'impression
la plus forte. Conception, exécution, tout m'en étonna. »
Jean Guerin avait, comme ami le plus intime, un Allemand, le graveur
Gabriel Fiesinger, avec lequel il vivait, pour ainsi dire. Fiesinger, esprit
pratique, fertile en expédients, chercha à tirer parti des événements
politiques. Un éditeur, De Jabin, venait d'entreprendre une collection
des portraits des membres de l'Assemblée nationale : Fiesinger résolut
de lui faire concurrence et il se mit aussitôt à l'œuvre. Il associa son
ami à cette vaste opération. Jean Guerin, dont la noble clientèle était
en désarroi, accepta cette situation nouvelle (1). Il alla prendre les
croquis des hommes le plus en renom, soit aux séances des États
Généraux, soit chez les personnages eux-mêmes. C'est ainsi qu'il
dessina les portraits du duc d'Orléans (20 septembre 1789), de Mirabeau
(2 novembre), d'Anisson-Duperron (2 décembre), de Rabaut-Saint-
Étienne (8 décembre). L'année 1789 finit sur ces entrefaites. Sans se
rendre un compte exact de l'importance que cette date aurait dans
l'histoire, Jean Guerin termina son journal par ces mots caractéris-
tiques : Fin de Vannée moitié esclave, moitié libre 178g.
Notre artiste commença l'année 1 790 en exécutant une grande minia-
ture de Madame de Langeron. Puis il dessina les portraits du duc de
Clermont-Tonnerre (20 janvier), du duc de La Rochefoucauld (25 jan-
vier), de Freteau de Peny (23 mars), de l'abbé de Montesquiou (4 mai),
de Le Chapelier (6 mai). Le 28 avril il se rendit aux Jacobins pour
prendre un croquis de Mirabeau. Le grand orateur était vraiment
insaisissable et Guerin ne put jamais, obtenir de lui une séance parti-
culière. Ce n'était point une tâche facile que de dérober quelques
instants de pose aux membres de l'Assemblée nationale. Jean Guerin
dessina l'abbé Sieyes chez Madame de Condorcet (9 juin) et il obtint
deux poses de dix minutes de La Fayette (28 juin et 3 juillet). Le 10
juillet il alla au-devant de cinquante Strasbourgeois qui venaient assister
à la fête de la Fédération et, le 14 juillet, il s'associa à ses compatriotes.
Le 28 juillet il dessina le portrait de Barère de Vieuzac, qui le reçut
avec grande politesse. Ces travaux n'empêchaient pas Jean Guerin de
faire les miniatures de la princesse de Hohenzollern (19 mai), de la
(t) La collection de Guerin et de Fiesinger est justement estimée. Le journal du premier
de ces artistes lui donne une valeur nouvelle, car on y voit que tous les croquis étaient
pris sur nature par Jean Guerin lui-même, ce qui est une sérieuse garantie de ressem-
blance.
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LES GUERIN 123
marquise deCoigny (28 mai), de la princesse de Broglie (7 juin), de la
duchesse de Devonshire et de milady Foster (2 août). En même temps
qu'il dessinait les traits de Barère il faisait le portrait du roi de Prusse
pour le comte de Sérent (3o juillet). Le 12 septembre il obtint une
séance de Barnave ; puis ce fut le tour d'Alexandre de Lameth (20 nov.)
et de son frère Charles (28 novembre). Enfin, le 22 décembre, il alla
chez la duchesse d'Orléans, qui lui commanda de peindre les portraits
de sa fille et de son fils Beaujolais, moyennant douze louis par portrait.
Jean Guerin jouissait encore, on le voit, d'une grande vogue. Il est vrai
de dire qu'il convenait au duc d'Orléans de choisir pour peindre ses
enfants l'artiste qui reproduisait les traits des hommes les plus consi-
dérables de l'Assemblée nationale.
L'entreprise de Fiesinger réussissait et Guerin continua, durant
l'année 1 791, à y coopérer. Après avoir dessiné les portraits de MM. de
Caraman (14 janvier) et de Narbonne (19 janvier), il obtint, le 20 mars,
une séance de Robespierre, qui n'était encore qu'un petit personnage,
et le 24 il alla chez Petion. Sur ces entrefaites un grave événement
survint, la mort subite de Mirabeau (2 avril). Jean Guerin rend compte,
dans son journal, de la consternation qui régna dans Paris, où les spec-
tacles furent aussitôt fermés. Le 4 avril il assista aux obsèques du grand
orateur, a J'y ai remarqué, dit-il, ce qui déjà plusieurs fois m'avait
désagréablement frappé, savoir que quand le peuple de Paris se trouve
réuni en nombre considérable, il est toujours joyeux, n'importe le
motif de cette réunion. Aujourd'hui, en entendant leurs cris, leur
badaude gaité, en un mot, on se serait bien plutôt imaginé qu'il
s'agissait d'un bal public que de la pompe funèbre de l'un des plus
respectables Pères de la Patrie. »
Le 19 avril Guerin se rendit chez David où il vit le dessin du
Serment du Jeu de paume. Le 21, il apprit la fuite du Roi, le 22 l'arres-
tation de la famille royale à Varennes, et le 25, il assista au retour de
Louis XVI. Ces événements l'empêchèrent de travailler, et, le 28
juin 1791, il s'enrôla dans la garde nationale, au bataillon des Filles-
Saint-Thomas (1). Il assista en armes à la fête de la Fédération (14 juillet)
et à la proclamation de la loi martiale (17 juillet). Le lendemain il
monta la garde chez le Roi et coucha sous les tentes dressées devant le
château des Tuileries. Ces devoirs de citoyen accomplis, il fit les portraits
de Madame de Saint-Simon (25 juillet), de Malouet (21 août), d'Alexan-
dre de Beauharnais (29 août), du duc d'Aiguillon (5 septembre), de
(1) Le 2 juillet il'coopéra a l'élection des officiers du bataillon et, le 4, il acheta trente-
six livres un bonnet de grenadier.
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124 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES
Goupil de Préfeln (i* octobre), et du vicomte de Ségur (22 octobre).
Le 26 octobre il fit, pour Fiesinger, un dessin en grand d'après le buste
de Mirabeau, et le 28 novembre il peignit Madame de La Charce. Le
2 1 décembre il rendit visite au maréchal de Ségur, avec lequel il convint
de faire le portrait de sa belle-fille, la comtesse de Ségur.
L'année 1792 s'ouvrit heureusement pour Jean Guerin. Son ami
Fiesinger vint habiter avec lui. Ce fut un grand plaisir pour tous deux.
Le 1 3 janvier il commença le portrait de la célèbre actrice Emilie
Contât. Cependant les événements se pressaient ; la déclaration de
guerre (20 avril) et la défaite de Lille stimulèrent le zèle du grenadier.
Le 20 juin Guerin fut témoin de l'envahissement du château des Tuileries
par le peuple et se montra un des plus ardents à sauvegarder le Roi et
sa famille. Le récit qu'il a laissé de cette mémorable journée m'a paru
digne d'être publié :
Vers midi, avant même, on battait des rappels à force et
Ton disait que les faubourgs armés devaient se porter aux
Tuileries. N'y pouvant plus tenir, je me revêtis vite de mon
uniforme et de mon fusil et fus aux Tuileries chercher mon
bataillon. La masse des 10,000 piques, dont la rue Saint-
Honoré était obstruée, demandait à grands cris à être admise
à PAssemblée. Elle le fut. Je fus seul obligé de traverser
presque dans toute sa largeur cette canaille enrégimentée.
Ne trouvant pas mon bataillon à la place Vendôme, où je
l'avais cherché, je suis rentré aux Tuileries par les Capucins
où j'ai rencontré Ramond. Arrivé aux Tuileries j'y ai trouvé
mon bataillon. Nous marchâmes avec nos canons au château.
On nous plaça sur la terrasse en bas pour empêcher que
ces gredins n'entrassent par le jardin chez le Roi. Tous les
bataillons arrivés en firent de même, et nous restâmes là
trois heures et demie à voir défiler cette horde de coquins.
Vers quatre heures, un rappel très fort, accompagné de cris
effroyables, se fit entendre dans les cours derrière nous.
Nous courûmes aux armes et peu d'instants après ces gueux
brisèrent les portes du château, forcèrent les gardes (déjà à
demi gagnés, ainsi que la moitié des bataillons et presque
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LES GUERIN 125
tous les canonniers) et entrèrent dans les appartements en
jetant des cris horribles, parmi lesquels on distinguait ceux-
ci : Nous le tenons. A Pinstant tout fut en leur puissance chez
le Roi et il ne resta que sa seule chambre à coucher, dans
laquelle il s'était réfugié ainsi que la Reine et ses enfants, qui
n'était point violée, mais que Ton commençait à ouvrir à
coups de hache. Témoins de tout cela du poste où nous
étions, la plupart d'entre nous pleuraient de rage de ce qu'on
nous laissait là, tandis que les gueux étaient maîtres du châ-
teau et de la vie du Roi. Dans la douleur et la rage qui nous
transportaient, nous menaçâmes notre commandant Bascaris
de le massacrer s'il ne nous faisait marcher. En effet, ne
recevant point d'ordre et craignant l'effet de notre colère, il
s'écria tout-à-coup : Grenadiers, en avant ! Aussi nous par-
ûmes au pas de charge et montâmes l'escalier du Dauphin.
En entrant dans les appartements, nous les trouvâmes farcis
de ces scélérats. En nous voyant entrer ferme et toujours au
pas de charge, quoique nous n'étions qu'environ 5o contre
8,000, ils s'écrièrent qu'ils ne voulaient faire de mal à per-
sonne, etc. Nous les fîmes ranger à bons coups de crosse et
parvînmes enfin jusqu'à la salle du Conseil que nous fîmes
vider sur le champ. A peine y étions-nous dix minutes que
la Reine, le Dauphin, Madame Royale, Mesdames de Lam-
balle et de Tarente, plusieurs autres encore, entrèrent, pâles
et tremblantes, en nous demandant protection pour elles et
les enfants. Nous fimés aussitôt cercle autour d'elles et les
enfermâmes si bien qu'il eut été impossible de les entamer.
Plus ces scélérats menaçaient et plus notre courage croissait.
Cette scène, qui dura trois heures et demie, est la plus
effroyable dont j'aie jamais été témoin. Plus de 12,000 gueux
nous entouraient, nous menaçaient, menaçaient et injuriaient
la Reine, ses enfants, etc. Elle pleurait, nous serrait contre
elle, quand le danger devenait par trop grand, et nous lui
jurions mille fois que le fer qui la touchera traversera d'abord
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I2Ô REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES
nos cœurs. Enfin, on vint lui annoncer que le Roi venait de
rentrer vivant dans son appartement. Aussitôt elle se leva,
se précipita avec ses enfants dans l'appartement et les bras
du Roi et ils restèrent ainsi près de dix minutes sans mou-
vement. Trente des nôtres, dont j'étais, la suivirent dans
l'appartement Les vingt autres gardèrent la porte et chas-
sèrent le reste des gueux qui voulaient encore enfoncer la
porte de la chambre où ils étaient. Enfin, nous commen-
çâmes à respirer, et eux aussi. Le Roi et la Reine nous
demanda tour à tour nos noms, nos demeures, nos batail-
lons, etc., personne ne se nomma. Ils nous disaient qu'ils
nous devaient la vie, nous rendant grâces, les larmes aux
yeux. Nous pleurions tous en ce moment. Wermarang (?)
dit à la Reine, comme capitaine de la compagnie : « Ne
nous remerciez pas, Madame; nous n'avons fait que ce que
d'honnêtes gens amis des lois devaient faire. Nous aurions
plus fait encore... mais nous n'avions plus le brave Lafayette
pour nous commander. » Tout le monde fut satisfait de cette
réponse, et, après avoir donné la chasse à un certain nombre
de ces coquins, qui volaient dans les appartements, les gre-
niers, les caves et cuisines, nous rentrâmes. Il était dix heures
du soir et nous n'avions, pour la plupart, point déjeuné, à
plus forte raison diné (i).
(i) Cette déposition, jusqu'ici inconnue, d'un témoin oculaire fournit de curieux
détails sur l'attitude de la garde nationale et du peuple. Jean Guerin, étranger a la poli-
tique, n'a pas écrit en vue de la postérité. C'est en rentrant chez lui que, selon son habi-
tude, il a consigné ses impressions sur son journal. Son témoignage a donc une véritable
râleur historique, émanant d'un acteur militant de cette fameuse journée. Guerin était
dans la salle du Conseil, auprès de la Reine et du Dauphin; H pénétra ensuite près du
Roi, quand le défilé du peuple fut à peu près terminé. Les détails qu'il donne sur ce
qu'il a tu et entendu — en admettant l'exagération dont ne pouvait se défendre un témoin
si impressionnable — me paraissent dignes de foi. Il est intéressant de comparer cette
déposition au remarquable tableau que M. Louis Blanc a tracé de la journée du ao juin
{Histoire de la Révolution française, t. VI, p. 409-448 J. M. Louis Blanc, qui insiste
trop peut-être sur le caractère pacifique de la manifestation populaire, n'a pas eu de
renseignements précis sur ce qui s'était passé au château après le départ du peuple. Les
détails donnés par Guerin comblent sur ce point une lacune importante.
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LES GUERIN 12 7
De ce jour le grenadier du bataillon des Filles-Saint-Thomas fut au
nombre des défenseurs zélés de la famille royale. Toutes les fois qu'on
battait le rappel, il était des premiers à prendre les armes. Il profitait
des rares moments de repos qu'il avait pour peindre les portraits de
madame de Castellane et d'un enfant de la maréchale de Mailly. Le 28
juin il monta la garde au château, et les grenadiers reçurent le meilleur
accueil du Roi et de la Reine. Le 14 juillet, on craignait des troubles;
le bataillon des Filles-Saint-Thomas resta aux Tuileries de six heures
du matin jusqu'à huit heures du soir et en imposa par son énergique
attitude aux gens mal intentionnés. Le a 1 juillet Guerin fut chargé, avec
huit de ses camarades, de s'opposer à la canaille qui cherchait à
enfoncer avec une poutre une des portes des Tuileries. « Les gros
verroux avaient déjà sauté et nous, qui nous attendions à chaque
minute à la voir brisée, nous avions chargé nos armes et nous étions
mis sur deux rangs, le chien armé et en joue, pour tomber dessus tout
d'abord. Cette contenance les effraya, et le maire de Paris, qui arriva,
acheva de les dissiper. » Le lendemain, qui était un dimanche, il
monta la garde au château. Le 23, il y eut encore une alerte. C'est à
cette date que s'arrête le journal de Jean Guerin. Les événements se
précipitaient : aucun travail n'était plus possible à notre artiste, qui,
par son éducation et ses relations constantes avec l'ancienne noblesse,
se trouvait naturellement plus près des royalistes que des révolution-
naires (1). La journée du 10 août décida de la chute de Louis XVI.
Jean Guerin, compromis avec la plupart de ses camarades par la con-
duite qu'il avait tenue depuis le 20 juin, dut quitter la capitale. Il se
réfugia à Strasbourg, chez son frère. Il fut dénoncé et il était sur le
point d'être arrêté, quand un jeune officier, Desaix, dont il avait gagné
l'amitié, lui fit endosser un habit de soldat et l'emmena aux avant-
postes. Cette généreuse intervention sauva Jean Guerin, qui se cacha
dans le château d'Istenviller, près Andlau (2). Après le 9 thermidor il
quitta sa retraite et revint à Paris. Tous ses protecteurs, tous ses clients,
avaient fui la France ou avaient péri sur l'échafaud (3) : il fallait que
(t) Jean Guerin ne cachait pas, d'ailleurs, tes sentiments. Ça jour étant chez David, où
se trouvaient aussi Danton et Robespierre, U vit un dessin qui représentait une guillotine
avec la tête de Louis XVI. U manifesta hautement son indignation et sortit en s'écriant :
• David, tu es un lâche 1 plus de liaison entre nous. • (Cf. un article de L. Levrault dans
U Revue £ Alsace, s* série, i836, t. II, p. s 54).
(s) Cf. l'article nécrologique sur Jean Gnerin publié par son ami L. Levrault dans la
Reime d'Alsace, s* série, i836, p. s58.
(3) Son compatriote et protecteur, le baron de Dietrich, maire constitutionnel de Strasbourg,
chez lequel Rouget de Usle composa la Afor*ei7toto, avait été décapité le 38 décembre 1793
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128 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES
Guerin, oublié, se refît à la fois une réputation et une fortune. U s'ins-
talla quai Voltaire, n* 1 3, et se mit avec ardeur à l'ouvrage. Les clients
ne tardèrent pas à lui arriver ; cette fois ce n'étaient pas de grands
seigneurs, mais l'aristocratie nouvelle de la révolution triomphante.
Parmi les chefs les plus illustres des armées républicaines, Guerin
comptait deux amis, son compatriote Kleber et le général Desaix, à
qui il avait dû la vie. U fit le portrait en miniature de Kleber et repro-
duisit avec un talent supérieur la mâle figure de ce héros (i).
L'œuvre fut admirée de tous : Bonaparte voulut voir ce portrait si
vanté et le fit demander à l'artiste ; il le garda plusieurs jours sur la
cheminée de sa chambre à coucher, dans son appartement de la rue Chan-
tereine (2). De ce jour, Guerin avait reconquis son ancienne réputation.
En 1797 Fiesinger, qui, après la journée du 10 août, avait, pour
cause de modérantisme, quitté la France et s'était réfugié en Angle-
terre, revint à Paris (3). Les deux amis se retrouvèrent avec joie, et
Fiesinger, que la Révolution avait ruiné, chercha de nouvelles combi-
naisons. Il s'associa, en 1 798, avec Jean Guerin, pour la publication
d'une collection des Portraits des généraux les plus célèbres de la
( 1 ) Void une lettre de Kleber à Jean Guerin :
« Mon cher Guerin, je ne sais 06 loge le commissaire Mathieu; vont le savez sans
doute. Priez-le donc de ma part de vouloir bien remettre an 3o le diner qne je devais
avoir le plaisir de loi offrir demain 29. D me mettrait extrêmement à mon aise pour une
affaire que je ne puis remettre. Ainsi le 3o je l'attends avec son frère, vous et Fiesinger :
cela est attendu et irrévocable. Cbargez-vous de la commission pour tons. Je n'ai pu vous
aller voir hier. Aujourd'hui le brouillard rendrait ma démarche inutile, mais au premier
coup de soleil je suis à vous. Vale.
• KxiBia. •
• 28 ventôse. •
(2) CC Revue <TAl$ace f ut supra, p. 2S9.
(3) Ces faits nous sont révélés par la lettre suivante, qui a mit partie de la collection de
M. Benjamin Fillon :
• Paris, 2 messidor an V (20 juin 1797)*
c Citoyen ministre,
« Le citoyen Gabriel Fiesinger (étranger), artiste graveur, domicilié à Paris avant la
Révolution, sorti de France en 1792, allant a Londres pour y exercer son art, a l'honneur
de vous exposer qu'on lui a saisi a Calais, l'an second, et vendu au profit de la République
vingt-six collections de portraits, composés de 21 membres de l'Assemblée constituante,
comme l'atteste l'extrait ci-joint.
* Le citoyen Fiesinger ne réclame pas le montant de la vente injuste de ses effets, mais
il prie le ministre de vouloir bien ordonner qne denx petites caisses, Tune remplie de vieux
livres presque tous classiques, l'autre de ses propres dessins, études, et quelques estampes,
la plupart anciennes, puissent entrer de Douvres par Calais, sans payer les droits établi»
sur les marchandises étrangères ; le contenu de ces deux caisses ne pouvant être regardé
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LES GUERIN I2g
République française (i). Bonaparte, Kleber, Beraadotte et Lefebvre
figurèrent les premiers dans [cette galerie. Tous leurs autres compa-
gnons d'armes tinrent à honneur de poser devant Jean Guerin. Une
lettre de Kleber à ce dernier lui annonce que Desaix, Reynier et Cham-
pionnet ne tarderont pas à lui prête** leurs augustes faces :
Je vous préviens, mon cher Guerin, que les généraux Desaix
et Rénier sont arrivés hier à Paris et qu'ils y resteront quel-
ques jours. Ils sont très disposés, tous les deux, de vous prêter
leur auguste face; ainsi annoncez-le à l'ami Fiesinger. Je vous
préviendrai du jour où ils pourront vous donner séance, soit
chez vous, soit chez moi. Le général Championnet sera pareil-
lement ici dans quelques jours.
Je vous salue bien cordialement
Kleber.
comme marchandises destinées i être vendues, mais comme les effets djun artiste dont
l'intention est de fixer son séjour en France.
« Le soussigné espère que le Gouvernement voudra bien prendre sa demande en con-
sidération, eu égard à la perte qu'il a essuyée par cette saisie, perte qui se monte i huit
cent soixante quatre livres, somme plus que double de ce qui seroit nécessaire pour les
deux caisses.
• Salut et respect.
(i) Voici en quels termes le Journal de Paris, du 27 ventôse an VU (16 avril 1799)
annonçait cette collection :
• Collection des portraits des généraux les plus célèbres de la République fran-
çaise.
« Toute la collection comprendra 36 à 40 portraits, dessinés par le citoyen J. Guerin et
gravés en deux formats; ceux en grand format par le citoyen Fiesinger, et ceux en petit
sous sa direction, par son élève la citoyenne Hennin.
« Les portraits finis et déjà publiés sont ceux des généraux Bonaparte, Kleber, Berna-
dette et Lefebvre; le prix de chaque portrait en grand est de 5 francs; ceux en petit se
vendent 1 fr. 5o. A Paris, chez le citoyen Fiesinger, quai Voltaire, n* i3 ; chez le citoyen
Jaunret, palais Egalité, n* 61, et chez tous les marchands d'estampes de l'Europe.
« Cette collection ne peut qu'être très agréable au public et plaira sans doute aussi aux
artistes. •
17
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l3o REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES
Votre italien n'es pas venu pour réparer mon Bélisaire.
Cependant Kleber partit pour l'Egypte. Il n'oublia pas son ami
Guerin et lui écrivit souvent. Voici un des billets qu'il lui adressa
d'Alexandrie :
Le bon jour à mon cher et brave ami Guerin. Le bon jour
au grave et cher Fiesinger. Le porteur dira le reste.
Kleber.
Alexandrie, le 20 vendémiaire an vu.
Peu de temps avant sa mort, désirant donner à Guerin un nouveau
témoignage d'amitié, il lui envoya son sabre qui, disait-il, avait servi la
cause de la liberté contre les despotes coalisés (1).
Au salon de 1798 Guerin exposa la miniature de Kleber, qui est
actuellement au musée du Louvre. Kleber est vu à mi-corps, relevant
la tête avec animation et la tournant vers la droite ; il est vêtu d'un
habit brodé d'or, entr'ouvert, et d'une ceinture rouge ; il porte une
grande cravate noire. On admira cette mâle et noble physionomie,
rendue magistralement par l'artiste, et la réputation de Jean Guerin
fut encore accrue par ce succès si mérité (2).
La belle madame Récamier voulut être peinte par lui. Les deux
billets suivants qu'elle adressa à notre artiste en sont le témoignage :
Je suis si souffrante ce mattin, Monsieur, qu'il me sera
impossible d'aler chez vous, comme je vous l'avais dis. Si cela
ne vous dérange pas, j'irai après-demain à l'heure où je devais
y aler aujourd'hui et j'espère être plus exacte.
Recevez mes excuses et mes compliments.
J. R.
Je désire, Monsieur, que vous vouliez bien faire la copie
que vous m'avez promise et je vous prierai, lorsqu'elle sera
fàitte, de vouloir bien me l'envoyer avec le petit tableau que
(1) Ce libre et U lettre d'enroi i Guerin étaient entre le» miini de M. Bixio.
(s) Le portrait de Kleber i été icqnii pir le mutée dn Lourre en 1849 moyennant
Soofr.
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LES GUERIN 1 3 1
je voudrais bien avoir encor quelques jours. Je voudrais bien
aussi que cette copie ressemblât à la première. Vous n'ou-
blierez pas que le fond de ciel faisait parfaitement.
Veuillez recevoir, Monsieur, tous mes compliments.
Aux beautés de l'ancien régime avaient succédé les beautés du
nouveau. Le protégé de Marie-Antoinette devint celui de la sensible
Joséphine. Napoléon, tout en prisant fort le talent de Guerin, lui pré-
férait celui d'Isabey, son premier peintre en miniature. Au salon de
i8o3 Jean Guerin exposa un cadre renfermant plusieurs miniatures,
parmi lesquelles le portrait du comte de Fries. En 1808 il peignit l'im-
pératrice. Une lettre du secrétaire des commandements de celle-ci
indique les observations que Joséphine fit sur son portrait.
Bayonne, le 7 juin 1808.
Je viens, Monsieur, de recevoir les deux portraits que vous
m'avés annoncés par votre lettre du 29 du mois dernier. Je
me suis empressé de les remettre à l'Impératrice, qui m'a
chargé de vous transmettre les observations suivantes, savoir :
i° Que les cheveux sont un peu trop noirs.
2 Qu'il y a quelqu'adoucissement à donner à la pommette
des joues et près du nez.
3° Qu'il faut adoucir aussi la mâchoire, qui parait trop forte,
et qu'on pourrait, en général, désirer un peu plus de finesse.
4 Que le col est trop long et que la lèvre supérieure, sur-
tout des côtés, a de même besoin d'être raccourcie.
Tels sont les petits changements qui ont paru nécessaires
pour arriver à la ressemblance parfaite. Il n'y en a aucun à
faire dans la coeffure ni dans rajustement.
S. M. l'Impératice désire que vouslui enfassiésunecopiedans
uneproportion extrêmement petite et comme pour une bague.
J'ai l'honneur d'être très parfaitement, Monsieur,
Votre très humble et très obéissant serviteur
J. M. Deschamps.
Cette lettre ne peint-elle pas au vif la coquette Joséphine ?
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l3î REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES
Au salon de 1810 Jean Guerin exposa le portrait du colonel baron
Le Jenne, depuis général ; à celui de 181 a, une grande miniature sur
vélin de l'Empereur. Cependant l'Empire tomba t et le salon, qui
s'ouvrit le i tf novembre 1814, témoigna du changement de gouverne-
ment (1). Aux portraits de la famille impériale succédèrent ceux de
Louis XVIII et des princes de la maison de Bourbon. Isabey a été
remplacé par Augustin, qui s'intitule peintre du cabinet du Roi, et
expose les portraits du Roi, du duc de Berri et du duc d'Orléans. Les
tableaux de bataille ont disparu et ont cédé la place à des sujets em-
pruntés à Thistoire de l'ancien régime (1). Guerin, qui n'avait pas eu
de position officielle sous l'Empire et que ses sympathies rattachaient
aux Bourbons, exposa, cette fois, un cadre de miniatures. Au salon de
181 7 le portrait de Henri de La Rochejaquelein par Pierre Guerin,
l'entrée de Henri IV par Gérard, Henri IV et ses enfants par Revoil,
une apothéose de Louis XVI et de Marie-Antoinette marquèrent le
triomphe de la Restauration. Jean Guerin exposa encore plusieurs mi-
niatures, parmi lesquelles le portrait du lieutenant-général Damas.
Il figura aussi aux salons de 1822, de 1824 ct de 1827. Dès lors il vécut
dans la retraite. Il avait refusé les plus brillantes offres de Bernadotte,
devenu roi de Suède, qui voulait l'attirer à sa cour. Jean Guerin pré-
férait aux splendeurs des cours une vie calme et tranquille et les
douceurs de l'amitié. Après avoir vu, en i83o, la chute nouvelle de la
dynastie des Bourbons, il se retira à Obernai, dans la famille Levrault ;
c'est là qu'il mourut en i835, à l'âge de 74 ans, laissant la réputation
d'un des plus habiles artistes en un genre qui déclinait de jour en jour
et que la découverte de la photographie a presque complètement anéanti.
(1) Un critique, Dardent, publia on compte rendu de ce salon, aoua ce titre: L'École
française en 18 14 ou examen critique des ouvrages de peinture, sculpture,
architecture et gravure, exposés au Salon du Musée royal des Arts; Paria, Martinet,
1814, in-8* de i3o pages.
Dardent commence ainsi : ■ Ce salon était attendu avec impatience, mais aussi avec
quelque inquiétude. On était bien assuré que les talents des artistes ne seraient plus
employés i retracer des massacres, des embrasemens, et que, sur la toile comme en
réalité, le démon de la destruction n'exercerait plus son funeste empire. On se flattait que
du moins quelques peintres, quelques dessinateurs doués d'un talent facile exprimeraient
les traita chéris du Roi et des personnes de la famille royale. On ne désespérait même pas
de voir, ne fut-ce qu'en esquisses, quelques-uns des événemens qui ont signalé un retour
si ardemment désiré, si longtemps attendu. Mais, d'un autre côté, que les artistes avaient
eu peu ic ïcmp* pour eiéctitcr queues ouvrages dignes de pareils sujets! Avant la
grande et décisive époque du 3i man, qu'avaient-ils pu faire pendant un grand nombre
ic mois ?.,. »
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l34 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES
de Strasbourg, âgé de 2 1 ans, est élève de l'école de peinture
et regardé par les professeurs comme un de ceux qui, par
leurs dispositions, donnent le plus d'espérances. En foi de
quoi j'ai signé le présent certificat à Paris le 21 mars 18 12.
MÉRIMÉE.
Il obtint en 18 14 une troisième et une deuxième médailles et une
première au mois de janvier 181 5. Le 3o octobre 181 3 le célèbre
peintre Gérard lut avait délivré un certificat des plus honorables :
Je soussigné professeur en exercice aux écoles spéciales des
Beaux-arts certifie que M. Gabriel Guerin, élève de M. Re-
gnault,sefait également remarquer par la meilleure conduite
et par les plus heureuses dispositions et qu'une étude suivie doit
nécessairement lui assurer une place distinguée dans les arts.
Paris, le 3o octobre 181 3.
F. Gérard,
membre de l'Institut, de la légion d'honneur, etc.
C'est au salon de 18 17 qu'il exposa pour la première fois : son
tableau, la Mort de Polynice, lui valut une médaille d'honneur.
L'auteur en fit don au musée de Strasbourg (1). Au salon de 18 19
figurèrent un Baptême de Jésus-Christ, qui devait orner l'église Saint-
François d'Assise, et un portrait en pied de Louis XVIII, destiné à la
préfecture d'Albi. En 1822, il exposa un Servius Tullius (2), qui obtint
ensuite une médaille d'honneur à Lille, et V Invention de la lyre et du
chant \ que possède actuellement M. Jules Guerin. Justement fière du
talent et des heureux succès d'un artiste, dont la famille était une des
gloires artistiques de l'Alsace, la ville de Strasbourg chargea son maire,
M. de Kentzinger (3), de faire les propositions les plus flatteuses à Gabriel
Guerin, On lui offrit, s'il voulait revenir à Strasbourg, la survivance
de la charge de conservateur du musée, occupée par son père, et une
place de professeur de dessin au lycée et à l'école industrielle. Gabriel
Guerin, qui aimait passionnément son pays natal, n'hésita pas à accepter
(1) Ce tableau a été brûlé lors da bombardement de Strasbourg en 1870.
(3) Ce tableau, qui arait été acquis par le musée de Strasbourg, a été brûlé
en 1870.
(3) Gabriel Guerin arait peint le portrait de M. de Kentzinger; ce portrait était consenré
au musée de Strasbourg où il a été brûlé en 1870.
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LES GUERIN 1 35
ces offres et il revint s'établir à Strasbourg auprès de son père. Dès lors
il travailla presque exclusivement pour l'Alsace, dont nombre d'églises
et de monuments contiennent des tableaux de lui. Il envoya rarement
ses œuvres à Paris. Cependant au salon de 1827 il exposa VInventi 'on de
l'imprimerie à Strasbourg en 14^6 (1), en i83i des costumes alsaciens
et, en 1 844, la Vierge et l'Enfant Jésus (2) . Il fit aussi une Adoration des
Bergers, qui est actuellement dans la cathédrale de Strasbourg, et le
portrait de M. Schwilgué, le restaurateur de la fameuse horloge de la
dite cathédrale.
Gabriel Guerin fit un grand nombre de portraits, parmi lesquels ceux
de Benjamin Constant, peint alors que celui-ci fut élu député par les
Strasbourgeois (3), et de Humann, ministre des finances de Louis-
Philippe (4). Il faut citer aussi, parmi ses œuvres les plus importantes,
une Scène de la vie de Lantara, Richelieu et madame de Chevreuse et
Condé et mademoiselle de Montpensier (5).
Gabriel Guerin avait ouvert un atelier, qui fut fréquenté par un grand
nombre d'élèves. C'est de cet atelier que sont sortis Brion, Henner,
Halfner, Lix, Gluck, Schuler, Jung, Pradel et Schutzenberger.
Gabriel Guerin mourut le 20 septembre 1846, d'une chute de voiture,
pendant une partie de plaisir qu'il faisait avec des amis en Bavière. Il
a laissé un fils, M. Jules Guerin, qui, sans avoir suivi la carrière artis-
tique, a conservé pieusement les traditions de sa famille et m'a confié
les documents qui m'ont servi à faire le présent travail.
Gabriel Guerin avait un frère, Jean-Baptiste, qui fut aussi peintre et
qui lui succéda comme conservateur du musée de Strasbourg.
(1) Ce tableau fut acquis par le duc d'Orléans, depuis Louis-Philippe, et fut conservé
jusqu'en 1848 dans les galeries du Palais-Royal. On ignore s'il existe encore.
(3) Ce tableau a été cédé, au mois de juillet 1879, par Mademoiselle Cornélie Guerin,
au musée de Strasbourg, qui ne possédait plus, depuis les incendies de 1870, aucune œuvre
du célèbre peintre alsacien.
(3) Ce portrait, très caractéristique, n'a jamais été reproduit. Il est actuellement conservé
par Madame Vervoort, une des filles de Gabriel Guerin.
(4) Ce portrait est actuellement entre les mains de M. Jules Guerin.
(5) Ces trois tableaux sont conservés par M. Jules Guerin.
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t
JEAN II, DUC DE BOURBON
Lettre adressée par Jean II, duc de Bourbon et d'Auvergne, grand-
chambellan, puis connétable de France, à Francesco Sforza, duc de
Milan. Elle fait partie des archives de cène dernière ville.
Monseigneur, je me recommande à vostre bonne grâce
tant comme je puis. Et vous plaise savoir que j'ay receu les
lettres qu'il vous a pieu de m'escripre par ce porteur, par
lesquelles me mandez que je vous vueille donner et envoyer
des lasniers faulcons bons à voler à la perdrix, ensemble des
espagnolz. Et pour ce que de présent j'en suis mal fourny et
que n'en puis finer si dilligemment, à ceste cause vous ren-
voyé ledit porteur. Touteffoiz, Monseigneur, je y ay fait et
taiz toute la dilligence possible d'en recouvrer et espère à
Payde de Dieu d'ycy à dix ou huit jours faire partir d'ycy mon
faulconnier qui vous portera desdits lasniers faulcons et des
espaignolz, de tous les meilleurs que je pourray finer. Et
tousjours quant aucune autre chose vous plaira par deçà
que je puisse escripvez le moy et de bon cueur le feray à
l'ayde de nostre Seigneur, auquel je prie nostre Seigneur
qu'il vous doint bonne vie et longue. Escript à la Coste le
vi e jour de décembre.
Vostre serviteur
Johan.
A mon très redoubté seigneur monseigneur le duc de
Millan.
LE CARDINAL CONSALVI
Lettre adressée de Rome, le i er septembre 1801, par le cardinal
Consalvi, secrétaire d'État du pape Pie VII, au savant Chaptal, alors
ministre de l'intérieur. Le cardinal revenait de Paris, où il avait signé
le Concordat avec le premier Consul. Il demande en grâce à Chaptal
d'empêcher que M. Dufourny, commissaire à Rome pour les objets d'art,
enlève les objets appartenant à des particuliers. Il déclare que le Saint-
Père abandonne volontiers ce qui est la propriété du Vatican ; il en
appelle à la loyauté et à la justice du gouvernement français et à la
bonté de son ministre. « Prenez, s'écrie-t-il, les propriétés qui ne sont
pas aux particuliers et sauvez celles-ci. » Le ton à la fois humble et fier
de cette lettre mérite d'être remarqué.
Excellence
C'est absolument en V. E., c'est dans la connoissance de
ses qualités personnelles, que sont fondées mes espérances
pour l'heureuse issue de l'affaire qui forme l'objet de l'envoi
d'un courrier extraordinaire, porteur de cette dépêche. Je
dirai de plus, que c'est dans sa personne (dont je ai rendu à
sa Sainteté le comte le plus détaillé) que le Saint Père a fondé
les siennes.
M. Doufourny, commissaire des objets d'arts, a fait ici des
demandes qui, quoique viennent à la suite d'un arrêté du
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Ï40 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES
1 3 floréal, cependant doivent recevoir des modifications en
conséquence de ce qui s'est passé plus récemment à Paris,
où je ai eu l'honneur de parler au P. Consul et à V. E. même
sur cet objet. Je joins ici une mémoire détaillée, qui instruira
V. E. des faits, qui ne lui sont peut être connus dans toute
leur extension. Je prie Y. E. de y jetter un coup d'œil; je le
prie dans un moment de loisir de vouloir le lire elle-même :
c'est ce que demande instament à sa bonté ordinaire. Je n'ai
pas eu le tems de l'écrire en français, qui m'est un peu plus
difficile. Sa Sainteté ayant étée très pressée par son désir d'en-
voyer le courrier le plus tôt possible, ne m'a pas donné le
tems de la faire au moins traduire. Que V. E. me pardonne
cette peine de plus que je lui procure. Elle verra, par la lec-
ture du mémoire, que la demande du S. Père est également
appuyée à la justice que à la générosité française. Elle l'est
plus particulièrement à la bonté et amabilité de M. Chaptal.
Que V. E. souffre aussi que je lui rappelle la conversation
que nous eûmes ensemble là dessus, le dernier jour que j'eus
l'honneur de la voir. Je rappellerai ce jour-là avec bien de la
peine pour m'être éloigné d'un séjour, dont je ne pouvais être
plus charmé , et d'une personne aussi estimable et aussi
aimable que M, Chaptal. Dans l'éloignement qui me sépare
de lui, il peut être assuré que son souvenir me suit toujours,
étant trop profondément gravé sur mon cœur.
V. E. n'a pas besoin que je lui répète ici ce qu'il est dit
dans ce mémoire. Cependant l'intérêt que le S. Père y mette,
m'oblige à dire ici un mot sur ce même objet. Que V. E. me
permette de parler ici un langage franc et loyal, tel qu'il con-
vient à un homme de son caractère. Il ne s'agit pas de sauver
les propriétés déjà appartenentes au musée Vatican : sa Sain-
teté ne fait point d'opposition à les livrer, si le P. Consul le
veut. Il s'agit de l'intérêt des particuliers et de leurs pro-
priétés. Ce sont les objets appartenants aux Braschi, aux
Albani, à M. Bristol, à^M. Fogher, à l'église Impériale de
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LE CARDINAL CONSALVI 141
Tâme. Ce n'est pas le gouvernement français d'aujourd'hui
qui en fit la confiscation : au contraire, il la réprouve haute-
ment. Le P. Consul en a donné une preuve éclatante, en
ordonnant que l'on rende les biens au duc Broschi ; la cause
est donc jugée : ce fut la confiscation aussi des objets en
question qui eut lieu de même que l'autre. Si celle-ci est
déclarée nulle et injuste, comment pourroit subsister l'autre?
Il est de même pour les autres individus susmentionnés.
Le P. Consul me marquât un peu de mécontentement contre
la famille Albani, la croyant ennemie de la France. Je tachai
de la justifier. Outre cela les objets ne sont pas au cardinal,
dont il se plaignoit, mais au Prince, qui depuis longtemps
demeure en Allemagne, et qui est étranger à tout ce qui se
passe à Rome. Je ne parlerai pas ni pour l'église Impériale
de l'âme, ni pour les deux Anglais : sa justice et sa générosité
lui parleront pour eux. Je lui parlerai pour le Pape même et
pour moi. Voulez vous, Excellence, que nous allions faire
des visites domiciliaires, ou faire les sergens, pour les con-
traindre à rendre leurs propriétés, que ils soignent? Je en
appelle à votre cœur. Vous ne trouveriez cela ni humain, ni
décent pour le caractère sacré dont le S. Père est revêtu.
D'ailleurs je ose vous faire observer, Excellence, si la con-
duite toujours constante de sa Sainteté vis à vis de la France
n'a pas quelque droit à ce que votre Gouvernement ne lui
trouble pas son repos. Vous me pardonnerez, je espère, ma
franchise et ma loyauté ordinaire. Je vous prie donc, Excel-
lence, d'envoyer des ordres précis et clairs. Prenez les pro-
priétés qui ne sont pas aux particuliers, et sauvez celles-ci ;
voilà tout.
Je ai ouffert à M. votre fils, qui se porte à merveille, s'il
vouloit profiter de l'envoi de ce courrier pour vous donner
lui même ses nouvelles. Il est charmant. Il fut chez sa Sainteté
avec tous les autres ; le Pape me dit de l'y conduire une autre
fois seul; ainsi il ira dans deux ou 3 jours. Je l'aime à la folie :
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142 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES
il est si gentil, si doux, si rempli de mérite, quoique si jeune,
que vous avez des grandes raisons pour l'aimer. Je tacherai
de lui témoigner tout l'empressement possible dans son séjour
ici. Je finirai ma lettre, pour vous répéter, Excellence, mes
prières pour que vous me teniez votre parole de disposer
de moi comme votre agent, Vous ne manquerez pas à une
promesse solemnelle. Je vous répète, Excellence, les assu-
rances de ma considération la plus distinguée et la plus res-
pectueuse.
De V. E.
Très affectionné serviteur,
H. Cardinal Consalvi.
Rome, 1 septembre 1801.
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LA MÈRE D' ANDRE CHENIER 145
des villenes paroles à mon fils quant elle vient l'assaillir à i
ou 2 heures du matin, je soufrais, mais je n'ai point paru.
Mais voici ce qui est arivé le 26, la nuit antre jeudy et
vandredy, à 1 heure du matin. J'ai entandu beaucoup de brui
dans la chambre de mon fils et des cris, et la voi de mon
chère fils, très émue, qui diset qu'on apele la garde. Alors
toute efrayé j'ai sauté de mon lit, j'ai ouvert ma porte et entré
chés mon fils, que j'ai trové en chemise, ses couverture et ses
coussin par terre, et cette arogante le batan et lui crachant
sur lui, ivre d'au de vie, soûle comme un porte d'au et écu-
mant de rage. Je l'ai poussé dehor la porte; elle l'a menasse
qu'il la lui payerai et qu'elle voulé l'étrangler, tous cela de-
vant moi, Auguste présant, mais il est gagné.
Elle a donné à Auguste mille franc et 5oo fr. à la portière.
C'est de lui-même que je le tiens, quant mon fils étet à la
rue Helvécius.
Tachés, mon chère citoyen, de tirer votre ami d'auprès
d'une objait si indigne d'un homme comme lui, sur tout les
rapors. L'ocasion est favorable et le mal presse.
Point jolie, arogante, efrontée, bête et méchante. J'ai apelé
la portière et lui dit de ne plus recevoire cette famme, mais
tout sont gagné. Auguste, le belle esprit, gouverne tout.
Je vous prie, n'oublié pas ma prière. J'y compt. Depui
que je vous ay confié ma pêne je suis plus tranquile.
Un homme d'esprit comme vous, citoyen, saura cornant
il faut s'y prandre pour ne pas me compromettre vis-à*vis
mon fils.
Je fini, mon chère citoyen, avec l'estime la plus distingué.
Signé : E. V. Chenier, née l'Homa.
Au citoyen Mayro, chef de l'écol santral de Paris, au
collège de Navar, rue et montagne Geneviève, à Paris.
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I46 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES
Paris, ce 3o vandémiaire an 7.
La c. V. Chenier au citoyen Maherault.
Citoyen, nous ne somme plus à tams. Mon chère fils,
M. J. C, a sédé à la bonté de son cœur. A force de bonté, on
est quellques fois foible.
Je vous remercie beaucoup de ce qu'à ma prière vous avés
bien voulu conssentir à vous charger d'une commission déli-
cate en éfé.
Mon chère fils, à qui j'ai tant d'obligations, qui vas au
devant de tout ce qui peut me plère, aurai suremant deviné
que c'est moi qui ora fait des confidances à son ami et m'orai
su movés gré.
J'aime mieu atandre du tams. Il fait et défé.
J'ai l'honneur de vous réitérer mes remerciments et vous
assurer de l'estime la plus distingué.
E. L. V. Chenier.
Chère et digne ami de M. J. Chenier, voyé-le le plus sou-
vant qu'il vous cera paussible. Persuadé-lui que l'homme,
pour devenir libre, il doit conssentire à se charger des chênes
honorable du mariage. Il y a des incovéniant, mais il y an a
à tout ; au moins celles de ce lien vertueu ne font pas rougir.
Là où est la vertue se trouve le bonheur. Il n'y an a pas
aùtremant. Il n'est plus si éloigné de l'idée du mariage. Il
port le même jugemant que moi de cette famme sans aucune
peudeur, mais l'abitude l'anporte encor. Nous le ramèneron :
son âme est née vertueuse. Édé moi.
Au citoyen Maherault, professeur à l'écol central du Pan-
théon, etc., rue et montagne Geneviève, au si-devant collège
de Navar, à Paris.
Les espérances de Madame Chenier ne se réalisèrent pas : non seu-
lement Marie-Joseph ne se maria point, mais il ne quitta point Madame
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LA MÈRE D' ANDRÉ CHENIER 147
de la Bouchardie. En 1799, il lui fit épouser un certain M. de Les*
parda de Maisonnave, qui joua le rôle des maris des maîtresses de
Louis XIV et de Louis XV. M. de Lesparda ne tarda pas à se retirer à
Montereau, tandis que sa femme revenait habiter dans la même maison
que Marie-Joseph. Madame Chénierdut accepter cette situation singu-
lière. Madame de Lesparda, un peu adoucie, 'montra pour son amant,
malade et ruiné, un dévouement; remarquable. Elle vendit ses dia-
mants pour payer les dettes de l'ancien conventionnel, qui avait perdu
sous l'Empire ses fonctions et son crédit. Elle le soigna jusqu'au der-
nier jour avec tant de sollicitude que Constantin-Xavier, le frère aîné
de Marie-Joseph, lui donna, dans une déclaration que j'ai publiée (1),
le titre de sœur.
Marie-Joseph Chénier mourut à Paris le 10 janvier 181 1.
Madame Chénier avait précédé son fils dans la tombe. Elle était
morte à Paris, le 6 novembre 1808, à l'âge de 79 ans. Elle fut enterrée
à Antony.
(1) Repue des documents historiques, t. V.
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CHARLES VIII
ROI DE FRANCE
Lettre du 8 octobre 1483, par laquelle Charles VIII demande au
collège des cardinaux de nommer à l'évêché d'Orange, vacant par la
mort de Laurent Alleman, Pierre Carré, confesseur de Pierre de Beau-
jeu, duc de Bourbonnais. Ce siège avait été offert à Etienne Goupillon,
évèque de Seez, qui Pavait refusé.
Charles par la grâce de Dieu roy de France. Très chiers et
grans amys, pour ce que l'eveschié d'Orenge est destituée
de pasteur depuis la derrière vaccacion d'iceluy par ce que
maistre Estienne Goupillon, qui de Peveschié de Seez a esté
contre son gré, vouloir et consentement, translaté audit eves-
chié d'Orenge, n'a voulu ne veult accepter ladicte translacion,
nous escripvons à nostre saint père qu'il luy plaise oudit cas
pourveoir audit eveschié de la personne de maistre Pierre
Carré, docteur en théologie, conseillier et confesseur ordi-
naire de nostre très chier et très amé oncle et cousin le duc
de Bourbonnois et d'Auvergne. Si vous prions tant à certes
que povons que vous vueillez tous ensemble et en particulier
accorder, tenir la main et tant faire envers nostredit saint père
à ce que ledit maistre Pierre Carré soit pourveu dudit eves-
chié d'Orenge, se ainsi est que ledit Gopillon ne le vueille
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CHARLES VIII, ROI DE FRANCE 149
accepter. Et vous nous ferez en ce faisant très singulier et
agréable plaisir. Très chiers et grans amys, nostre Seigneur
vous ait en sa sainte garde. Donné à Amboise le vin 6 jour
d'octobre.
Charles.
Petit.
A noz très chiers et grans amys les cardinaulx du saint
siège apostolique.
Pierre Carré fut en effet nommé évêque d'Orange ; il occupa ce siège
jusqu'au 5 janvier i5io.
Cène lettre de Charles VIII est conservée dans les Archives de
Venise. (Bolli ed atti délia curia romana, busta n* xxvm.)
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UNE COUSINE DE NAPOLEON 1 er
M. L. Azzolini, de Rome, m'a communiqué l'original d'une lettre
écrite à Napoléon I er par une de ses cousines, Petronilla Buonaparte.
Le texte en est tellement curieux qu'il m'a paru digne d'être publié,
avec son orthographe extravagante ; j'ai même fait reproduire en fac-
similé quelques lignes et la signature. Cette Petronilla a-t-elle réelle-
ment existé, ou cette lettre est-elle l'œuvre d'un mauvais plaisant? c'est
ce que j'ignore. Ce que je puis affirmer, c'est qu'elle date bien de l'époque
où Napoléon fut proclamé empereur des Français.
A Monsieur l'ampereur Buonaparte, à Sein Clou,
pré Pari.
Ajaccio, ce 1 5 may.
Laids parvenus sont ordinairement flairs : ces pourquoi
j'ais peur de vous écrire. On dit d'ailleurs que lorsque vous
étiés consulte, vous avés envoyé biens des gens dans le nouvo
ou dans l'autre monde parce qui zavaient écri ce que vous ne
vouliés pas qu'on lut. A présan que vous étés ampereur, ce
cera peut être encor pi. Je me déicide pourtant à vous écrire,
persuadée que vous n'oré pas oublié votre ancienne amie et
couzine Petronilla Buonaparte.
La laitre que je vous envoi ne se pairdra pas, j'espaire,
et ne sera lue par pairsonne, puisque j'an charge une amie
commune, la Brighetti, qui va à Marseille pour apprendre
le français, afin de se fer ensuite présenter dans votre cour
impérial. Quant je me rappel les eureux momens que nous
avons pacé ensemble, mon feble queur est prêt à se fandre.
Je souhaite qu'il en soit otant de vous quant vous recevré
la présante laitre. Vous souvené vous du tans où vous donnié
des lessons à la petite Petronilla quant vous arrivié de Pari
où le Roi vous avè mis à l'école à cause de ce grant seigneur
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UNE COUSINE DE NAPOLÉON I er l5l
qui était si bien avec ma tante. Ces vous qui m'avés apris à
conter et puis l'aurtaugrafe, et puis... Ah! couzin, je veux
dire Cire, quoique vous m'ayés pour ainsi dire planté là
depuis que le sistaime d'égalité vous a rendu grant seigneur,
je n'ai point oublié nos enciennes liaizons. Je vous en dirais
maime là dessus bien davantage, mais il y a tous plin de
choses qui se pacent entre couzin et couzine, quant on est
auprès l'un de l'autre, et qui ne peuvent se mender dans
une laittre. J'imagine que la place d'ampereur qu'on va vous
donné vous vaudra de bons apointements et que vous n'oré
pas à me dire comme quant vous étié lieutenant d'artillerie
que vous n'avé pas le sou. Le petit est en pancion, mais je
m'épuise pour l'entretenir et je pance que je n'orais pas de
jupon si notre vieux oncle le notaire Jeronimo ne m'avé pas
praité 18 francs. On m 1 a bien conseillé de vous écrire,
mes je n'en ai pas eu le courage parce qu'on dizait que
depuis que vous vous étiés fé français vous ne voulié plus
reconnetre tous les Buonaparte qui sont restés en Corse.
Vous connaisse ma timidité naturel, vous savé combien
elle a été difficile à vincre. Hé bien, ces toujours de maime.
D'après cela, Cire et chair couzin, vous pouvé pancer combien
ça me coûte de vous écrire. Ces pourquoi je termine ma
laittre en vous assurant des témoignages de mon amitié, étan
toujours com autrefoi
Versatiles > 14 Floréal an \ u
Je vous préviens » Monsieur, que Conformément aux anciens usages
pratiqués de tout temps, le premier Magistrat du Département doit
recevoir des honneurs à l'Eglise» quand il s'y trouve j c'est un gage
de l'union qui doit régner entre l'Eglise et l'Etat » et une réconnois-
tance due à 4a protection de Tune envfets Tautte.
" En conséquence» lorsque le Préfet du Département assistera âme
offices de votre Eglise» il doit y avoir une place distinguée dans
le chœur; le Thuriféraire (bit lui donner l'encens après le Clergé -,
V Acolyte doit lui présenter le pain-béni » et l'Officiant l'eau-bénite»
avec distinction i enfin» U doit être admis à baiser la paix avec le
Clergé.
Je vous prie de vous conformer a ces dispositions» que Je crois
être dans votre coeur. On s'honore toujours en honorant le ring»
l'état et la personne du premier dépositaire de la puissance publique»
sous l'autorité du Gouvernement.
ftjgféez» je vous prie» Monsieur» mes salutations respectueuses*
f LOUIS» Evtye de FersaUlcs.
Je vous prie de donner avis de cçt arrangement à tous les Curés
desservants de votre Canton
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LOUIS CHARRIER DE LA ROCHE
ÉVÊQUE DE VERSAILLES
Louis Charrier de La Roche, né à Lyon le 17 mai 1738, fut grand-
vicaire dans sa ville natale sous l'archevêque Malvin de Montazet. En
1 789 il fut élu député aux États Généraux par le clergé de Lyon : il
prêta serment, en 1791, à la constitution civile du clergé et fut nommé
évêque constitutionnel de la Seine-Inférieure. Il donna sa démission
le 26 octobre 1791 et se retira à Lyon. Après la Terreur, il se réconcilia
avec le Saint Siège et fut pourvu, le 9 avril 1802, de Tévêché de Ver-
sailles. Peu de mois après il fit connaître aux curés de son diocèse
quels honneurs ils devaient rendre dans leurs églises aux préfets.
Je reproduis en fac-similé cette circulaire, qui est du 24 floréal
an XI (14 mai i8o3).
En Tan X l'évéque Charrier de La Roche avait été consulté par un
médecin de Versailles sur le point de savoir si la vaccine n'était pas
contraire à la religion. La précieuse découverte de Jenner, après avoir
été attaquée et contestée, comme cela se produit pour toutes les inno-
vations, commençait à se propager dans l'Europe entière et à être
acceptée par les médecins et par le public. Cependant ce préservatif,
emprunté à un animal, choquait plusieurs esprits, et on se demanda si
cette pratique était conforme aux lois religieuses. Charrier de La Roche
se prononça pour l'affirmative dans les termes suivants :
Versailles, 22 fructidor an 10 (1).
Le cas de conscience sur lequel vous me consultés, Mon-
sieur, n'est pas nouveau. Il fut proposé il y a plus de 3o ans
pour l'inoculation de la petite vérole ; comme des personnes
(1)9 septembre 180a.
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l54 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES
scrupuleuses crurent voir dans cette précaution la communi-
cation d'une maladie qui pourroit donner la mort et, par
conséquent, une action défendue par la loi de Dieu, la faculté
de théologie fut consultée par J'autorité supérieure ; avant
de donner sa décision, elle désira que la faculté de médecine
s'expliquât sur les avantages et les dangers de l'inoculation,
L'avis de cette dernière fut tout en faveur de cette opération
salutaire, qui ne lui présentoit que des moyens de salut et
un préservatif assuré contre les ravages multipliés de la ma-
ladie qu'il s'agissoit de prévenir, et il parut décidé qu'au
moyen des préparations par lesquelles on dispose les sujets
à être inoculés, eu égard à l'âge, au tempérament et aux
autres circonstances qui faisoient juger du succès de l'inocu-
lation, cette découverte étoit utile et précieuse pour l'huma-
nité, et que s'il en est résulté quelques accidens, ils étoient si
rares et si étrangers à l'inoculation même, on ne pouvoit les
attribuer qu'à la faute de celui qui n'avoit pas assez consulté
les dispositions du sujet devenu victime de l'inoculation.
D'après cette décision, la Sorbonne ne prononça pas doc-
trinalement sur ce point, mais son silence fut regardé comme
une approbation du procédé, dans l'ordre de la conscience,
puisque jugeant que l'avis de la faculté de médecine de voit
précéder le sien, c'étoit pour diriger celui-ci sur celui-là que
cet ordre fut gardé.
Or, si l'on peut croire que l'inoculation est permise dans
l'ordre de la religion comme elle est prudente et salutaire
dans l'ordre de la santé, à plus forte raison la découverte de
la vaccine doit-elle jouir du même privilège et réunir les
mêmes caractères. D'après ce que les papiers publics nous en
apprennent, non seulement elle préserve de la petite vérole
naturelle, mais encore elle en détruit le germe. Si cela est, et
l'expérience nous l'apprendra, ce seroit un présent inappré-
ciable que la Providence auroit fait à la société. Il paroit que
la vaccine n'est pas même une maladie, qu'elle a ses prépa-
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LOUIS CHARRIER DE LA ROCHE l55
rations comme l'inoculation et qu'à peine elle est sentie par
ceux qui se soumettent à cette épreuve. Dès lors ne peut on
pas placer l'une et l'autre dans la classe des remèdes de pré-
caution qui sont très légitimes et très salutaires tout ensemble ?
Une saignée, une médecine, sont destinées à rétablir la santé
comme remèdes; cependant il peut en résulter des effets
contraires et la mort même, quand elles sont mal appliquées;
une opération chirurgicale a pour but de sauver la vie au
malade qui la subit; combien de malades périssent dans
l'opération même ? Néantmoins personne ne s'est avisé de
contester la légitimité de ces remèdes dans Tordre de la reli-
gion. Je pense donc et suis très porté à croire qu'il en est de
même de la vaccine, d'après ce que j'en ai lu dans les papiers
publics. Je soumets toutefois mon opinion à des théologiens
plus éclairés que moi; mais je suis disposé à persévérer dans
mon opinion, jusqu'à ce que l'on m'en fasse appercevoir le
vice ou le danger. Quand on est consulté, on doit un avis à
celui qui consulte; tel est le mien sur cette matière.
^ /ûulj foflvLj Je ybûruéLf
A Monsieur, Monsieur Duchesne, professeur d'histoire
naturelle, à Versailles.
Charrier de La Roche devint premier aumônier de Napoléon i"en
1804. Il mourut le 17 mars 1827.
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LA CORPORATION
DES PEINTRES VERRIERS DE PARIS
en i585
Dés le xiii* siècle, l'usage des vitres peintes était répandu; ceux qui
les fabriquaient étaient considérés comme des artistes et jouissaient, en
cette qualité, de certains privilèges. Charles V et Charles VI, en effet,
déclarèrent les peintres vitriers quittes et exemps de toutes tailles, par
des lettres patentes, données à Chinon, le 3 janvier 143 1 (n. s.); Char-
les VII confirma ces privilèges en faveur de Henri Mellein, peintre
vitrier de Bourges, et de tous ceux de sa profession (1). Ceux-ci for-
maient, dans plusieurs villes du royaume, des corporations; à Paris,
les peintres vitriers dressèrent des statuts que Louis XI approuva le
24 juin 1467 (2). La communauté adopta pour patron l'évangéliste saint
Marc, c un des quatre secrétaires de Dieu » ; elle était gouvernée par
deux jurés maîtres chef d'atuvriers, élus tous les ans, le lendemain de
la fête de saint Marc; ces jurés, qui devaient avoir dix ans de maîtrise,
exerçaient un droit de visite et de contrôle sur tous les membres de la
corporation, dont ils s'engageaient à diriger les affaires « comme de
bons pères de famille. • Pour entrer dans la communauté, il fallait un
(1) Ces lettres ont été publiées par Pierre Levieil dans son livre: L'art de la peinture
et de la vitrerie; 1774, in-fol., p. 88.
(2) Cf. Statuts, ordonnances, privilèges et règlements des Maîtres Jurés, Anciens
Bacheliers, et Maitres de la Communauté des Vitriers-Peintres sur verre de la Ville,
Fauxbourgs, Banlieue, Prévôté et Vicomte de Paris. Tirés des Anciens Statuts de la-
dite Communauté accordés par le Roy Louis XI en sa ville de Chartres, par ses Lettres
Patentes du 24 juin 1466, registrées ès-Livres du Chdtelet de Paris, le 26 jour
d'Août en suivant. Vérifiées en Parlement le dix-neuvième avril 1666. A Paris, de
l'imprimerie de la V. de Jacques-François Gron, rue de la Hachette, ai] Soleil do;
M.Dccui, in* 18 de m pages. (Bibl. nat., F4S30.)— La date de 1466 est une f«nt<
d'impression: il faut lire 1467.
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LA CORPORATION DES PEINTRES VERRIERS DE PARIS 1 5y
apprentissage de quatre années, après lequel on était admis à faire le
chef-d'œuvre; cette épreuve avait lieu dans la maison d'un des jurés et
en présence de dix anciens maîtres (i). Les statuts, qui comprenaient
trente-cinq articles, établissaient les devoirs respectifs des maîtres et
des apprentis. L'article XIX était ainsi conçu : e Nul Maitre ne pourra
mettre en œuvre aucune pièce de Peinture ès-Églises, Chapelles, Mai-
sons et autres lieux, qu'elle ne soit bien et deuement recuite, à peine de
six livres parisis d'amende, applicable moitié au dénonciateur et l'autre
aux frais des jurés. » Les veuves avaient droit de tenir les boutiques et
jouissaient des mêmes privilèges que leurs époux défunts, tant qu'elles
n'étaient pas remariées. Enfin, l'article XXVIII portait que tout verre
blanc ou peint, « qui sera voiture tant par eau que par terre dans la
ville et fauxbourgs de Paris », serait visité par les jurés avant que d'être
exposé en vente.
Tels étaient les articles principaux des statuts qui régissaient, pen-
dant les xv 6 et xvi e siècles, la corporation des « Vitriers Peintres sur
Verre de la Ville, Fauxbourgs, Banlieue, Prévôté et Vicomte de
Paris (2). • En 1 585, cette communauté fonda, dans l'église du prieuré
(1) Les statuts ne contiennent pas de détails sur le chef-d'œuvre, mais ceux des
peintres, sculpteurs et verriers de Lyon, confirmés par Charles VIII en 1496, portent les
dispositions suivantes :
« Le compaignon verrier fera pour son chef-d'œuvre deux paneaulx de voirres, con-
tenant chacun huit pieds en querrure, et dedans l'ung fera un Mont-Calvaire de painture
et de joincture, en l'autre un trespassement de Nostre-Dame de peinture, recuyt comme il
appartient, ou autres ystoires a l'ordre des maîtres, sans aide ni conseil d 'autrui, et ap-
partiendra à la confrairie de Saint-Luc; si le compaignon le veult reprendre, l'aura pour
le prix justement estimé, et s'il veult passer maitre fera ung disner, et en oultre sera
tenu demeurer troys moys chez un des maîtres pour connaître de sa science, à moins qu'il
ait esté apprentif chez un maître de Lyon. » Cf. Histoire des anciennes corporations d'arts
et métiers et des confréries religieuses de la capitale de la Normandie par Ch. Ouin-
Lacroix, docteur en théologie de l'Université de Rome ; Rouen, Lecointe frères, 18S0, in-8.
(2) Les statuts dont je viens de parler commencent ainsi :
« Statuts, Ordonnances, Privilèges et Réglemens, que les Maîtres Jurez, Anciens Bacheliers
et Maîtres de la Communauté des Vitriers Peintres sur Verre de la Ville, Faubourgs, Ban-
lieue, Prévôté et Vicomte de Paris, ont résolu de renouveller et d'observer inviolable-
ment entr'eux, sous le bon plaisir du Roy, de Nosseigneurs de Parlement, de Monsieur
le Prévôt de Paris, Monsieur le Lieutenant civil et Monsieur le Procureur du Roy au Chatelet
de Paris, leurs Protecteurs, conformément aux anciens Statuts dudit Art et Métier
accordés par le Roy Louis XI en sa ville de Chartres le 24 juin 1467, qui est le tems de
près de deux cens ans qu'ils n'ont point été renouveliez ; Pour en jouir par eux et leurs
successeurs, et de tous leurs Droits et Privilèges pleinement et paisiblement. » — Ces
statuts furent confirmés par Louis XIV par ses lettres patentes données à Saint-Gcrmain-
en-Laye le 22 février 1666.
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l58 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES
de Sainte-Croix, sis rue de la Bretonnerie, une messe perpétuelle pour
ses membres passés, présents et à venir, laquelle devait être célébrée,
chaque année, le lendemain de la fête de saint Marc, leur patron. J'ai
retrouvé l'acte passé par les maîtres de la corporation avec le prieur et
les religieux de Sainte-Croix, etjj'en publie ici le texte :
Furent présens honnorables personnes Gratian Des-
champs, maistre victrier du Roy, demourant à Paris rue
Sainct Honoré, et Françoys Porcher, aussy maistre vic-
trier des bastimentz dudit sieur Roy, demourant à Paris en
la rue Sainct Honoré, disans que pour la grande et fervante
dévotion qu'ilz ont tousjours eue avec leurs compaignons
dudit estât de victrier en ceste ville de Paris en l'église et
monnastaire du prieuré et couvent de Saincte Croix, fondé
à Paris rue de la Bretonnerye, et considérans la bonne vye
des religieulx d'icelluy couvent et estre participans aux
bonnes prières et oraisons qui se dient journellement tant
de jour que de nuit, ilz auroient et ont volunté et affection
de fonder à perpetuitté, tant pour eulx que pour toute la
communaulté dudit estât et de leurs successeurs, par chas-
cun an le lendemain du jour et solempnité de la feste de
monsieur sainct Marc, évangéliste et Tun des quatre secré-
taires de Dieu, leur patron, ung service qui est vigilles à
trois laiçons, avec une messe haulte de requen à diacre et
soubz diacre et de mettre la représentation au cœur d'icelle
église avec le poille destiné pour les trespassez et quatre
pointe de cire à Tentour d'icelle représentation. Pour à quoy
satisfaire eulx voulans mettre du tout à leur pouvoir de
exécuter leur si bonne volunté, iceulx Deschamps et Porcher
dessus nommez, en la présence de Nicolas Penegrier (i),
Quantin Turtier (2) et Sezard Bouet (3), jurez, et de Jehan
(1) Nicolas Pi naigrier.
(2) Tourtier, comme l'indique sa signature.
(3) Il n'a pas signé l'acte.
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LA CORPORATION DES PEINTRES VERRIERS DE PARIS l5g
Duboys, bascheller dudit estât de victrier, se seroient et sont
retirez par devers vénérables et religieuses personnes frères
Joseph Chermoulin (i), prieur, Anthoine Larcher, soubz
prieur, Adrien Desgreulz (2), Nicolas Diguet, Pierre Ruffec,
Nicolas Dumort, Jherosme Le Roulx, provincial (?),
Lucyan Du Fref (3), Daniel Lapye, Michel Prévost (4),
Pierre Hinard, Estienne de Guemeneuc (5), Françoys
Surgère (6), Nicolas Chauvel, Simon Palory et Loys Petit,
tous religieulx profes d'icelluy prieuré et couvent, par ce
deuement assemblez et congregiez en leur chappitre au son
de la close, auquel lieu ilz ont acoustumez de eulx asembler
pour leurs affaires d'icelluy couvent, sçavoir si sest leur bon
plaisir de acepter icelle fondation, desquelz après en avoir
par eulx communiqué à tous les autres religieulx d'icelluy
couvent et en considéracion de la bonne volunté et dévotion
des dessusdictz victriers, se seroient et se sont à ce condes-
sendeuz et acordez. Partant iceulx religieulx dessus nommez
tant pour eulx que leurs successeurs religieulx d'icelluy
couvent, ont promis et seront tenuz de dire, chanter et
célébrer par chascun an à tousjours à perpétuité ledit jour
lendemain Sainct Marc, pourveu qu'il ne soit jour de
feste, ou bien le premier jour ouvrable d'après ledit ser-
vice qui est vigille à trois laiçons, avec une messe haulte de
requen à diacre et soubz diacre, et en la fin d 'icelle dire de
profundis et oraisons acoustumées pour les trespassez, et de
fournir une représentation au cœur de ladicte église avec le
poille des trespassez et quatre pointes de cire à Pentour
d'icelle représentation, le tout pour le remède des âmes des
dessusdictz et de leurs successeurs victriers présens et
(1) Le prieur n'a pas signé l'acte .
(a) Il n'a pas signé l'acte.
(3) Il signe Dufray.
(4) Il n'a pas signé l'acte.
(5) D n'a pas signé l'acte.
(6) François de Suggères.
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IÔO REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES
advenir et de leurs parens et amys. En faveur de laquelle
réception et pour Pentretenement d'icelle fondation lesdictz
Deschamps et Porcher ont présentement baillé et payé de
leurs propres deniers ausdictz religieulx, qui d'eulx ont
confessé et confessent avoir eu et receu la somme de vingt
escuz d'or soleil, pour icelle somme estre convertye et em-
ployée par iceulx religieulx à Tachapt et constitution de ung
escu deux tiers de rente annuelle et perpétuelle pour l'entre-
tenement d'icelle fondation, ce qu'ilz ont promis et sont
tenuz faire, car ainsy a esté acordé entre eulx, promettant,
obligeant, renonçant, etc. Fait et passé double audit prieuré
le douziesme jour de septembre mil cinq cens quatre vingtz
cinq.
QUANTIN TOURTIER. — F. L ARCHER. — N. DlGUET. —
P. RUFFEC. — F. N. DUMOR. — PlNAIGRIER. — LEROULX.
— L. DUFRAY. — J. DUBOYS. — P. HYNART. —
F. de Suggères. — Deschampz. — Symon Pallory. —
F. D. Lapie. — F. L. Petit. — F. N. Chauvel. —
F. Porcher.
Pageon (?). Maheut (i).
Dans cet acte figurent un maître vitrier du Roi, Gratien Deschamps ;
un maître vitrier des bâtiments du Roi , François Porcher ; trois
jurés : Nicolas Pinaigrier, Quentin Tourtier et Sezard Bouet; un bache-
lier, Jean Duboys. C'étaient là, à n'en pas douter, des artistes de talent,
et les quelques verrières du xvi e siècle, que nos églises parisiennes ou
nos musées possèdent encore, sont peut-être sorties de leurs fabriques.
Au xviii 6 siècle, Pierre Levieil consacra un chapitre de son Art de la
peinture sur verre aux « très beaux ouvrages de peinture sur verre du
seizième siècle, dont les auteurs sont inconnus », et il cita les vitraux
de Tégiise du Temple à Paris, de la chapelle d'Harcourt à Notre-Dame
et de l'église des Cordeliers (a). Depuis, combien de ces chefs-d'œuvre
ont encore disparu. Rien n'est plus sujet à la destruction que ces vitres
peintes, ornements merveilleux de nos églises et de nos palais. Le vent,
(i) Ces deux signatures sont celles des notaires,
(a) Levieil, p. 55.
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IÔ2 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES
la grêle, la foudre, sont autant de dangers incessants; sans compter
que, dans les temps d'émeutes et de révolutions, la populace n'aime
pas moins jeter des pierres dans les vitres que brûler les papiers. Aussi
connaît-on peu de noms de peintres verriers. Parmi les six qte men-
tionne l'acte ci-dessus, je n'ai retrouvé la trace que de François Porcher
et de Nicolas Pinaigrier.
François Porcher est cité par Sauvai (1) parmi les émules du célèbre
peintre verrier Nicolas Desangives, mais sans autre renseignement. Il
paraît qu'il laissa des fils qui n'abandonnèrent pas la profession pater-
nelle, car en 1677 un autre François Porcher était juré de la corpo-
ration, et au xvin* siècle il y avait encore à Paris des maîtres vitriers
de ce nom (2).
Nicolas Pinaigrier appartenait à une famille qui s'est illustrée dans
l'art de la peinture sur verre. Le premier de ce nom, Robert, exécuta,
en 1527 et en i53o, les magnifiques vitraux de l'église paroissiale de
Saint-Hilaire, à Chartres (3), et fut le contemporain et l'émule de Jean
Cousin. Il eut, au dire des biographes (4), quatre fils : Robert, Nicolas,
Jean et Louis, et une fille, Geneviève- De Robert, on ne sait rien.
Nicolas, dit Jal (5), qui a recueilli plusieurs documents sur les Pinai-
grier, eut un fils en i6o3, et mourut le 2 décembre 1606. Jean eut un
fils le 17 mars 1601. Louis mourut le 29 novembre 1627. Geneviève,
mariée à un peintre verrier, nommé Toussaint Le Blond, eut plusieurs
enfants, de 1606 à 161 1. A mon avis, il y a dans cette généa-
(1) Cf. Histoire et recherches sur les antiquités de la ville de Paris, par Henri San-
rtl; Paris, 1724, 3 vol. in-fol.
(s) Levicil, p. 66.
(3) Lcvieil, p. 4a et 43.
(4) Cf. article d'Emeric David dans la Biographie Michaud, et les Pinaigrier -par
Doublet de Botsthibault ; 1854, in-4.
(5) Dictionnaire critique de biographie et d'histoire; Parii, Pion, 1867, in-4. — Ce
livre, constitué à l'aide des registres des paroisses de Paris et des actes conservés dans
les éludes de notaires, est d'autant plus précieux qu'une partie des documents utilisés a
péri dans l'incendie des annexes de l'Hôtel de Ville. Seulement Jal a publié ses rensei-
gnements sans ordre et sans méthode, et souvent il est difficile de se reconnaître au milieu
de faits et de dates jetés là pêle-mêle, sans classement et sans critique. L'article sur
les Pinaigrier est un modèle du genre. Ainsi, après avoir dit que Robert exécuta, en
1537, les vitraux de Saint-Hilaire de Chartres, il ajoute gravement: « Je n'ai pu
apprendre où et quand Robert Pinaigrier mourut. On dit que ce fut à Tours ou près
de Tours; ce que je vois, c'est qu'il n'était point à Paris au commencement de Tannée
1601. En effet il ne fut point parrain du premier enfant de Jean, son fils, qui, époux de
Marie Ourdet, fit baptiser, le 17 mars 1601, Louis. » Jal n*a pas remarqué qu'en 1601
Robert Pinaigrier eût été plus que centenaire t
LA CORPORATION DES PEINTRES VERRIERS DE PARIS l63
logie, adoptée par Jal, une confusion qui confine à l'étourderie.
Ces diverses naissances, arrivées dans la famille Pinaigrier, de 1601
à 161 1, permettent de supposer que Nicolas, Jean et Louis étaient
frères et que Geneviève était leur sœur ou leur cousine. Elles semblent
prouver, d'autre part, que ces artistes étaient jeunes et assez récemment
mariés. Or, quand Robert Pinaigrier peignit les vitraux de Saint-Hilaire
de Chartres, en 1527, il n'était pas un novice; il devait alors avoir
trente-cinq ou quarante ans. Déjà peut-être avait-il des enfants. En
admettant même que ces derniers fussent nés plus tard, de 1 53o à 1 545,
ils étaient déjà trop vieux au commencement du xvu* siècle pour qu'on
leur attribue la fécondité dont leur famille fit preuve à cette époque.
Je crois que les Pinaigrier cités par Jal sont les petits-fils de Robert, et
je propose la généalogie suivante, qui, sans être appuyée sur des faits
certains, a plus de vraisemblance que celle si malencontreusement res-
tituée par Jal.
ROBERT
né vers 1490, mort vert i55o (1).
NICOLAS ROBERT
né ver* i53o, mort le s décembre 1606 (2). I
I 1 1 1 .
NICOLAS JEAN LOUIS GENEVIEVE
époux de époux de époux de femme de
Renée Bertolt. Mane Ourdet. Geneviève Fauchct, Toussaint Leblond
| I mort le en i6o3.
NICOLAS I *9 n°*- 1637.
né le 17 août i6o3 (3). I
I 1
LOUIS ROBERT
baptisé le 17 mare 1601. né le 21 mai i6o3.
Dans mon hypothèse, le Nicolas Pinaigrier, qui figure dans l'acte de
i585, publié ci-dessus, serait le fils de Robert. C'est à lui que des actes
de i566 à i58i, recueillis par Jal, se rapporteraient, et non à un frère
de Robert, ainsi que le supposait le même Jal. Ce Nicolas demeurait
(1) Emeric David a placé, non sans vraisemblance, la date de naissance de Robert Pi-
naigrier vers 1490, et M. Doublet de Boisthibault, moins affirmatif, a dit que cet artiste
naquit i la fin du zv« siècle. Ce dernier biographe pense que Robert mourut vers i55o-
—Jal, dans son irréflexion, combat l'assertion d'Emeric David, mais sans proposer de date.
(2) Cette date a été attribuée par Jal au Nicolas, époux de Renée Bérault, que je consi-
dère comme un petit-fils de Robert.
(3) M. Herluison, dans son intéressant ouvrage sur les Actes de l'état civil, cite le
mention suivante : « Le vendredy 17 jour (novembre i6s3) le corps de Nicolas, filz de
Nicolas Pinaigrier, pris rue Saint-Germain, proche 1a Vallée de Misère (reg. de la pa-
roisse de Saint-Germain rAuxerrois). » 11 s'agit peut-être là de reniant né le 17
aoêt iéo3.
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164 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES
à Paris, en 1 566, sur le territoire de Saint-Jacques de la Boucherie ; il
avait épousé Nicole Arrent, dont il eut quatre filles, de 1567 à 1572.
Il est qualifié de vitrier dans les actes de naissance de ses enfants. Il
perdit sa femme vers 1 57 5, et, le 8 juillet 1 58 1, il fit publier son mariage
avec Marie Fallois. On le retrouve ensuite dans l'acte de i585, en sa
qualité de juré de la corporation, titre que son nom et ses talents lui
avaient mérité. Il mourut le 2 décembre 1606.
Nicolas, on Ta vu, n'eut que des filles. Cest donc à un frère de
Nicolas, nommé Robert, qu'il faut attribuer la paternité des trois
artistes, Nicolas, Louis et Jean, qui exécutèrent, de 1608 à i635, plu-
sieurs des vitraux des charniers de l'église Saint-Paul à Paris. Nicolas
surtout fut célèbre par l'éclat et la beauté des émaux qu'il employa.
Sauvai l'a appelé l'inventeur des émaux; Levieil a vanté ses talents et
cité comme ses œuvres, dans l'église Saint-Paul, les vitraux représen-
tant saint Paul battu par les orfèvres' du temple de Diane à Éphèse,
le départ de saint Paul de cette ville et la résurrection d'Eutyque dans
la même ville. Ce Nicolas Pinaigrier, le plus connu de sa famille après
Robert, avait pour marque un compas ouvert, posé sur ses deux poin-
tes, entrelassé d'une branche de laurier. On ignore la date de sa mort.
Comme on le voit, la généalogie et la biographie des Pinaigrier sont
très obscures. Je n'ai pas la prétention d'y avoir apporté la lumière;
j'ai seulement voulu, puisque la découverte d'un document m'avait
conduit à des recherches sur les peintres verriers, signaler l'invraisem-
blance des généalogies adoptées par les biographes les plus récents, et
en établir une nouvelle ; je livre cet essai aux critiques, en souhaitant que
des documents inconnus viennent éclairer une question si embrouillée,
mon hypothèse dût-elle en souffrir.
Un dernier mot. L'acte que j'ai publié ci-dessus appartient actuelle-
ment à la corporation des artistes peintres verriers de France, restaurée
en 1877 par des artistes amoureux de leur art et fidèles aux vieilles tra-
ditions (1). Les membres de la nouvelle communauté ont tenu à hon-
neur de recueillir pieusement ce document , émané de ceux qu'elle
revendique justement pour ses ancêtres et dont elle veut suivre les
glorieuses traces.
(1) Cette nouvelle corporation, qui comprend des membres honoraires, titulaires
et agrégéi, a été créée, le 2 février 1877, à l'instigation de M. Claudia* Lavergne, qui a
été élu syndic, avec trois de ses confrères, M. Lobin de Tours, et MM. Nicod et GselU
Laurent, de Paris. Elle a son siège à Paris, rue d'Assas, 74. Ses statuts comprennent six
articles, d'où il ressort que la corporation a pour but d'établir une démarcation entre les
artistes qui exercent la profession de Peintres-Verriers et les industriels qui l'exploitent.
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LOUIS XI
ROI I>E FRANCE
En 1468 Louis XI négocia le mariage de sa belle-sœur, Bonne de
Savoie, fille du duc Louis I er et d'Anne de Lusignan , avec Galéas-
Marie Sforce, duc de Milan. Ce dernier était veuf de Dorothée de
Gonzague, qu'on le soupçonnait d'avoir empoisonnée. C'est à cène
négociation que se rapporte le document ci-après, que j'ai copié dans
les archives de Milan.
Loys, par la grâce deDieu roy de France, à tous ceulx qui
ces présentes lectres verront, salut. Comme en faisant et
traictant le mariage de nostre très cher et très amé frère et
cousin le duc de Milan avecques nostre très chère et très
amée seur et cousine Bonne de Savoye, plusieurs dons, pa-
rtions et promesses aient esté faictes à nostredit frère et
cousin, plus à plain contenues et déclairées ou contract dudit
mariage, et ayons esté requis de la part d'icellui nostre frère
et cousin de luy faire entretenir et accomplir le contenu
oudit traicté, savoir faisons que nous, voulans user en ceste
partie de bonne foy et considérans que en faveur de nous
ledit mariage a esté fait et accordé, avons pour ces causes et
autres à ce nous mouvans promis et promettons de bonne
foy et en parolle de Roy de donner à nostredit frère et cousin
toute la faveur, conseil, confort et aide que faire et donner
lui pourrons pour l'entretenement et accomplissement de
toutes et chàcunes les choses qui promises et accordées luy
ont esté par ledict traicté de mariage et de tenir à nostre
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l66 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES
povoir son parti à rencontre de nostre frère le duc de
Savoye (i) pour le faire paier dudit mariage, ou cas que
icelluy nostre frère de Savoye en seroit reffusant. En tes-
moing de ce nous avons fait mettre nostre scel à cesdictes
présentes. Donné à Amboise le xvn e jour de may Tan de
grâce mil cccc soixante huit et de nostre règne le septiesme.
Par le Roy
Bourré.
Le mariage eut lieu le 6 juillet 1468. Galéas fut assassiné huit «n
plus tard, et Bonne de Savoie mourut en 1485.
(1) Àmédét CC, qui «Tait épousé, en 145s, Yolande do Fraaot, tœur da U>uie XL
,
LE GÉNÉRAL JEAN-VICTOR MOREAU
Après le Coup d'État du 18 fructidor, le général Moreau fut appelé
a taris par le Directoire pour rendre compte de sa conduite. On le
tenait pour suspect, à cause de la vieille amitié qui l'unissait à Pichegru,
proscrit fjour avoir entretenu de coupables intelligences avec l'ennemi.
Ayant eu connaissance, en effet, de la trahison de son ami, il n'en avait
que tardivement informé le gouvernement. Aussi resta-t-il en disgrâce
pendant près d'un an. Dans sa retraite forcée, Moreau conçut le projet
d'écrire la relation de ses campagnes. Il intéressa à cette œuvre ses
collègues Kleber, Desaix et Reynier. Ce dernier avait été le chef d'état-
ttajor 4e Moreau dans la mémorable campagne de 1796. Aussi était-il
désigné d'avance pour le collaborateur le plus actif de son ancien
général. Kleber tenait particulièrement à publier avec ses trois amis
l'histoire des campagnes de 1794 à 1797, où ils avaient, de concert,
joué un rôle si important. Moreau était d'autant plus dévoué à cette
idée qu'il avait en médiocre estime les historiographes. C'est ce qu'il
écrivit, le 17 vendémiaire an VI, au général Reynier :
17 vendémiaire (1).
Au général Reynier.
Je n'ai reçu, mon cher ami, que depuis deux jours ta lettre
du I er vendémiaire; elle a un peu couru les champs.
Il paraît que vous allez guerroyer. Tant pis, car k saison
est bien avancée, . et il faut des souillers et des capot».
J'espère que tu me donneras de tes nouvelles et des opéra-
tions.
Tu auras ma division, et par conséquent moins de peine.
(1) An VI (8 octobre 1797.)
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l68 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES
C'est un plaisir quand on a son instruction dans sa poche et
qu'on n'a qu'à se battre.
Avant d'entrer en campagne fais-moi le plaisir de mettre
de côté ce que tu as fait sur l'armée du Nord et la dernière
campagne en cartes et notes. Si tu veux me les envoyer, je
mettrai tout cela d'ordre et ferai intercaller les opérations de
ma division avec celles de la tienne.
Kleber tient beaucoup à ce que toi, Desaix, lui et moi,
nous joignons tout ce que nous avons sur les campagnes
de 94, 95, 96 et 97, du Nord au Rhin. Il est très bien monté
et a de bons mémoires sur la Vendée. Il est important que
nous fassions quelque chose de bien militaire et de bien
vrai, car si on laisse tout cela entre les mains des historio-
graphes, tu conçois que nous y serons fort mal traités et
notre besogne très défigurée.
Nous sommes décidés à travailler à tout cela pendant
l'hiver et je t'assure que nous avancerons. Desaix nous est
indispensable pour le Rhin jusqu'en 96.
Adieu, mon ami. Je n'ai pas le temps de t'en dire davan-
tage. Le départ de la poste me presse.
Moreau.
Au général de division Reynier, armée de Rhin et Moselle,
à Strasbourg.
L'année suivante, Moreau fut rappelé à l'activité et Kleber, Desaix
et Reynier partirent pour l'Egypte. La triste destinée de Moreau et la
fin prématurée de Kleber et de Desaix empêchèrent malheureusement
la réalisation du projet qu'ils avaient conçu. Reynier, qui mourut le
dernier (27 février 18 14), à l'âge de 43 ans, n'eut pas le loisir d'écrire
l'histoire de ses campagnes; il se borna à publier, en 1802, un ouvrage
intitulé De l'Egypte après la bataille d 1 Héliopolis.
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BREVET DE L'ORDRE DU PORC-EPIC
L'ordre du Porc-Épic fut fondé, en 1 394, par Louis de France, duc
d'Orléans, à l'occasion du baptême de son fils Charles. Ce nom venait
de ce que le duc donnait aux chevaliers une bague d'or, garnie d'une
agate où était gravé un porc-épic. La pièce suivante confère le collier
de l'ordre du Porc-Épic à Giraud Adhémar, seigneur de Grignan, un
des ancêtres du comte de Grignan, qui épousa la fille de madame de
. Sévigné. Cest le célèbre comte de Dunois qui figure dans cet acte,
comme représentant de son frère, le duc d'Orléans, ce même Charles,
dont la naissance avait coïncidé avec la fondation de Tordre du
Porc-Épic,
Jehan, bastart d'Orléans, conte de Dunoys, à tous ceulx
qui ces présentes lettres verront, salut. Savoir faisons que, à
la prière et supplicacion de Giraut Esmart, escuier, seigneur
de Grigne, et pour considération de ses sens, loyauté,
preudommie, vaillance, à icelui Giraut, par vertu du povoir
à nous donné par mon très redoubté seigneur Monsieur le
duc d'Orléans, avons donné et donnons par ces présentes
congié et licence de porter le collier de Tordre de mandit
sieur le duc avecques le porcespy, fait premièrement par
ledit Giraut le serrement acoustumé ès-mains de nostre bien
amé escuier Bernart de Rogent, à ce par nous commis.
Donné en Avignon le xi° jour de mars Pan de grâce mil
CCCC et quarante (1).
Par Monseigneur le conte
Pkrrœr.
(I) I44I, B- ••
22
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LES BIJOUX DU CARDINAL DE LORRAINE
Charles, cardinal de Lorraine, né à Joinville, le 17 février 1524, était
fils de Claude de Lorraine, premier duc de Guise. Il fut le premier
ministre du roi François II et mourut à Avignon le 26 décembre 1574,
entre les bras de son frère Louis, cardinal de Guise (1), qu'il nomma
son exécuteur testamentaire. Le i #r janvier suivant, celui-ci prit pos-
session de la boîte contenant les papiers du défunt, et d'un saphir et de
bagues léguées par le cardinal à son neveu, le marquis d'Elbeuf (2), et il
donna de ces objets la décharge dont voici le texte :
Nous Loys, cardinal de Guyse, evesque de Metz, es noms
et comme exécuteur du testament de feu monsieur le car-
dinal de Lorraine, nostre frère, et tuteur de monsieur le
marquis d'Elbeuf, nostre neveu, confessons que le sieur de
La Chague a mis entre noz mains la bouette de nostredit feu
sieur et frère, dans laquelle estoient ses papiers, ensemble
ung grand saphy et toutes les bagues apartenans à nostredit
neveu le marquis d'Elbeuf, qui estoient dans les coffres de
(1) Né le ai octobre 1597, il fat successivement évique de Troyes (i545-i55o), d'Albi
(i55o-i56i), archevêque de Sens (i56i-i56a) et évoque de Metz (1 568-1578). Il mourut
le 34 mars 1578. On l'avait surnommé, à cause de son intempérance, le cardinal des
bouteilles.
(3) Charles de Lorraine, marquis d'Elbeuf, était fils de René de Lorraine, frère de
cardinaux de Lorraine et de Guise. Henri III érigea, en novembre i58i, le marquisa
d'Elbeuf en duché-pairie. Leduc d'Elbeuf mourut en 1606.
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LES BIJOUX DU CARDINAL DE LORRAINE 1 7 I
nostredit feu sieur et frère suyvant l'inventaire qui y a esté
trouvé après son trespas; dont nous deschargeons et tenons
quitte ledit sieur de la Chague et promectons es diz noms
d'exécuteur et de tuteur l'en descharger contre et envers tous
par la présente que nous avons signée de nostre main.
A Avignon le premier jour de janvier l'an mil cinq cens
soixante quinze.
Le 20 février suivant Henri de Lorraine, duc de Guise, dit le
Balafré (1), neveu et héritier du cardinal de Lorraine, reçut des
diamants, qui provenaient de son illustre père François (2), et des bagues
que le cardinal avait coutume de porter à ses doigts. Il en délivra là
quittance suivante :
Nous Henry de Lorraine, duc de Guyse, prince de Join-
ville, héritier de feu Monsieur le cardinal de Lorraine, nostre
oncle, certifiions avoir eu et receu du s r de La Chague trois
dyamens, ung rubis, ung saphir, deux petitz dyamens, que
soulloit porter feu nostre très cher sieur et père, une tur-
quoise, quatre petites bagues cornallines, que portoit aussi
en ses doigts feu nostredit sieur et oncle, avec ung cachet
d'or, emmanché de jaspe, estans de ses meubles, dont nous
l'avons deschargé et deschargeons par ceste présente, affin
qu'il n'en soit recherché ny molesté à Padvenir par quelque
Ci) Né le 3 1 décembre i55o, assassiné à Blois, le a3 décembre i588.
(2) L'illustre capitaine était le frère des cardinaux de Lorraine et de Guise.
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I72 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES
personne que ce soit, voullans et consentons, pour nostre
regard, que ledit la Chague joysse du don à luy faict par le
codicille du feu nostredit sieur et oncle. En tesmoing de
quoy nous avons signé cestedicte présente de nostre main et
faict contresigner par nostre secrétaire. A Reims, le xx f jour
de febvrier mil cinq cens soixante quinze.
Leseurre.
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JEAN DE LA RIVIERE
PREMIER MÉDECIN DU ROI HENRI IV
Certificat délivré par ce personnage et constatant qu'à la cour de
Henri IV l'apothicaire du Roi fournissait, par trimestre, tant pour sa
Majesté que pour les officiers de sa maison, des drogues et médecines
d'une valeur de 600 écus.
Nous Jehan de La Rivière, conseiller et premier médecin
du Roy, certifiions à tous qu'il appartiendra que René Tru-
chon, appotticaire et vallet de chambre du Roy, a fourny,
baillé et livré, tant pour la personne du Roy que pour le faict
de sa chambre et officiers domesticques, plusieurs drogues,
médecines et autres parties de sondict estât, qu'il a faictes et
fournies durant le quartier d'apvril, may et juin dernier passé,
montans ensemble la somme de six cents escus, lesquelles
parties, après avoir esté par nous deuement calcullées, modé-
rées et arrestées à ladite somme r de six cents escus, nous
avons icelles cancellées et rompues par le commandement
d'icelluy sieur, à cause qu'il n'a vouleu ny ne veult que autres
en ayentla congnoissance. En tesmoing de quoy j'ay signé le
présent certificat le mi* jour de juillet mil cinq cens quatre
vingt dix neuf.
De La Rivière.
Ce Jean de la Rivière est-il le même que l'astrologue Roch le
Baillif, sieur de la Rivière, né à Falaise, qui devint, en 1594, premier
médecin du Roi, et mourut à Paris, le 5 novembre i6o5, après avoir
abjuré le protestantisme? C'est ce que je n'ai pu déterminer.
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JEAN-FRANÇOIS COLLIN D'HARLEVILLE
Jean-François Collin d'Harleville, né en 1755 à Maintenon (Eure-
et-Loir), jouissait, au commencement de la Révolution, d'une bril-
lante réputation de poète comique. Le Vieux célibataire, qui fut joué
en 1792, augmenta encore sa renommée.
A cette époque, le poète résidait le plus souvent dans le départe-
ment d'Eure-et-Loir : il y habitait une petite propriété, venant de son
père, M é voisins, située dans le hameau d'Harleville, dont il avait
ajouté le nom au sien. Là il exerçait une certaine autorité et en profi-
tait pour venir en aide aux malheureux. En 1793, trois prêtres non
assermentés, qui n'avaient pu quitter la France, avaient été enfermés
dans la prison d'arrêt de Chartres. Mis en jugement et acquittés, ils
furent retenus en captivité par le directoire du district de la ville.
Collin-Harleville, se souvenant qu'il avait, dans sa jeunesse, passé,
par ordre paternel, cinq ans comme clerc chez un procureur au Parle-
ment, rédigea, au mois d'avril 1793, en faveur de ces prêtres, ses com-
patriotes, un mémoire dont voici le texte :
Au Citoyen Ministre de PIntérieur.
Mémoire pour Pierre Le Dantel, Mathurin Jannet et Jean
Baptiste Charamond, prêtres.
La loi du 26 août 1792 ordonne que tous les prêtres non
sermentés seront déportés, et leur donne 8 jours pour sortir
de leur département et i5 pour quitter le royaume.
En exécution de cette loi, les exposans ont déclaré à la
municipalité de Chartres qu'ils entendoient se retirer en
Grande Bretagne et ont obtenu un passeport avec toutes les
formalités requises par l'article 2 de la loi susdattée.
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JEAN-FRANÇOIS COLLIN d'HARLEVILLE ^5
Ils sont partis le 4 septembre, mais, à 3 lieues de Chartres,
des dangers trop réels et une juste terreur ne leur ont pas
permis de passer outre. Un arrêté et une lettre des trois
corps administratifs les ont invités à revenir à Chartres. Là,
le péril s'est renouvelé; des volontaires, armés pour un
autre usage, couroient les rues, menaçant les prêtres.
Ceux ci ont eu peur et se sont cachés, attendant les nou-
veaux ordres du département et la réponse de deux députés
à l'Assemblée législative qui, se trouvant à Chartres lors de
leur retour, avoient promis de solliciter à l'Assemblée une
loi protectrice. Cette lettre, ces ordres du département sont
encore à venir. Seulement, le récit des massacres du 2 sep-
tembre, en justifiant leur retraite, ne les a qu'engagés de
plus en plus à s'y tenir. Ils ont passé ainsi cinq mois, sans
donner le moindre signe de vie. On a fait sonner bien haut
quelques messes dites à huis clos, devant une ou deux per-
sonnes de la maison, exercices [si] peu propres àtroubler l'ordre
public, que le voisinage même n'en a pas été instruit. Cepen-
dant on les a découverts et dénoncés, et, le 23 février 1793,
ils ont été arrêtés et conduits dans la maison d'arrêt, de là
dans celle de justice.
Après 2 mois de captivité, le i5 avril présent mois, sur
la déclaration des jurés que la lettre et l'arrêté des corps
administratifs étoient pour les accusés une excuse suffisante
de n'avoir pas obéi à la loi du 26 août, un jugement les a
déclarés innocens et a ordonné qu'ils seroient mis en liberté.
Ce jugement a excité dans tout l'auditoire, et de là dans
la ville entière, une joie universelle, qui annonce l'estime
qu'on avoit pour les exposans et l'intérêt qu'on prenoit à
leur sort.
Maintenant ils déclarent qu'ils sont prêts à obéir à la loi
du 26 août, qu'ils entendent se retirer en Suisse et qu'ils
vont à cet effet obtenir un passeport.
Le directeur du district, qui les a fait enfermer dans la
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LE MARÉCHAL DE VILLARS
En 1723, le maréchal de Villa» entra au Conseil royal en qualité de
ministre d'État et acquit bientôt une grande influence sur Louis XV.
Dix ans plus tard, en prévision de la guerre contre l'Autriche, le Roi
fit demander au maréchal son opinion sur l'équipement de la cavalerie
et sur les réformes à y apporter. Celui-ci répondit au désir de
Louis XV par la consultation suivante adressée â M. d'Angervilliers :
A Paris, le 29 avril 1733.
Je reçois, monsieur, la lettre que vous mefaittes l'honneur
de m'écrire, et celuy que le Roy me fait de vouloir bien
sçavoir ce que je pense sur l'habillement, les armes et les
bottes de sa cavalerie.
J'ay eu l'honneur de la commander pendant plusieurs
années, et avant que de vous dire mes sentiments, je vous
parleray de ceux d'un général bien respectable, lequel estoit
en mesme temps colonel général de la cavalerie.
C'estoit M. de Turenne, sous les ordres duquel j'ay servy
trois ans, et l'ay très étudié dans les mouvements de guerre
et les pensées hautes et nobles, aussi bien que celles du
Grand Condé, et, par le respect que j'ay pour ces deux
grands hommes, j'avoue sans peine quelques années pour
parler des campagnes que j'ay eu le bonheur de servir
sous eux.
Vous avez entendu ce que je dis dans un grand conseil
chez M. le cardinal de Fleury. Laissons ces grandes ma-
tières et passons tout d'un coup à celles dont vous me
parlez.
Comme les paniers dans les habits des hommes n'étoientpas
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I.E MARÉCHAL DE VILLARS I79
à la mode du temps de M. de Turenne, il n'a pas blâmé les
divers plis que Ton met à un just' au corps; je suis persuadé
qu'il faut les supprimer entièrement.
Quant aux plastrons, c'est moy qui les ay établi dans la
cavalerie. Ne vous relâchez point sur cela; M. de Turenne
fit acheter toutes les cuirasses qui se trouvèrent à Francfort,
Mayence, Spire et Vorms pour en donner à tous les officiers
de cavalerie, et huit par compagnie, voulant que le premier
«rang au moins fut armé, disant que, lorsque Ton deffend aux
cavaliers de tirer, ils n'ont pas beau jeu en attaquant sans
armes un cuirassier. Àinsy, monsieur, des plastrons préféra-
blement à tout.
M. de Turenne haissoit le mousqueton, ne songeant qu'à
Parme nécessaire pour une bataille ; je n'oserois proposer de
les oster à la cavalerie. Ne les faittes pas fusils, mais du calibre
de l'infanterie.
Quant aux bottes, je tiens encore de M. de Turenne l'a-
version pour les grosses bottes. Le feu Roy, sur mes repré-
sentations, ordonna qu'elles seroient molles, mais Ton n'y tint
pas rigueur.
M. de Turenne citoit toujours un exemple, c'est qu'au
combat de Fribourg, l'infanterie de France, ayant emporté
un retranchement, deux mil cavaliers impériaux, pied à terre,
le regagnèrent sur notre infanterie.
Pour moy, qui ay veu que nos cavaliers, ayant derrière
eux deux ou trois besaces, ne peuvent monter à cheval
qu'avec une extrême peine, indépendamment des occasions où
l'on peut faire mettre pied à terre à la cavalerie, je dis que les
grosses bottes sont d'un mauvais usage, et ceux qui avancent
qu'il faut de grosses bottes et de grands chevaux pour rompre
des escadrons n'en ont guères veu charger. Je dis donc qu'il
faut conserver les plastrons.
L'on peut laisser les mousquetons, ainsyque je Tay dit cy-
devant.
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l8o REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES
Ne pas s'attacher aux grands chevaux, par la raison qu'en
temps de guerre ils sont trop chers. N'estre pas difficile sur
les grands hommes. Quant aux buffles, n'y pas obliger les
capitaines et oster les apparences de panier dans les just 1 aux
corps.
De bonnes épées. Que la garde couvre un peu la main et
que les lames ne soyent pas si longues.
Voilà, monsieur, pour obéir à Tordre de Sa Majesté, duquel
je me tiens très honoré, ce que je pense sur les diverses
questions que contient votre lettre.
En temps de guerre je ne voudrais pas de grands chevaux,
mais un petit bidet par chambrée pour porter la tente, la
marmite et une partie des besaces.
Le cavalier est plus en état de servir; quand on fait un
détachement dans la marche, ce qui est assez fréquent, on
voit les régiments entiers obligés de faire alte pour donner
le temps aux cavaliers détachés de mettre pied à terre, oster
partie de ses besaces, la tente et la marmite pour en charger
ses camarades.
Mais cet article d'un bidet par chambrée, gardons-le pour
le premier quartier d'hyver que nous prendrons en pays
ennemy.
Je suis toujours, avec les mesmes sentiments, plus parfai-
tement que personne de monde, monsieur, votre très-humble
et très-obéissant serviteur.
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LE COMTE D'HAUSSONVILLÊ
Charles-Louis-Bernard de Cléron, comte d'Haussonville, né à Paris
en 1770, lut chambellan de l'Empereur et devint pair de France le
17 août 181 5. A la nouvelle de la révolution de juillet i83o, il accourut
à Paris et, le 2 août, il adressa au duc d'Orléans la lettre suivante où il
conseilla au prince de défendre la royauté légitime et d'accepter la ré-
gence pendant la minorité du duc de Bordeaux.
Paris, 2 aoust i83o.
Monseigneur,
J'arrive à Paris et j'accours offrir à Votre Altesse Royale
tout le dévouement et les faibles services d'un vrai Roya-
liste.
Beaucoup de Princes, placés près de la couronne, ont su
s'en emparer. L'histoire n'en cite guère qui ayent eu le noble
courage de la deffendre, pour la remettre intacte au jeune
rejetton apellé un jour à la posséder ; c'est cette superbe
tâche, si grande et si difficille, qui vous est réservé, Mon-
seigneur, et pour l'accomplissement de laquelle les honnêtes
gens doivent vous seconder de tous leurs efforts. Déjà un
de vos ancêtres, en protégeant l'enfance de Louis quinze,
vous a légué un bel exemple qu'il vous est donné de sur-
passer en méritant l'admiration et la reconnaissance de votre
Patrie.
J'ai l'honneur d'être, avec le plus profond respect,
De Votre Altesse Royale,
Le très humble et très obéissant serviteur,
Le Comte d'Haussonville,
Pair de France.
Après l'avènement de Louis-Philippe, le comte d'Haussonville prêta
serment au nouveau gouvernement; il mourut au château de Gurcy
(Seine-et-Marne), en novembre 1846. Son fils est membre de l'Académie
française et sénateur inamovible.
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«^ . - -f—
I
LE DRAPEAU
DE LA GENDARMERIE NATIONALE
Le 3o septembre 1792, la séance delà Convention nationale s'ouvrit
par la lecture d'adresses d'adhésion au décret d'abolition de la royauté.
Le secrétaire annonça ensuite que le district de l'Aigle envoyait 1 17 li-
vres pour les veuves et les orphelins du 10 août et lut une lettre du
ministre Roland, réfutant les accusations portées contre lui. Puis on
introduisit les députations. Une compagnie de gendarmes nationaux,
chargée du service de rassemblée, défila dans la salle et fut fort applau-
die. Un des gendarmes parla en ces termes :
« Citoyens législateurs, vous voyez devant vous une compagnie des-
tinée à faire respecter l'enceinte où vous préparez le bonheur de la
République et à garder les archives. Cette troupe, qui assista au ser-
ment du jeu de paume en 1789, vient d'être augmentée d'une partie des
braves Gardes-Françaises et Cent-Suisses qui, constamment fidèles à
la nation, ont rejeté avec horreur toute proposition de suivre les traîtres
de Coblentz. (On applaudit.) Nous n'avons point de drapeau, nous
n'osons en solliciter un de vos mains ; mais le signe de la liberté sera
toujours notre point de ralliement. (Nouveaux applaudissements.) »
Calon, député de l'Oise, s'écria : « Je demande que l'assemblée donne
un drapeau à ces braves gens. » Cette proposition fut aussitôt décrétée,
au milieu des applaudissements.
Cette gendarmerie avait été créée par les décrets de l'Assemblée
Constituante, du 22 décembre 1790 et du 16 février 1791, pour rem-
placer l'ancienne maréchaussée, supprimée par les décrets du 18 août
et du 21 septembre 1790. Elle avait pris le nom de gendarmerie natio-
nale et adopté cette devise : Valeur et discipline. Le décret, qui lui
accordait un drapeau, reçut son exécution. On dessina un projet qui
fut soumis au célèbre peintre David et approuvé par lui. J'ai retrouvé
l'original de ce dessin, qui porte les signatures des représentants Beau-
vais, Calon et Besson et l'approbation de leur collègue David. J'offre
la reproduction de ce curieux document à nos lecteurs.
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1
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. J
LA CONFRÉRIE DE SAINT-FIACRE A PARIS
L'ordonnance de Villers-Colleréts, promulguée en août i53ç), abolit
les confréries, instituées depuis si longtemps en France. Les abus, qui
se commettaient dans ces sociétés, avaient été la cause de cette suppres-
sion, qui souleva de nombreuses réclamations. Plusieurs confréries
sollicitèrent leur rétablissement et obtinrent gain de cause. La con-
frérie de Saint-Fiacre, fondée en l'église de Saint-Jacques, de la
Boucherie, à Paris, fut au nombre de celle-ci. François I er la rétablit
et lui restitua ses biens par ses lettres du 27 février 1544, dont voici le
texte :
Françoys, par la grâce de Dieu roy de France, à nostre
amé et féal conseiller, lieutenant criminel de nostre prévosté
de Paris, maistre Jehan Morin, par nous commis et depputé
à l'exécucion de nostre ordonnance faicte sur le faict des
confraryes des mestiers de nostre ville de Paris, salut et
dillection. Noz chers et bien amez les maistres et gouver-
neurs de la confrarye sainct Fiacre, fondée en l'église sainct
Jaques de la Boucherye, à Paris, nous ont faict dire et
remonstrer que de bien long temps ladicte confrarye estoyt
fondée en l'honneur de nostre saulveur Jhucrist et dudit
sainct Fiacre et composée de plusieurs et notables bourgeois,
manans et habitans de divers estatz et qualitez, marchans et
autres citoyens de nostredicte ville, qui ont donné à ladicte
confrarie plusieurs biens immeubles et rentes, à la charge
de plusieurs messes et services qui depuis ont esté con-
tinuez à dire en ladicte chappelle sainct Fiacre en ladicte
église sainct Jaques à l'intencion de nous et desdiz bienffaic-
teurs; aussi y ont donnez plusieurs relicques, calices, tappis-
series et autres meubles pour décorer ladicte chappelle et
entretenir ledit service; laquelle confrarie a esté louée,
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184 REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES
confirmée et approuvée par noz prédécesseurs roys de France
de bonne mémoire, que Dieu absoulle, qui en ont octroyé
leurs lettres de confirmacion et approbacion aux prédéces-
seurs desdiz supplians et gouverneurs d'icelle. Et combien
que, en faisant par nous noz dernières ordonnances sur le
faict des confraries, ayons seulement voulu estaindre les
abbuz qui se sont commys cy devant par les artisans et gens
des mestiers jurez de nostre royaulme, et que nostre vou-
loir ayt esté que lesdiz services feussent entretenus, aussi
que ladicte confrarie sainct Fiacre soit composée de toutes
sortes de gens, tant marchans que autres de tous estatz et
qualitez, et que à ce moyen ne se puissent commectre au-
cuns monopolles ne faire assemblées illicites qui feussent
dommageables ou préjudiciables à nous et à la chose pu-
blicque de nostredit royaume, ce néantmoings en procédant
par vous à l'exécution de nostredicte ordonnance auriez faict
saisir et mectre en nostre main tous et chascuns les relicques,
calices, ornemens, chasubles, tappisseries, cens, rentes, re-
gistres, papiers et autres biens meubles et immeubles quel-
conques appartenais à ladicte confrarie, et d'iceulx faict faire
inventaire, et le tout faict mectre ès-mains de nostre receveur
ordinaire dudit Paris, au moyen de quoy n'ayt depuis esté
continué ledit service et partant est demouré l'intencion des
fondateurs et bienfaiteurs de ladicte confrarie souferte à
nostre très grant regrect, préjudice et dommaige desdiz sup-
plians requérans sur ce nostre provision. Pour ce est-il que
nous, ce que dessus considéré, voulans subvenir à noz sub-
jectz, désirans l'intencion desdiz fondateurs estre observée et
le service divin estre entretenu en ladicte chappelle sainct
Fiacre en l'église dudit sainct Jaques, vous mandons et,
pour ce que de telles matières vous avons jà attribue la
congnoissance, commettons et enjoignons par ces présentes
que si appelle nostre procureur en nostredicte prévosté de
Paris et autres qui pour ce seront à appeller, il vous est
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JEAN-FRANÇOIS DE SAINT-LAMBERT 187
vanité de publier le bien qu'il dit de moi ; elles ne paroitront
jamais.
Je vous suis très obligé, Monsieur, du présan de votre
livre (1). Je le lirai avec attention et sûrement avec plaisir. En
le parcourant v je vois que vous pensés comme moi, et cela
me confirmeroit encor dans mon opinion, si quelque chose
pouvoit l'ébranler.
J'ai Thonneur d'être avec toute la considération possible)
Monsieur,
*S&»S*ri&tr <^£#g~
3^
A Monsieur, Monsieur De Croix, secrétaire du Roi, ancien
hôtel d'Hollande, vieille rue du Temple.
Saint-Lambert tint parole : il ne livra pas lès lettres que lui avait
adressées Voltaire. La correspondance générale n'en contient que six,
portant les dates suivantes : 9 juillet 1758; — novembre 1760; —
7 mars et 4 avril 1769; — 7 avril 1771 ; — i w septembre 1773. Où
est le reste de cette correspondance, qui devait être assez étendue, car
Voltaire, loin de tenir rigueur à son rival, lui prodigua lés éloges à
l'occasion de son poème des Saisons et le fit admettre à l'Académie. Il
est désirable qu'un chercheur heureux découvre les lettres de Voltaire
à Saint-Lambert et les mette au jour.
(j) n s'agit peut-ttre de l'ouvrage publié par De Croix, eo 1776, sous ce titre : L'ami
des arts, ou justification de plusieurs grands hommes*
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L'ABBÉ DE MONTESQUIOU
Le i5 février 1820, deux jours après l'assassinat du duc de Berry,
le comte Decazes, président du Conseil des ministres, présenta à la
Chambre des Députés un projet de loi établissant deux sortes de
collèges pour la nomination des députés. Le 20 février, il donna sa
démission et fut remplacé par le duc de Richelieu. Le projet de loi
donna lieu à de vives discussions au sein de la Chambre des députés,
qui l'adopta enfin le 12 juin. Le 28 du même mois la Chambre des
Pairs ratifia ce vote. Le 11 octobre suivant une ordonnance de
Louis XVIII convoqua les collèges d'arrondissement pour le 4 novem-
bre et les collèges départementaux pour le 1 3 du même mois. La lutte
fut ardente : les amis du gouvernement allèrent, dans les départe-
ments, soutenir les candidats royalistes et combattre ceux des libéraux.
L'abbé de Montesquiou, ministre d'état et pair de France, se rendit
dans le département du Gers, où il était né (1) et où habitaient plusieurs
membres de sa famille. Il mit au service des candidats royalistes son
influence et celle des siens; il essaya d'attirer a lui les modérés et
combattit les Ultra. Ces derniers avaient pour chef le vicomte de
Castelbajac (2), ex-membre de la Chambre introuvable, et qui siégeait
alors à côté de MM. de Villèle et de Corbière. Malgré les efforts du
vicomte, MM. de Grossoles-Flamarens et Duplan, que soutenait
(1) François-Xavier-Marc-Antoine, abbé de Montesquiou, était né au château de Mar-
san, prèaAuch, le 3 août 1755.il mourut au château de G rey, prèsdeTroyes, le 4 février 1 83a.
(3) Marie- Barthélémy, vicomte de Castelbajac, né près de Rabastens-en-Bigorre
Hautes-Pyrénées), en 1776, avait été élu député de la Haute-Garonne avec le comte de
Villèle en 18 18. Lorsque ce dernier devint ministre, en i8a3, le vicomte obtint la
direction générale des haras, puis celle des douanes, et il devint pair de France le
5 novembre 1827. Il fut révoqué par le gouvernement de juiJ/et.
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l'abbé de montesquiou 189
l'abbé de Montesquiou, furent élus. Celui-ci écrivit, le 20 novembre,
au baron Mounier (1), directeur-général de la police, la lettre suivante,
où il lui rendit compte des élections et de l'état des esprits dans le
département du Gers.
Plaisance (Gers), ce 20 novembre (1820).
Vous avez sçu , Monsieur, le [résultat des votes de notre
collège. Nous vous donnons deux députés de la droite qui ne
seront pas des orateurs, mais qui seront fidèles au gouverne-
ment, et qui sont d'ailleurs de fort honnêtes gens.
Je vous dois maintenant les observations que j'ay pu faire
sur ce collège et sur l'esprit de ce département. Le collège
étoit à peu près complet. Il y avoit 25 1 électeurs, sur lesquels
il y en avoit environ 98 de libéraux. Nous leur en avons
enlevé 12. Ainsi on peut en compter 86 qu'on ne peut
ramener. Ce nombre est effrayant pour les collèges d'aron-
dissement qui s'assemblent dans deux ans, et où ils se flattent
de bien prendre leur revanche. Cependant je n'hésite pas à pro-
noncer que, si l'on sçait se conduire, ils n'y seront pas plus
heureux que dans le haut collège , et c'est l'opinion de toutes
les personnes éclairées que j'ay consultées. L'influence sur
les petits électeurs est dans ce qu'on appelle le centre du haut
collège. Nous les avons tous réunis, à l'exeption cependant
de M. De Long, mais qui est sans crédit. Cette fusion m'avoit
été fort recommandée par vous et j'en sentois tellement l'im-
portance que j'en ay fait l'objet unique de mes soins. Le
préfet y a bien contribué, et j 'a vois quelques avantages parce
que ma famille et mes amis ont toujours accueilli ces hommes
du centre et qu'ils passent pour modérés. L'<essentiel est donc
de se bien conduire avec eux et on est sûr de les avoir à ce
prix. Il faut pour cela leur montrer confiance et leur accorder
(1) Claude-Edouard-Philippe, baron Mounier, fils du constituant, né à Grenoble le
2 décembre 1784, avait été nommé pair de France le 5 mars 1 819 et directeur-général
de la police le 20 février 1820. Il mourut à Paasy le 11 mai 1843.
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jgO REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES
faveur. Mais la chose est délicate, car ils ont tous de grandes
relations avec les libéraux et ils s'approchent plus ou moins
de leurs sistèmes. On peut s'attendre qu'ils demanderont
souvent des places pour eux et qu'on rentrèrent ainsi dans la
mauvaise ligne dont vous nous avés heureusement fait sortir.
Il faudroit donc leur répéter sans cesse qu'on ne veut que
des royalistes et leur dire franchement dans l'occasion que.
leurs protégés ne le sont pas. Cette conduite loyale ne leur
déplairoit point, car elle ne diminueroit point leur crédit, et
elle leur apprendroit d'ailleurs ce qu'on entend par royalistes,
ce qu'ils ne comprenent pas assés.
Mais, d'un autre côté, les Ultra présentent une véritable
difficulté. Ces gens -là n'admettent que leur monde pour
royalistes. Ils ont pour chef M. Castelbajac , qui n'est ici
qu'un intriguant. Il vient de nous en donner une preuve
dans ce collège qui s'entendoit à merveilles avant son arrivée
et qu'il a cherché à diviser de manière à assurer le succès
des libéraux, s'il avoit réussi. Il est détesté de tout ce qui
compose le centre, et je dois dire que ce qui m'a le plus servi
est d'être connu pour lui être fort opposé. Le plus grand
mal qu'il nous fait est de donner la couleur d'Ultra à tous les
francs royalistes, quoique les gens à lui soient peu nombreux.
Il en a même perdu plusieurs par la conduite qu'il vient
d'avoir dans ce collège, tandis qu'il a indigné tous les francs
royalistes qui n'ont pas d'intimité avec lui. Le gouvernement
doit fort éviter de lui donner crédit, <t la chose n'est pas
facile, car il est député et les demandes qu'il peut faire doivent
être en général pour de francs royalistes. J'indiquerois bien
un moyen, s'il ne répugnoit pas autant. On le regarde ici
comme un homme très vil et fort susceptible d'être acheté ;
mais, en laissant cet indigne moyen de côté, je conseillerais
au moins de ne lui donner aucun crédit, de ne point admettre
ses protégés, si ils n'étoient présentés par un autre, parce que
le centre a toujours les yeux ouverts sur tout ce qu'on fait
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l'abbé de montesquiou 191
pour lui , et que d'ailleurs ses gens s'en vantent de manière
à éveiller toujours leur attention.
Mais à qui vous adresserés-vous pour tenir cette conduite.
Les préfets ne sont pas suffisants. Ils ont trop d'affaires,
trop, d'embarras ; peut-être même sont-ils trop nombreux
pour que cette action sur l'esprit public soit uniforme et
également habile. Il me semble qu'il manque dans la machine
du gouvernement un ressort qui agisse sur les provinces.
Elles étoient autrefois abandonnées aux parlements , mais
aujourd'hui nous n'avons plus rien qui agisse sur elles, et
cependant nous en avons plus besoin que jamais. Mes idées
ne sont pas arrêtées sur le moyen à employer , mais il est
certain qu'il faut plus d'influence que n'en a le gouverne-
ment, et je ne vois pas qu'on puisse l'augmenter avec les
seuls moyens* qu'on a. Je concevrois bien d'une manière
vague des espèces de gouverneurs de plusieurs départemens,
mais sous un autre nom, qui, sans rien oter à l'autorité des
préfets, séroient des hommes entre le peuple et [le] Roi ; qui
n'auroient d'autre charge que d'améliorer l'esprit public, ni
d'autre autorité que des grâces à répandre. Il faudroit des
gens riches, qui habitassent les provinces, et dont les maisons
fussent ouvertes à tous les royalistes. Enfin, Monsieur, c'est
une idée confuse que je ne présente que pour faire mieux
entendre ce dont je viens d'être très frappé , c'est qu'il n'y a
rien pour les élections entre le Roi et les peuples ; que , ces
élections étant une chose de bienveillance et de faveur, l'au-
torité des préfets ne peut y suffire parce qu'elle est d'un
autre genre, qu'il faudroit quelque chose de plus adapté, qui
réunit d'avance tous les royalistes , en augmentât le nombre
et profitât pour cela de tous les moyens que le gouvernement
a dans ses mairis.
Je vous livre, Monsieur, ces réflexions incohérentes,
sachant bien que votre bon esprit en jugera mieux que tout
autre, et n'y mettant pour mon compte d'autre importance
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ICI REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES
que le désir de faciliter une des opérations les plus essentielles
et les plus difficiles du gouvernement.
Vous jugés bien, Monsieur, que j'ay quelques grâces à vous
demander à la suite des élections du Gers. Permettés-moi
d'attendre le courier prochain pour vous en envoyer la note,
car j'ay attrapé dans ce collège un mauvais rhume qui ne me
permet pas d'en écrire davantage.
Agréés , je vous prie , les assurances de la haute considé-
ration avec laquelle j'ay l'honneur d'être votre très humble
et très obéissant serviteur
Le 2 S novembre l'abbé de Montesquiou écrivit de nouveau au
baron Mounier. Il sollicita la place de secrétaire-général du départe-
ment du Gers pour M. Sintex fils. « C'est ici, dit-il, un homme hors
de pair par sa sagesse et ses talents. Il est, d'ailleurs, très bon roya-
liste. » Il demanda la croix de la légion d'honneur pour M. Boussés
de Fourcaud, maire de Beaumarchais, une des plus grosses communes
du département, a C'est un homme capable, le modèle de tous nos
maires et qui sera infailliblement député aux élections prochaines. Il
nous a parfaitement servi dans celles-ci, et il en a d'autant plus de
mérite que bien des gens vouloient le porter; mais la crainte de faire
une division dans le collège lui a fait rejeter toutes ces offres, pour ne
demander aux électeurs que la réunion la plus complette. »
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TABLE DES PIÈCES INÉDITES
CONTENUES DANS CE VOLUME
Académies. — Leur suppression en
1793, p. 27. ,
Alberoni (le cardinal). — Lettre de
lui, p. 76.
Allemagne. — Voyage du prince de
Dombes en Hongrie, p. 43. —
Lettre de Frédéric-Guillaume III,
roi de Prusse, p. 74. — Lettre de
l'empereur Joseph II, p. 78.
Alsace. — Passage du prince de
Dombes â Strasbourg, p. 47. — Les
Guerin, p. 114-135.
Amiens. — ChartedeLouisVII,p. 107.1
Angleterre. — Opinion du duc de
Wellington sur la lutte contre Na-
poléon pendant les Cent -Jours ,
p. 71. — Expédition au Canada en
iô3o, p. 109.
Angerviluers (M. d'). — Lettre du
maréchal de Villars, p. 178.
Anne de Bretagne,, reine de France.
— Lettre du roi de Naples Frédé-
ric III à elle adressée, p. 11.
Armée. — Lettre de Chamillart sur
la campagne de 1708. p. 7. — Pri-
vilèges des artilleurs de Paris, p. 33.
— Condamnation d'un soldat pour
blasphème, p. 56. — Lettre du
maréchal Brune, p. 80. — Lettre
de Bernadotte, p. 86. — Lettre du
général Moreau, p. 167. — Lettre
u maréchal de Villars, p. 178.
Art. — Suppression des Académies
en 1793. p. 27. — Les Guerin.
p. ii4-i$5. — Lettre du cardinal
Consalvi, p. 1 39. — La corporation
des peintres verriers de Paris en
i585, p. i56. — Généalogie de la
famille Pinaigrier, p. 162-1 63. —
Modèle du drapeau de la gendar-
merie nationale, approuvé par
David, p. 182.
Auvergne. — Quittance de Gabrielle
de Bourbon, princesse de La Tré-
moille, p. 100. — Lettre de Jean II,
duc de Bourbon, p. i38.
Balzac (Honoré de). — Lettre de lui,
p. 58.
Barere (Bertrand). — Signataire
d'une lettre sur le but moral des
théâtres, p. 3i.
Beaune. — Charte de Jean sans Peur
sur les vins de cette ville, p. 88.
Beauvais. — Charte de Louis VII
p. 107.
Bbffroy db Reigny (Louis-Abel). —
Certificat délivré par lui, p. 98.
Belgique. — Lettre du prince dePoli-
fnac sur le séjour de Louis XVIII
Gand, p. 69.
25
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194
REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES
Belsunce (Emilie de). — Lettre du
baron de Grimm en sa faveur,
p. 63.
Bernadotte (le général). — Lettre de
lui, p. 86.
Bksknval (le baron de). — Lettres de
Mademoiselle Clairon à lui adres-
sées, p. 14.
BiLLAUD-VABENNE(J.-Nic). — Signa-
taire d'une lettre sur le but moral
des théâtres, p. 3 1 .
Bouet (Sezard). — Juré de la corpo-
ration des peintres verriers de Paris
en i585, p. i58.
Bourbon (Jean II, duc de). — Lettre
de lui, p. 1 38.
Bourbon (Charles II, cardinal de). —
Lettre sur sa mort, p. 67.
Bourbon [Charles III, cardinal de). —
Lettre de lui, p. 67.
Bourdelot (l'abbé). — Lettre de lui,
p. 1.
Bourgogne. — Charte de Jean sans
Peur sur les vins de Beaune, p. 88.
Bréard, conventionnel. — Signa-
taire d'une lettre sur le but moral
des théâtres, p. 3i.
Bretagne. — Lettre du général Mo-
reau, p. 167.
Brunb (le maréchal). — Lettre de
lui, p. 80.
Buonaparte (Petronilla), cousine de
Napoléon I« r . — Lettre d'elle,
p. i5o.
Calon, député de l'Oise à la Conven-
tion. — Propose de donner un
drapeau à la gendarmerie nationale,
p. 182.
Canada. — Expédition des Français
en i63o, p. 109.
Carraud (Madame Zulma). — Lettres
de Balzac à elle adressées, p. 58.
Carré (Pierre), évèque d'Orange. —
Lettre de Charles VIII à lui rela-
tive, p. 148.
Castelbajac (M.-Barth., vicomte de).
— Son rôle dans le département du
Gers en 1820, p. 190.
Cauchois-Lemaire. — Lettre à lui
adressée par Ad. Thiers, p. 55.
Chamillart (Michel de). — Lettre de
lui, p. 5.
Champagne. — Les reliques de sainte
Hélène dans l'abbaye a'Hautvillers,
p. 82. — Pièce de Louis XIII, datée
de Troyes, p. 11 3. — Lettre de
saint Vincent de Paul, p. 137.
Champlain (Samuel de). — Pièce de
Louis XIII le concernant, p. 109.
Chaptal, ministre de l'intérieur. —
Lettre du cardinal Consalvi â lui
adressée, p. 139.
Charles VI, roi de France. —
Charte sur les reliaues de sainte
Hélène, p. 82. — Charte de Jean
sans Peur, p. 88.
Charles VII, roi de France. — Pri-
vilèges des artilleurs de Paris en
1442, p. 33. — Brevet de l'ordre
du Porc- Épie, p. 169.
Charles VIII, roi de France. —
Quittance de la princesse de La
Trémoille, p. 100. — Lettre de
lui, p. 148.
Charles IX, roi de France.— Bijoux
du cardinal de Lorraine, p. 170.
Charles X, roi de France. — Lettre
d'Adolphe Thiers, p. 55. — Lettre
de Frédéric-Guillaume III, roi de
Prusse, à lui adressée, p. 74.
Charrier de la Roche (Louis), évè-
que de Versailles. — Circulaire et
lettre de lui, p. i5a-i55.
Chartres. — Mémoire de Collin
d'Harleville pour des prêtres de
cette ville, p. 174.
Chavigni (le comte dej. — Lettre de
saint Vincent de Paul à lui adressée,
p. i36.
ChénierJ (Elisabeth). — Lettres d'elle,
p. 143-146.
Chénier (André de). — Lettres de sa
mère, p. 143.
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TABLE DES PIECES INEDITES
195
Chenier (Marie-Joseph de). — Lettres
de sa mère à lui relatives, p. 143.
Christine, reine de Suède. — Fait
tuer Monaldeschi, p. 3.
Clairon (Mademoiselle). — Lettres
d'elle, p. 13-19.
Clergé. — Condamnation d'un sol*
dat pour blasphème en i63i, p. 56.
— Reliques de sainte Hélène,
§.82. — Lettre de saint Vincent
e Paul, p. 1 36. — Lettre de Charles
VIII sur Tévèché d'Orange, p. 148.
— Circulaire et lettre de Charrier
de La Roche, évêque de Versailles,
p. 1 52-i 55. — Fondation d'une
messe perpétuelle dans l'église
Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie par
la corporation des peintres verriers
de Paris en i585, p. 1 58.
Collin d'Harleville (J.-Fr.). —
Pièce de lui, p. 1 74.
Condé (le grand). — Son opinion
sur l'équipement de la cavalerie,
p. 178-9.
Confréries. — Rétablissement de la
confrérie de Saint-Fiacre par Fran-
çois I er en 1544, p. i83.
Consalvi fie cardinal). — Lettre de
lui, p. 139.
Corse. — Lettre de Pétronilla Buona-
parte, p. i5o.
Costar (Pierre). — Christine de Suède
reçoit une lettre de lui, p. 3.
Cramaud- (Simon de), archevêque de
Reims. — Charte de lui, p. 82.
Dauphiné. — Lettre de l'abbé de
Montesquiou au baron Mounier,
p. 189.
David (Louis). — Ses tableaux de
Brutus et du Serment du jeu de
paume, p. 122-123. — Approuve le
modèle du drapeau de la gendar-
merie nationale, p. 182.
Davout (le maréchal). — Lettre du
maréchal Brune à lui adressée,
p. 80.
Db Croix, éditeur de Voltaire. —
Lettre de Saint-Lambert à lui
adres&ée, p. 186.
Desaix (le général). — Sauve la vie à
Jean Guerin, p. 127. — Cité dans
une lettre de Kleber. p. 129. —
Doit écrire l'histoire de ses campa-
gnes, p. 168.
Deschamps (Gratien), maître vitrier
du roi. — Figure dans l'acte de la
corporation des peintres verriers en
1 585, p. 1 58.
Devienne (Mademoiselle). — Certi-
ficat à elle délivré par Beffroy de
Reigny, p. 98.
Dombes (L.-A. de Bourbon, prince
de).. — Son voyage v en Hongrie,
p. 43.
Duboys (Jean). — Figure, comme
bachelier de l'état de vitrier, dans
Pacte de la corporation des peintres
verriers de Paris en i585, p. 159.
Do Chastellbt (la marquise). — Son
épitaphe attribuée à Voltaire, p. 186.
Dunois (Jean, bâtard d'Orléans,
comte de). — Confère l'ordre du
Porc-Épic à un seigneur de Gri-
gnan, p. 169.
Elbeuf (Charles de Lorraine, mar-
quis d'). — Héritier de son oncle le
cardinal de Lorraine, p. 170.
Épernon (Jean-Louis de Nogaret,duc
d'). — Pièce de lui, p. 5b.
Epinay (la comtesse d'). — Lettre de
Grimm sur la petite fille de la com-
tesse, p. 63.
Eschassériaux, conventionnel. —
Signataire d'une lettre sur le but
moral des théâtres, p. 3i.
Espagne. — Lettre du roi Philippe V,
Ï>. 26. — Lettre du maréchal Vil-
eroy sur les fêtes données à l'occa-
sion de l'arrivée à Paris de l'infante
d'Espagne destinée à Louis XV,
p. 35. — Lettre du cardinal Albe-
roni, p. 76.
Estrades (Louis-Geoffroy, comte d*).
— Gouverneur du prince de Dom-
bes, p. 44.
> Eugène de Savoie (le prince). —
Visite que lui rend le prince de
Dombes en 171 7, p. 48.
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196
REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES
Eure-et-Loir (département <T). -
Mémoire de Collin d'Harleville
pour des prêtres de Chartres, p. 1 74.
Fauconnerie. — Lettre de Jean II,
duc de Bourbon, p. i38.
Fiesinger (Gabriel). — Ami de Jean
Guerin, entreprend la collection
des portraits des membres de l'As-
semblée nationale, p. 122. —
Lettre de lui, p. 1 28. — Entreprend
la collection des portraits des géné-
raux de la République, p. 128.
Fillastre (Guillaume), cardinal. —
Acte signé par lui, p. 84.
Flandre. — Lettre de Chamillart
sur la campagne de 1 708, p. 7. —
Lettres de M"« Clairon, née à Saint-
Wanon de Condé, p. 13-19.
Fontainebleau. — Meurtre de Mo-
naldeschi dans le palais de cette
ville, p. 3. — Lettre de M IU » Clai-
ron, datée de cette ville, p. 16.
Fouché (Joseph). — Rapport de lui,
p. 102.
Foucquet (le surintendant). — Pri-
sonnier à Pignerol, p. 71.
François I er , roi de France. —
Lettres-patentes de 1 544, rétablis-
sant la confrérie de Saint-Fiacre,
p. i83.
Frédéric III, roi de Naples. —
Lettre de lui, p. 11.
Frédéric-Guillaume III,roidePrusse.
Lettre de lui, p. 74.
Gendarmerie nationale. — Son dra-
peau, p. 182.
Gérard (lé baron François). — Cer-
tificat donné à Gabriel Guerin,
p. 134.
Gers (département du). — Lettre de
l'abbé de Montesquiou sur les élec-
tions dans ce département, en 1 820,
p. 189.
Gilbert (Gabriel), poète dramatique.
— Répond à Costar par ordre de
Christme de Suède, p. 3.
Gisquet, préfet de police. — Rap-
ports de lui sur les bals masqués,
p. 90.
Goupillon (Etienne), évêque de Seez.
— Refuse l'évêché d'Orange en 1483,
p. 148.
Grignan (Giraud-Adhémar, seigneur
de). — Reçoit le collier de 1 ordre
du Porc-Épic, en 1441, p. 169.
Grimm (le baron de). — Lettre de
lui, p. 63.
Guerin (Jean I). — Sa biographie,
p. 114.
Guerin (Christophe). — Sa biogra-
phie, p. 11 5.
Guerin (Jean-Urbain). — Sa biogra-
phie et son journal, p. 1 1 6-1 33.
Guerin (Gabriel). — Sa biographie,
p. i33.
Guise (Louis de Lorraine, cardinal
de). — Donne reçu des diamants
de son frère, le cardinal de Lor-
raine, p. 170.
Guise (Henri I» r de Lorraine, duc de).
— Donne reçu de diamants venant
de son père et de son oncle, p. 171.
Guyenne. — Élections dans le dé-
partement du Gers en 1 820, p. 1 89.
Hassenfratz (Jean-Henri). — Pou-
voir à lui donné par le ministre
Paré, p. 28.
Haussonvillb (le comte d'). — Lettre
de lui, p. 181.
Hélène (Sainte). — Ses reliques,
p. 82.
Henri III, roi de France. — La cor-
poration des peintres verriers de
Paris en i585, p. i56.
Henri IV, roi de France. — Lettre
du cardinal de Bourbon, p. 67. —
Quittance de son premier médecin,
P. '73.
Ile de France. — Charte de Louis VII,
p. 106. — Circulaire et lettre de
Charrier de La Roche, évêque de
Versailles, p. i52-i55.
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TABLE DES PIECES INEDITES
197
Italie. — Lettre du roi de Naples
Frédéric III, p. 11. — Lettre du
général Miollis sur l'Académie des
Arcades, p. 29. — Lettre du duc
de Bourbon au duc de Milan, p. 1 38.
— Lettre du cardinal Consalvi,
Î>. 1 39. — Lettre de Louis XI sur
e mariage de sa belle-sœur Bonne
de Savoie avec le duc de Milan,
p. i65.
Jean sans Peur, duc de Bourgogne.
— Charte de lui, p. 88.
Joseph II, empereur d'Allemagne. —
Lettre de lui, p. 78.
Joséphine (l'impératrice). — Son por-
trait par Jean Guerin, p. i3i.
Kellermann (le maréchal). — Lettre
de Bernadotte à lui adressée, p. 86.
Klkber (le général). — Son portrait
Sar Jean Guerin. p. 128. — Lettres
e lui, p. 128-00. — Doit écrire
l'histoire de ses campagnes, p. 168.
La Rivière (Jean de), premier méde-
cin de Henri IV. — Quittance de
lui, p. 173.
La Tremoille (Gabrielle de Bour-
bon, princesse de). — Quittance
d'elle, p. 100.
La Vallette (Bernard de Nocaret,
duc de). — Pièce de lui, p. 5o.
Lenoir, lieutenant de police. —
Lettre de lui, p. 41.
Lorraine (Charles, cardinal de). —
Ses bijoux, p. 170.
Lorraine. — Passage du prince de
Dombes à Metz, p. 45. — Les
bijoux du cardinal de Lorraine,
p. 1 70. — Lettre de Saint-Lambert,
p. 186.
Louis VII, roi de France. — Charte
de lui, p. 106.
Louis IX, roi de France. — Charte
d'Aimeri IX de Rochechouart,
p. 39.
^ Louis XI, roi de France. — Exécu-
tions de brigands, p. 20. — Lettre
délai, p. i65.
Louis XII. roi de France. — Lettre
de Frédéric III, roi de Naples,
p. 11.
Louis XIII, roi de France. — Con-
damnation d'un soldat pour blas-
phème, en i63i, p. 56. — Le Ca-
nada en i63o, p. 109.
Louis XIV, roi de France. — Lettre
de l'abbé Bourdelot, p. 1 . — Lettre
de Chamillart, p. 5. — Lettre de
Philippe V, p. 26. — Foucquet,
prisonnier à Pîgnerol, p. 71. —
Condoléances du cardinal Alberoni
sur sa mort, p. 76. — Lettre de
saint Vincent de Paul, p. 1 36.
Louis XV, roi de France. — Lettres
de M»« Clairon, p. i3-iq. — Dé-
penses de la duchesse d'Orléans,
p. 22. — Lettre du maréchal de
Villeroy, p. 35. — Voyage du
prince de Dombes en Hongrie,
p. 43. — Lettre du cardinal Albe-
roni, p. 76. — Lettre de l'empe-
reur Joseph II à lui adressée,
p. 78.
Louis XVI, roi de France. — Le
théâtre italien en 1784, p. 41. —
Lettre du baron de Grimm, p. 63.
— Jean Guerin peint son portrait
et ceux de beaucoup de person-
nages de sa cour, p. 117-120. —
Son attitude dans la journée du
20 juin, p. 126.
Louis XVIII, roi de France. — Lettre
du prince Jules de Polignac. p. 60.
— Les élections de 1820 dans Te
département du Gers, p. 188.
Louis-Philippe I er , roi des Français.
— Lettres d'Honoré de Balzac,
p. 58. — Les bals masqués à Paris
en 1834, p. 00. — Lettre du comte
d'Haussonville, à lui adressée,
p. 181.
Lyonnais. — Certificat délivré à
Miie Devienne, née à Lyon, p. 08.
— Lettre de Charrier de La Roche,
évêque de Versailles, né à Lyon,
p. i53.
Maine (L.-A. de Bourbon, duc du).
— Voyage de son fils, le prince de
Dombes, en Hongrie, p. 43.
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198
REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES
Maintenon (la marquise de). — Lettre
de Philippe V, à elle adressée,
p. 26.
Mame (M.), éditeur. — Lettre de
Balzac le concernant, p. 60.
Marie- Antoinette, reine de France.
— Son portrait par Jean Guerin,
p. 117. — Son attitude dans la
journée du 20 juin, p. 125.
Marine. — Expédition au Canada en
i63o, p. 109.
Marseille. — Lettre du maréchal
Brune sur l'état des esprits dans
cette ville pendant les Cent-Jours,
p. 80.
Mauléon (Savari de). — Charte con-
cernant son héritage, p. 39.
Médecine. — Lettre de l'abbé Bour-
delot , p. 1 . — Lettre de Charrier
de La Roche, évèque de Versailles,
sur la vaccine, p. i53. — Quittance
de Jean de La Rivière, premier
médecin de Henri IV, p. 173.
Mslun. — Blasphème commis par
un soldat, en i63i, dans l'église
Notre-Dame, p. 56.
Ménage (Gilles). — Lettre de l'abbé
Bourdelot à lui adressée, p. a.
Metz. — Séjour du prince de Dom-
bes dans cette ville, p. 45.
Miollis (le général). — Lettre de lui,
p. 29.
Mirabeau (le comte de). — Ses funé-
railles, p. 123.
Monaldeschi, grand-écuyer de Chris-
tine de Suède. — Son meurtre,
P . 3.
Montauvet (le comte de). — Lettre
du général Miollis à lui adressée,
p. 29.
Montesquiou (l'abbé de) — Lettre de
lui, p. 188.
Moreau (le général). — Lettre de lui,
p. 189.
Mounier (Cl.-Ed.-Ph., baron). —
Lettre de l'abbé de Montesquiou à
lui adressée, p. 000.
Napoléon I er , empereur des Fran-
çais. — Lettre du prince Jules de
Polignac, p. 69. — Lettre du ma-
réchal Brune, p. 80. — Lettre de
Bernadotte, p. 86. — Rapport de
Fouché, p. 102. — Son portrait
par Jean Guerin, p. 129. — Lettre
du cardinal Consalvi, p. 139.—
Lettre de sa cousine Petronilla
Buonaparte, p. 1 5o.
Noblesse. — Brevet de Tordre du
Porc-Épic, p. 169.
Normandie. — Mort du cardinal de
Bourbon, archevêque de Rouen,
p. 67. — Etienne Goupillon, évè-
que de Seez, p. 148.
Oise (département de H. — Le dé-
puté Calon propose ae donner un
drapeau à la gendarmerie nationale,
p. 182.
Orange. — Pierre Carré , évèque de
cette ville, p. 148.
Orléans (Charles, duc d*J. — Donne
pouvoir à son frère, le comte de
Dunois, de conférer l'ordre du Porc-
Épic à Giraut Adhémar de Grignan,
p. 169.
Orléans (Philippe, duc d*), régent de
France. — Lettre du cardinal Albe-
roni à lui adressée, p. 76.
Orléans (Louise-Henriette de Bour-
bon -Conti, duchesse d*). — Ses
dépenses en 1751 et 1756, p. 22.
Paré, ministre de l'intérieur. —
Pièce signée par lui, p. 28.
Paris. — Les théâtres sous la Répu-
blique, p. 3i. — Privilèges des
artilleurs de Paris en 1442, p. 33.
— Le théâtre Italien en 1784,
p. 41. — Les bals masqués en 1834,
p. 90. — La corporation des pein-
tres-verriers de Paris en i583,
p. i56. — La confrérie de Saint-Fia-
cre est rétablie par François I« r ,
p. i83.
Philippe V, roi d'Espagne. — Lettre
de lui, p. 26.
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TABLE DES PIÈCES INEDITES
199
I>icardib. — Certificat délivré par Révolution française. — Suppres-
Beflroy de Reigny, né à Laon, p. —- A - — n—~ - o
98. — Charte de Louis VII, p. 107.
— Lettre de saint Vincent de Paul,
p. i$ 7% _ Calon, député de l'Oise,
propose de donner un drapeau à la
gendarmerie nationale, p. 182.
Pis VII, oape. — Lettre du cardinal
Consalvi, p. 139.
Pignbrol. — Foucquet y est prison-
nier, p. 71.
Pinaigrier (Nicolas). — Juré de la
corporation des peintres- verriers de
Paris en 1 585, p. i58. — Généalo-
gie de sa famille, p. 162-163.
Poitou. — Charte d'Aimeri IX de
Rochechouart , p. 3o. — Charte
signée par Simon de Cramaud,
évêque de Poitiers, p. 84. —Quit-
tance de la princesse de la Tré-
moille, p. 100.
Pouce. — Rapport de Fouché sur
son organisation en 1799, p. 102.
Pougnac (le prince Jules de). —
Lettre de lui, p. 69.
Pontoise. — Charte de Louis VII,
datée de cette ville, p. 107.
Porcher (François), maître vitrier
des bâtiments du Roi. — Figure
dans l'acte de la corporation des
peintres verriers en 1 585, p. 1 58.
Provence. — Lettre du général
Miollis, né à Aix, p. 29. — Lettre
du maréchal Brune sur l'état des
esprits à Marseille pendant les
Cent-Jours, p. 80. — Charte si-
gnée par Guillaume Fillastre, ar-
chevêque d'Aix, p. 85. — Lettre
de Charles VIII sur l'évèché d'O-
raagfi P» J48. — Brevet de l'ordre
du Porc-Epic conféré au seigneur
de Grignan en 144 1, p. 169. — Le
cardinal de Lorraine meurt à Avi-
gnon, p. 170.
Recamier (Mme). — Lettres d'elle,
p. i3o-i3i.
Reims. — Acte signé par Simon de
Cramaud, archevêque de Reims,
p. 84.
sion des académies en 1793, p. 27.
— Les théâtres en 1794, p. 5i. —
Lettre du général Bernadette,
p. 86. — Certificat de Beffroy de
Reigny, p. 98. — Organisation de
la police par Fouché, p. 102. —
Meurtre de Foullon et Bertier,
p. 121. — Jean Guerin fait les
portraits de plusieurs membres de
l'Assemblée nationale, p. 122. —
Funérailles du comte de Mirabeau,
p. 123. — Envahissement du châ-
teau des Tuileries, le 20 juin 1 792,
p. 124. — Lettre du cardinal Con-
salvi, p. i3o. — ; Lettres de Ma-
dame Chénier, p. 143. — Circu-
laire et lettre de l'évêque de Ver-
sailles, p. 1 52-i 55. — Lettre du
général Aloreau, 167. — Mémoire
e Collin d'Harleville, p. 174. —
Drapeau de la gendarmerie natio-
nale, p. 182.
Retnier (le général). — Lettre du
général Moreau à lui adressée,
p. 167.
Rochechouart (Aimeri IX, vicomte
de). — Charte de lui, p. 38.
Rouen. — Mort du cardinal de
Bourbon, archevêque de cette
ville, p. 07.
Russie. — Lettre 'de M 11 * Clairon au
comte Schouvalof, p. 1 7*
Saillant (le comte de), gouverneur
de Metz. — Le prince de Dombes
loge chez lui |en 1717, p. 45.
Saint-Lambert (J.-Fr. de). — Lettre
de lui, p. 186.
Saint-Mars (Bénigne de). — Gar-
dien de Foucquet à Pignerol,p.7i.
Savoie (Bonne de), belle-sœur de
Louis XI. — Épouse Galéas-Marie
Sforce, duc de Milan, p. i65.
Schouvalof (le comte André de). —
Lettre de M |U Clairon à lui adres-
sée, p. 17.
Seine-et-Marne (département de). —
Meurtre de Monaldeschi à Fontai-
nebleau, p. 3. — Blasphème com-
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200
REVUE DES DOCUMENTS HISTORIQUES
mis par un soldat, en i63i, dans
l'église Notre-Dame de Melun,
p. 56.
Sforce (François), duc de Milan. —
Lettre de Jean II, duc de Bourbon,
à lui adressée, p. i38.
Sforce (Galéas-Marie), duc de Milan.
— Épouse Bonne ae Savoie, belle-
sœur de Louis XI, p. i65.
Strasbourg. — Passage du prince
de Dombes dans cette ville, p. 47.
Suède. — Lettre de l'abbé Bourde-
lot sur le meurtre de Monaldeschi,
ordonné par Christine de Suède,
p. 3.
Tasso (Torquato). — Lettre du gé-
néral Miollis sur le couvent de
San-Onofrio où sont conservés les
restes du Tasse, p. 29.
Théâtre. — Lettres de M I,e Clairon,
p. 13-19. — Les théâtres sous la
République, p. 3i. — Le théâtre
italien en 1704, p. 41. — Les bals
masqués en 1834, p. 90. — Certi-
ficat délivré par Beffroy de Reigny
à M 110 Devienne, p. 98.
Thiers (Adolphe). — Lettre de lui,
p. 55.
Thouars (Aimeri IX, vicomte de). —
Charte le concernant, p. 39.
Touraine. — Lettre du roi de Naples
Frédéric III , datée de Plessis-les-
Tours, p. 12.
Tourtier (Quentin). — Juré de la
corporation des peintres verriers
de Paris, en x585, p. i58.
Treilhard (le comte). — Signataire
d'une lettre sur le but moral des
théâtres, p. 3i.
Turenne (le vicomte de). — Son opi-
nion sur l'équipement de la cava-
lerie, p. 1 78-9.
Vaudemont (le prince de). — Lettre
, du maréchal de Vilteroy à lui
adressée, p. 35.
Vendée. — Charte d'Aimeri IX de
Rochechouart, p. 39.
Vendôme (Louis-Joseph, duc de). —
Lettre de Chamillart à lui adres-
sée, p. 7.
Vergennes (le comte de). — Lettre
de Grimm à lui adressée, p. 63.
Vermandois. — Exécution de bri-
gands en 1479 et 1480, p. 20.
Versailles. — Circulaire et lettre de
Charrier de La Roche, évéque de
cette ville, p. i5a-i55.
Villars (le maréchal de). — Lettre
de lui, p. 178.
Villeroy (le maréchal de) — Lettre
de lui, p. 35.
Vincent de Paul (saint), — Lettre de
lui, p. i36.
Voltaire (F.-M. Arouet de) . —
Saint-Lambert refuse de commu-
niquer les lettres qui lui ont été
adressées par Voltaire, p. 1 86.
Wellington (le duc de). — Une opi-
nion de lui citée dans une lettre du
prince de Polignac, p. 71.
Yonne (département de Y). — Lettre
de l'abbé Bourdelot, né à Sens,
p. 1.
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TABLE DES FAC-SIMILE
CONTENUS DANS CE VOLUME
Albbroni (le cardinal). — Compli-
ment et signature, p. 77.
Balzac (Honoré de). — Signature,
p. 60.
Barère (Bertrand). — Signature,
p. 32.
Beauvais (Ch.-Nic). — Sa signature
sur le modèle du drapeau de la
gendarmerie nationale, p. 182.
Bkffroy db Reigny (Louis- Abel). —
Certificat, p. 99. '
Bernadotte (le général). — Signa-
ture, p. 87.
Besson, conventionnel. — Sa signa-
ture sur le modèle du drapeau de
la gendarmerie nationale, p. 182.
Billaud-Varenne (J.-Nic). — Signa-
ture, p. 32.
Bourbon (Charles III, cardinal de).
— Lettre, p. 67.
Bourdelot (l'abbé). — Écriture et
signature de lui, p. 4.
Bréard, conventionnel. — Signature,
p. 32.
Buonaparte (Petronilla). — Compli-
ment et signature, p. i5i.
Calon, député de l'Oise à la Conven-
tion. — Sa signature sur le modèle
du drapeau de la gendarmerie na-
tionale, p. 182.
Chamill art (Michel de). — Signature,
p. 8.
Chénier (Elisabeth). — Lettre, p. 146.
Clairon (Mademoiselle). — Lettre,
p. i5. — Signature, p. 19.
Collin d'Harleville (J.-P.). — Si-
gnature, p. 177.
Cramaud (Simon de), archevêque de
Reims. — Signature, p. 83.
David (Louis), le peintre. — Sa si-
gnature sur le modèle du drapeau
de la gendarmerie nationale, p. 182.
Deschamps (Gratien), maître vitrier.
— Signature, p. 161.
Duboys (Jean), bachelier de l'état de
vitrier. — Signature, p. 161.
Epernon (J.-L. de Nogaret, duc d').
— Signature, p. 57.
Eschassériaux , conventionnel. —
Signature, p. 32.
Fiésinger (Gabriel). — Signature,
p. 129.
Fillastre (Guillaume). — Signature,
p. 83.
Frédéric III, roi de Naples. — Com-
pliment et signature, p. 12.
Frédéric- Guillaume III, roi de
Prusse. — Compliment et signa-
ture, p. 73.
26
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202
TABLE DES FAC-SIMILE
Gendarmerie nationale. — Modèle
de son drapeau, p. 182.
Grimm (le baron de), — Écriture et si-
gnature, p. 66.
Guerin (Jean I er ). — Signature et
portrait, p. 114.
Guerin (Christophe). — Signature,
p. u5.
Guerin (Jean-Urbain). — Signature
et portrait, p. i33.
Guerin (Gabriel). — Signature, p. 1 35.
Guise (Louis, cardinal de). — Signa-
ture, p. 171.
Guise (Henri I er de Lorraine, duc de).
— Signature, p. 172.
Hélène (sainte). — Charte concer-
nant ses reliques, p. 83.
Joseph II, empereur d'Allemagne. —
Compliment et signature, p. 79.
La Tremoille (Gabrielle de Bourbon,
princesse de). — Signature, p. 101.
La Vallette (Bernard de Nogaret,
duc de). — Signature, p. 5y.
Lenoir, lieutenant de police.— Signa-
ture, p. 41 .
Louis VII, roi de France. — Charte,
p. 107.
Miollis (le général). — Signature,
p. 3o.
Montesquiou (l'abbé de). — Signa-
ture de lui, p. 192.
Ordre du Porc-Épic. — Brevet,
p. 169.
Orléans (Louise- Henriette de Bour-
bon-Conti, duchesse d'). — Signa-
ture, p. 24.
Philippe V, roi d'Espagne. — Lettre,
p. 26.
Pinaigrier (Nicolas). — Signature,
p. 161.
Porcher (François), maître vitrier.—
Signature, p. 161.
Rochechouart (Aimeri IX, vicomte
de). — Charte, p. 39.
Saint-Lambert (J.-Fr. de). — Signa-
ture de lui, p. 187.
Saint-Mars (Bénigne de). — Quit-
tance, p. 72.
Thiers (Adolphe). — Lettre, p. 55.
Tourtier (Quentin), juré de la corpo-
ration des peintres verriers de
Paris. — Signature, p. 161.
Treilhard (le comte). — Signature,
p. 32.
Villars (le maréchal de). — Signa-
ture, p. 180
Villeroy [le maréchal de). •
ture,
:roy (le 1
e, p. 37.
Signa-
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INDEX DES ARCHIVES
DES BIBLIOTHÈQUES PUBLIQUES
ET DES COLLECTIONS PARTICULIÈRES
d'où proviennent les pièces publiées dans ce volume.
Archives de Milan.
Lettre de Jean II, duc de Bourbon,
p. i38 ; — Lettre de Louis XI,
p. i65.
Archives de Venise.
Lettre de Charles VIII, p. 148.
M. Luigi Atfolini.
Lettre de saint Vincent de Paul,
p. 137; — Lettre de Petronilla
Buonaparte, p. 1 5o.
M. le docteur Bonnejoy.
Charte de Louis VII, p. 106.
M. Armand Dufour.
Voyage du prince de Dombes en
Hongrie, p. 43.
M. Benjamin Fillon.
Charte d'Aimeri IX, vicomte de
Rochechouart , 38 ; — Charte con-
cernant les reliques de sainte Hé-
lène, p. 82; — Lettre de Fiesinger,
p. 128.
M. le baron de Girardot.
Pièce concernant la condamnation
d'un soldat pour blasphème, p. 56 ;
— Lettres de Balzac, p. 58.
M. Jules Guerin.
Documents sur sa famille, p. 1 14-1 35.
M. Mahérault.
Lettres de M* 6 Chénier, p. 143.
M. Alfred Morrison.
Lettres de M ,ta Clairon, p. 14.
M. Antonin Voisin.
Charte de Jean sans Peur, p. 88.
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DATE DUE
STANFORD UNIVERSITY LIBRARIES
STANFORD, CAIIFORNIA 94305
DATE DUE
STANFORD UNIVERSITY LIBRARIES
STANFORD, CALIFORNIA 94305
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